Sommés de quitter: Les commerçants de Sandaga dénoncent la démarche sectaire de Abdou Karim Fofana



 
Les commerçants installés aux alentours du bâtiment du marché Sandaga ont décidé de rester sur place en dépit de l’arrêté du préfet les sommant de vider les lieux avant le 3 juillet. Une position qui découle, à en croire le président du comité d’organisation de l’association «And Taxawu Sandaga», Moustapha Diouf, de la démarche sectaire du ministre Abdou Karim Fofana qui, dit-il, n’a pas associé les acteurs à ce nouveau plan de réhabilitation du marché. Les commerçants ont invité le ministre à la concertation. A défaut, ils ne comptent bouger d’un pouce.  Et advienne que pourra !  
  
Dans le cadre de la réhabilitation du marché Sandaga, les commerçants installés sur la voie publique aux alentours du bâtiment central ont été sommés par le préfet de Dakar de quitter les lieux au plus tard demain vendredi 3 juillet. En effet, passé ce délai, l’administration, relève Alioune Badara Samb, se réserve le droit de procéder à la libération des emprises. En d’autres termes, les récalcitrants seront tout simplement déguerpis. Instruction ou menace, dans tous les cas, les commerçants concernés ne sont nullement ébranlés par cette mesure. Comme en témoigne le climat qui règne aux alentours du bâtiment central de Sandaga où l’activité commerciale va bon train. Les échoppes continuent d’être visitées par les clients dans les différentes artères concernées qui grouillent de monde, en cette période de canicule et de pandémie du Covid-19. Comme si de rien n’était. Pourtant, le préfet de Dakar, en plus de l’arrêté, a envoyé des sommations individuelles aux différents commerçants concernés pour leur signifier cet arrêté. Seulement, face à cette démarche de l’autorité, les tenanciers des échoppes ont opposé le mépris. A en croire le président du comité d’organisation de l’association «And Taxawu Sandaga (Ats)», Moustapha Diouf, la distribution des sommations est tout simplement illégale. A l’en croire, c’est par voie d’huissier que ces sommations devraient être notifiées afin qu’ils puissent saisir leurs avocats. Or, le préfet, ajoute-t-il, nous a envoyé des agents de sécurité de proximité (Asp) pour nous servir ces sommations. «Ce que nous avons refusé», indique notre interlocuteur. 
 
Moustapha Diouf : «Abdou Karim Fofana ne peut pas s’enfermer entre quatre murs et décider pour nous» 
 
Et pourtant, loin d’imposer un bras de fer à l’autorité, les commerçants veulent au contraire un règlement définitif du marché Sandaga. Seulement, ils veulent être associés en tant qu’acteurs, comme ce fut d’ailleurs toujours le cas avant l’arrivée de Abdou Karim Fofana. «Le marché Sandaga est un patrimoine historique. Nous sommes pour sa réhabilitation, mais faudrait-il qu’on soit associé. Le ministre de l’Urbanisme ne peut pas s’enfermer entre quatre murs et décider pour nous, surtout en cette période de crise sanitaire et à la veille de la Tabaski. Si nous devons partir, nous voulons le faire dans des conditions claires», fait remarquer Moustapha Diouf qui rappelle, dans la foulée, qu’un comité de pilotage a été installé par l’ancien ministre du Commerce, Alioune Sarr, sur instruction du président de la République en vue de réhabiliter le marché Sandaga. Le comité de pilotage, dit-il, regroupait les acteurs (les commerçants) ainsi que différents démembrements de l’Etat et avait abouti à un projet de réhabilitation dudit marché, dont la maquette a été validée par le président de la République. 
Moussa Wone, président de l’Association des riverains de Sandaga, qui a également participé aux différentes rencontres, rappelle que la pose de la première pierre était prévue en décembre 2018 et le démarrage des travaux dans le premier trimestre de l’année 2019. Poursuivant, Moussa Wone de révéler qu’à la date du 29 août 2019, le comité de pilotage avait émis 9 propositions pour faciliter le départ des commerçants du marché Sandaga. Il s’agit, entre autres, dit-il, du recensement de tous les commerçants, de l’identification des sites de recasement adéquats, du dispatching géographique, de l’attribution des cantines aux ayants droit et de l’installation des commerçants par rayons commerciaux de même nature. 
 
M. Diouf : «nous resterons ici, quitte à ce que les bulldozers nous passent dessus»
 
 «Si ces préalables étaient respectés par les autorités, elles n’auraient pas besoin de toute cette procédure pour que nous quittions les lieux. Nous l’aurions fait en toute responsabilité», indique M. Wone, qui accuse le ministre Abdou Karim Fofana d’être à l’origine de cette confusion. En effet, contrairement au projet initial de réhabilitation du marché Sandaga, d’un coût de 5 milliards validé par le chef de l’Etat, le ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, accuse Moustapha Diouf, a débarqué avec un autre projet de reconstruction de Sandaga d’un coût de 10 milliards pour 700 places, sans consulter les acteurs. Ce qui est à l’origine de cette montée d’adrénaline chez les commerçants. «Le ministre veut nous imposer la force, mais ça ne passera pas. On ne peut pas prétendre servir une corporation sans pour autant discuter ou associer les acteurs de cette corporation. Il doit d’abord discuter avec nous avant toute décision. A défaut, nous resterons ici quitte à ce que les bulldozers nous passent dessus», prévient le président de l’Ats, déçu de la démarche de Abdou Karim Fofana. 
 
Champ de courses ou le mouroir des commerçants 
 
Quant au site de recasement du champ de courses, il estime également que cette question devait être discutée entre les acteurs concernés. En effet, dit-il, pour déplacer des commerçants d’une commune à une autre, il faut s’entourer de garantie. Car, indique-t-il, rien ne dit que le marché sera réhabilité et remis aux commerçants. De son côté, Alé Lo, qui a vu passer Sengor, Diouf et Wade, pour s’être installé au marché Sandaga depuis 1970, considère le Champ de courses comme un mouroir des commerçants. «Ils veulent notre mort en nous demandant de rejoindre notre mort. Cet endroit est enclavé et inaccessible. En 2013, le ministre Abdoulaye Daouda Diallo nous avait promis une ouverture du marché sur l’autoroute, mais il n’a pas tenu promesse. S’y ajoute, à la fin de la réhabilitation du marché Sandaga, rien ne dit que nous allons revenir. Nous n’avons aucune garantie», indique le vieux commerçant, qui cite en guise d’exemple la première vague de commerçants qui a rejoint le site de recasement en question. 
De son côté, Moussa Wone, président des riverains du marché Sandaga, n’est pas confiant en cette nouvelle mouture du projet de construction du marché. Il craint, dit-il, un détournement d’objectif. Comme ce qui s’est passé au stade Assane Diouf. «Qu’est-ce qui se cache derrière ce projet de réhabilitation à 10 milliards ? Est-ce que Auchan ne va pas s’implanter dans une partie du nouveau marché ? Le marché Sandaga est un patrimoine historique et nous allons lutter pour qu’il le reste», précise M. Wone. 
En tout état de cause, une rencontre a été prévue avec le ministre Abdou Karim Fofana et les membres de l’Ats ont décidé de camper sur leurs positions afin qu’ils soient associés aux négociations avant tout projet de réhabilitation. 
 
 
Moussa CISS  

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