Un reliquat de 114,4 milliards de l’emprunt obligataire de 2022 non versé au Trésor public




 
La Société nationale de Gestion et d’Exploitation du Patrimoine bâti (Sogepa) a procédé le 21 avril 2022 à la mobilisation d’un emprunt obligataire sous forme de Sukuk d’un montant de 330 milliards. Pour réaliser cette opération, l’Etat a procédé à la vente à la Sosepa, dans le cadre du développement du Sukuk, de divers immeubles bâtis appartenant à l’Etat. Le prix total des immeubles vendus s’élève à 198 milliards 92 millions et les immeubles concernés sont, entre autres, l’immeuble building administratif de 10.842 m2 dont la valeur des expertises est de 72,1 milliards ; l’immeuble ancien palais de justice d’une superficie de 37.941 m2 à 59,2 milliards ; Immeuble ex Ecole des Douanes 17,1 milliards pour une superficie de 5734 m2 ; l'immeuble ministère des Finances et du Budget d’une superficie de 3495 m2 à 15 milliards etc.
 
247 milliards sans dossier d’ouverture du compte
 
Ces biens vendus à Sogepa ont permis via un fonds commun de titrisation de mobiliser l’emprunt. Ils sont ensuite mis en location à l’Etat du Sénégal qui paie des loyers servant de rendement aux investisseurs. A la fin de la maturité, l’actif est racheté pour permettre le remboursement intégral du capital. Sur les 247 milliards 338 millions de l’État, 198 milliards représentent le prix d’acquisition des dix bâtiments et 49 milliards correspondant à la part acquisitive des sommes avancées par l’Etat, pour le compte de la Société dans le cadre du rachat anticipé des sphères ministérielles de Diamniadio. Cependant, des anomalies sont relevées sur cette opération. En effet, sur le virement des 247,33 milliards effectués par la Bis au profit de l’Etat, la banque a révélé à la Cour qu’il n’existe pas de dossier d’ouverture du compte ; les ordres de virements présentés par la banque sont signés par le Directeur général du Budget. Positionné le 11 mai 2022, le produit est entièrement exécuté en dehors des procédures budgétaires et comptables. Selon le ministre des Finances et du Budget, la situation du Sukuk de 247,3 milliards est composée de132,9 milliards effectivement encaissés par le Trésor dont 90 milliards après l’émission, 13,2 milliards reçus via le crédit relais remboursé à Ecobank et 29,774 milliards (sur le montant de 31 milliards) mobilisés pour le remboursement d’un crédit relais de la Bis contracté en 2022. En définitive, la Cour considère comme gap de trésorerie affectant le déficit le montant de 114,4 milliards non reversé au Trésor.
 
2562,1 milliards transférés aux services non personnalisés de l’Etat
 
Les Services non personnalisés de l'État (Snpe), entités dépourvues de personnalité juridique, ont bénéficié, durant la période sous revue, de transferts budgétaires d’un montant total de 2562,17 milliards, représentant 28,06% des transferts globaux du Budget général. Selon la Cour des comptes, l’Etat ne doit pas accorder à ses propres services des transferts de crédits ; ceux-ci devant bénéficier de crédits de fonctionnement ou d’investissement. Les transferts au profit des services non personnalisés de l’Etat, exécutés à travers des comptes de dépôt ouverts au Trésor et confiés à des gestionnaires nommés par le ministre chargé des Finances, mobilisent d’importantes sommes dont la gestion comporte plusieurs manquements.  A titre illustratif, la Cour a examiné la situation d’exécution des comptes « Cap/Gouvernement » et « Programme de Défense des Intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (Pdies) » dans les développements qui suivent.
 
Des décaissements de plus de 10 milliards sur ordre du Directeur du Budget qui n’est pas le gestionnaire du compte  
 
Sur la période sous revue, d’importantes ressources d’un montant de 1343 milliards 577 millions sont décaissées à travers le compte Cap/Gouvernement. Cependant, des décaissements sont effectués en 2022 par le Trésorier général sur ordre du Directeur général du Budget qui n’est pas le gestionnaire du compte. Il s’agit notamment du paiement de 6 milliards 481 millions au profit d’Envol Partenariat SA, au titre du loyer (deuxième semestre 2022) de la Maison des Nations Unies à Diamniadio ; de 1 milliard 205 millions au profit de Dp World au titre du complément de l’achat des 30% d’actions de Dp World pour le compte de l’Etat du Sénégal ; 4 milliards au profit d’Air Sénégal. Dans sa réponse, le ministère des Finances et du Budget précise que le Directeur général du Budget, qui n’est pas le gestionnaire du compte, ne peut donner d’ordre au Trésorier général de payer une dépense. Par ailleurs, le compte de dépôt enregistre, en 2023, le remboursement d’une dette bancaire d’un montant de 305 milliards 943 millions sans lien établi avec l’objet pour lequel il a été créé.
 
Prélèvement irrégulier de 407 milliards
 
La Cour constate aussi qu’en plus des transferts budgétaires, les comptes de dépôt « Cap/Gouvernement » et « Programme de Défense des Intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (Pdies) » reçoivent des affectations de trésorerie sur autorisation du ministre chargé des Finances. C’est le cas de l’autorisation accordée en 2023 d’imputer les ressources mobilisées auprès de l’investisseur Cgl dans les comptes de dépôt Cap Gouvernement et Pdies pour des montants respectifs de 125 milliards et 4 milliards 22 millions. Des affectations effectuées en dehors des procédures de la loi de finances. Outre les problèmes relevés sur l’exécution des comptes de dépôt sus indiqués, une utilisation irrégulière des soldes créditeurs des comptes de dépôt est constatée. Ainsi, en fin d’année 2023, des prélèvements d’un montant de 407 milliards 550 millions sont opérés sur des soldes créditeurs des comptes de dépôt pour être affectés à d’autres comptes sur autorisation du ministre des Finances. Ces prélèvement/affectations contreviennent aux dispositions de l’arrêté n°21136 du 21 novembre 2017, modifié, qui prévoient, pour les soldes créditeurs de ces comptes de dépôt, le report ou la comptabilisation en recettes exceptionnelles.
 
 
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