Le paysage numérique africain, largement dominé par des acteurs étrangers, accentue les vulnérabilités technologiques du continent. Dans sa note intitulée « Démystifier l’influence des acteurs extérieurs dans le secteur technologique africain », publiée le 2 décembre 2024, le Centre africain d’études stratégiques (ACSS) illustre cette dépendance à travers le concept de « pile technologique ».
Cette pile est divisée en cinq couches : applications, systèmes d'exploitation, produits de consommation, infrastructures et prestataires de services. Chaque couche révèle une forte influence extérieure. Les solutions de Google et Meta dominent la couche des applications du marché, avec une nette prédominance des États-Unis et de la Chine. Android, iOS et Windows, des produits américains, règnent sans partage dans la couche des systèmes d’exploitation.
Pile technologique africaine
Source : ACSS
Les fabricants asiatiques, notamment chinois et sud-coréens, monopolisent la fourniture de téléphones portables. Dans la couche réservée aux produits de consommation, Transsion et Xiaomi détiennent plus de 60 % du marché africain des smartphones, suivis par Samsung (22 %) et Apple (13 %). Pour ce qui est des infrastructures télécoms, Huawei et ZTE, deux géants chinois, ont construit jusqu’à 75 % des réseaux 3G, 4G et 5G en Afrique. Les câbles sous-marins, centres de données et satellites télécoms sont majoritairement contrôlés par des acteurs étrangers. Des opérateurs comme Orange, Airtel, Vodafone et Africell dominent le secteur des prestataires de services.
Faire émerger des alternatives
Malgré cette domination, l’ACSS souligne le rôle crucial des entreprises africaines, des régulateurs, des consommateurs et des travailleurs du secteur. Ces acteurs déterminent l’utilisation et le développement des technologies sur le continent. Certaines initiatives africaines montrent la voie : MTN Group, Maroc Telecom (Moov Africa), Ethio Telecom ou encore le consortium Djibouti Africa Regional Express (DARE) pour les infrastructures sous-marines. Ces efforts, bien qu’insuffisants face à l’ampleur des défis actuels, peuvent contribuer à renforcer l’autonomie technologique africaine s’ils sont soutenus.
Part étrangère dans la pile technologique africaine
Source : ACSS
Mais pour véritablement sécuriser l’écosystème tech africain des mauvaises habitudes des entreprises technologiques étrangères dont il dépend, le Centre africain d’études stratégiques recommande de diversifier l’offre et d’accentuer la concurrence. Cela est particulièrement important en attendant que l'Afrique se dote de ses propres outils technologiques.
Bien que les États-Unis et la Chine aient une influence considérable, d'autres acteurs comme l'Europe, la Corée du Sud et l'Inde ont également une présence significative sur le marché technologique mondial. Ouvrir l’écosystème tech africain à ces acteurs peut atténuer la domination de certains acteurs en particulier et affaiblir les vulnérabilités liées à l'influence d'acteurs extérieurs.
L’autre approche préconisée par le Centre africain, c’est de donner la priorité à la cybersécurité. Encourager les consommateurs locaux (Etats, entreprises, particuliers) à choisir des produits et entreprises qui accordent la priorité à la cybersécurité. Les pays africains doivent eux aussi accentuer leurs propres cybercapacités pour protéger les infrastructures d'information critiques contre les cyberattaques.
En somme, la souveraineté numérique africaine repose sur une mobilisation coordonnée des gouvernements, des entreprises et des citoyens. L’objectif, bâtir un écosystème technologique sûr, capable de répondre aux besoins du continent malgré une faible offre technologique locale.
Muriel EDJO
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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