Abdoulaye Wade n’est pas du tout emballé par l’idée de Macron consistant à ériger un mur sur la côte à Saint-Louis, pour protéger l’ile de l’agression de la mer. Pour lui, cela ne devrait en aucun cas être une initiative improvisée à la faveur d’une visite, mais un projet bien pensée, en impliquant tous les riverains de l’Atlantique. «Je me fais le devoir de conseiller que tous les projets de murs de grande dimension sur une côte africaine de l’Atlantique soient soumis à l’appréciation préalable, par une commission scientifique tripartite, de toutes les répercussions possibles des agressions des assauts de l’océan sur tout le reste des côtes atlantiques», écrit l’ancien Président dans sa missive. Et d’ajouter en invite au Président Macron : «Ce que nous croyons pouvoir demander à l’un des Présidents du G8 (Macron) qui se trouve sur notre sol en ce début de février 2018, c’est de promouvoir la réunion de cette commission scientifique mondiale tripartite qui sera chargée, d’une part, de donner, préalablement, un avis éclairé sur toute entreprise d’édification d’un mur d’envergure sur la côte atlantique et, d’autre part, prescrire les mesures et les moyens de protection de nos côtes, pour éviter que des initiatives improvisées, non suffisamment réfléchies ou incoordonnées, ou simplement la fonte des neiges, n’entrainent l’irréparable sur d’autres côtes de notre continent, voire sur les autres continents qui partagent l'Atlantique», a fait savoir l’ancien Président sénégalais dans sa missive.
Convaincu qu’un mur sur l’Atlantique à hauteur de Saint-Louis pourrait avoir des conséquences dramatiques ailleurs, Me Wade, sous son manteau de physicien et de géo-dynamicien, explique : «On connait la loi de la réflexion souvent évoquée en optique ou en mécanique : un obstacle qui arrête des forces en mouvement, en l’espèce celles des vagues, ne les annule pas, mais les réfléchit, les dévie (…) Les vagues ainsi déviées alimentées par l’énergie qui les soutient, peuvent s’orienter vers d’autres côtes et amplifier les mouvements d’agression côtiers avec des conséquences imprévisibles de la dynamique des sables des profondeurs de la mer».
Mur de l’Atlantique à Popenguine : «Nous ne sommes pas allés plus loin que 2 kilomètres, par simple prudence (…)»
Et c’est en raison des risques encourus et «par prudence» que l’ancien chef d’Etat s’est limité à un mur (Mur de l’Atlantique) de 2 kilomètres, (40cm de largeur) seulement, à Popenguine, à une soixantaine de kilomètres de Dakar), pour protéger le second palais présidentiel. «J’ai procédé à une expérience volontairement limitée sur 2 kilomètres de la façade atlantique de la Résidence de Popenguine, en attendant les études scientifiques que j’ai toujours réclamées des autorités africaines, françaises, européennes et américaines». En effet, Wade souligne avoir réclamé, en vain, à l’occasion de «plusieurs forums, notamment au Sommet du G8 de Kananaskis, la mise en place d’une commission scientifique tripartite comprenant l’Afrique, la France et l’Europe ainsi que les Etats-Unis». Or, cela est d’autant plus nécessaire, pour lui, que «nul ne devrait prendre la responsabilité d’engager des travaux d’envergure sur les côtes de l’Atlantique, sans consultations avec les riverains, pour des raisons de mécanique et de dynamique des sables déplacées par les vagues qui sont parfois d’une ampleur et d’une vigueur exceptionnelles».
Wade, la «petite entreprise française» et Jean Lefebvre de Bara Tall
Parlant du mur protecteur de la résidence de Popenguine, Me Wade souligne : «la petite entreprise française» à laquelle il avait fait recours, «en raison de sa taille modeste, n’ayant pas pu achever la tâche, s’est retirée volontairement après avoir perçu la rémunération du travail déjà effectué». Il a dû faire appel à une entreprise locale, bien sénégalaise pour terminer le travail. «J’ai dû faire appel, pour l’achèvement, à l’entreprise franco-sénégalaise Lefebvre-Bara Tall», dit-il. Et il a par la suite fait expertiser le travail de Bara Tall par une entreprise marocaine Somagel, réputée dans le secteur, qui a conclu que «le travail (de Jean Lefebvre) était très bien fait», tout en donnant quelques recommandations. Une manière sans doute de dire que dans certains domaines, nous avons une expertise locale.
Synthèse de Mbaye THIANDOUM