Les populations de Kathialick, Kessoukhatt et Mbadatt étaient loin de s’imaginer qu’après avoir cédé leurs terres, leurs maisons, leurs cimetières, leur culture et leurs traditions pour l’implantation de l’Aéroport International Blaise Diagne (Aibd), elles se retrouveraient aujourd’hui dépossédées du peu de terres qui leur restait par des promoteurs immobiliers véreux, avec la complicité du maire de Keur Moussa, en l’occurrence Momar Ciss. En effet, tous les sites destinés à recaser ces populations, parfois par suite d’un déclassement du chef de l’Etat, ont été bradés pour des intérêts pécuniaires et partisans. Zoom sur cette spéculation foncière sans précédent dans les communes de Keur Moussa et Diass, situées aux alentours de l’Aibd. Le bradage foncier noté sur le littoral sénégalais n’est que l’arbre qui cache la forêt. En effet, depuis l’annonce de l’implantation de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd), cette zone est devenue la destination des spéculateurs fonciers. Conséquence : c’est un bradage foncier sans précédent qui a été noté dans les communes de Keur Moussa et de Diass, sous le regard impuissant des populations. Cette vaste spoliation touche près d’une vingtaine de localités situées dans ces deux communes. (Landou, Soune, Touly, Kessou khatt, Kathialick, Mbadatt, Thiambokh, Léne, Lélo, Gapp, Mboul, Km 50, Khinine, Gnetzing, Palal) dans la commune de Keur Moussa et (Packy et Toglou) dans la commune de Diass. Cependant, pour arrêter l’hémorragie induite par cette spéculation foncière, le mouvement «Samm Sa Momel», qui regroupe tous ces villages impactés par l’Aibd, est sur la ligne de front pour mener le combat et défendre les intérêts de ces populations. «Les Échos» vous plonge au cœur de ce scandale, dont les acteurs sont des personnalités publiques, des promoteurs véreux avec la complicité des maires de ces deux communes. Abdou Aziz Diop, ancien ministre de Diouf, bénéficie de 203 ha pour un projet agricole sans jamais l’exploiter Cette spéculation foncière a commencé avec le cas Mme Jackie Mbaye Diop, épouse de l’ancien ministre du président Abdou Diouf, Abdou Aziz Diop, qui s’est vu attribuer respectivement en 1995, 203 ha 36 a 40 ca (délibération n°5/CR/KM du 28/12/1995) et 150 ha (délibération n°04-95-102/CR de Diass du 02/01/1995) à usage agro-sylvo-pastoral. Cependant, de l’avis du secrétaire général de «Samm Sa Momel», Malick Diouf, l’épouse du ministre n’était en réalité qu’un prête-nom. A l’en croire, le projet à l’origine de cette attribution était géré par le ministre lui-même. Seulement, en dépit de ces délibérations, certains propriétaires de champs n’avaient pas adhéré au projet du ministre Abdou Aziz Diop et avaient refusé de céder leurs terres. Devant cette opposition de la population locale, le ministre avait finalement abandonné le projet avant de quitter les lieux en 1998. En clair, la mise en œuvre de ce projet n’a jamais été faite et il n’y a jamais eu d’exploitation agricole comme convenu dans la délibération. 15 ans après avoir abandonné son projet agricole, Abdou Aziz Diop revient avec un projet immobilier Invraisemblable que cela puisse paraitre, l’ancien ministre, 15 ans après avoir abandonné son projet agricole, est revenu en 2013. En effet, l’implantation de l’aéroport Blaise Diagne valorise le site et aiguise bien des appétits. Seulement, le ministre, cette fois-ci, a dans ses bagages un projet…immobilier. C’est ainsi que le terrain d’une superficie de 203 ha 36 ca 40 ca destiné au projet agricole a été morcelé pour en ressortir avec un plan de lotissement de 2393 parcelles. Ce qui constitue aux yeux du mouvement «Samm Sa Momel» un détournement d’objectif. Devant cette situation, explique Malick Diouf, le maire de Keur Moussa, Momar Ciss, au lieu de procéder tout simplement à la désaffectation des terres aux termes des dispositions du décret n°72-1288 du 27 octobre 1972 pour défaut de mise en valeur, de non exploitation personnelle ou avec l’aide de sa famille des terres affectées, ou encore de détournement d’objectif, a décidé de fouler aux pieds ce décret pour délivrer des actes administratifs au nom de l’épouse du ministre, Mame Jackie Mbaye Diop. Pourtant, se désole de constater Malick Diouf, le maire avait déjà, sur ce terrain, signé des actes administratifs au profit des populations en se basant sur la délibération N°09/CR/KM du 15 décembre 2007 portant sur l’alignement de tous les villages de la Communauté rurale de Keur Moussa, approuvée par le sous-préfet d’arrondissement de Keur Moussa par arrêté N°06 en date du 20 janvier 2008. Les habitants de Kathialick, de Kessou khatt et Mame Jackie Mbaye se retrouvent sur la même assiette foncière Par ailleurs, suite au protocole de Saly du 09/05/2015 entre Aibd SA, le Collectif des villages impactés par le projet de l’aéroport Blaise Diagne (Kathialick, Kessoukhatt et Mbadatt), le Gouverneur de la Région de Thiès, la Commission de l’Urbanisme, de l’Habitat de l’Équipement et des Transports de l’Assemblée nationale et le Forum civil, le Conseil municipal de la commune de Keur Moussa a délibéré 100 ha des terres restantes du périmètre de sécurité de l’Aibd pour recaser les habitants des villages de Kathialick et Kessoukhatt impactés par la construction de l’Aibd. Seulement, il faut noter que cette délibération du maire a été faite sur la même assiette foncière dont Mme Diop avait bénéficié par délibération en 1995. Ainsi, les populations des villages précités et l’épouse de l’ancien ministre de Diouf se sont encore retrouvées sur la même assiette foncière, chaque partie disposant d’actes administratifs. Et, c’est à cause de ce litige que les populations ont multiplié les démarches pour l’obtention d’un bail ; mais en vain. Le chef de l’Etat déclasse 304 ha au profit des villages impactés, le maire de Keur Moussa signe sur le site un contrat d’exploitation avec une société Italienne moyennant 40 millions par an En outre, près d’un an avant le protocole de Saly pour recaser les populations de Kathialick, Kessoukhatt et Mbadatt, le président de la République, pour compenser les terres de culture perdues dans la construction de l’Aibd, avait déclassé une superficie de 304 ha par décret N°2014-371 du 27 mars 2014 au profit des villages de Kathialick, Kessou-khatt et Mbadatt déplacés à cause du projet de l’Aibd. Cependant, depuis le 30 avril 2019, le maire de Keur Moussa, Momar Ciss, contre toute attente et au détriment des populations bénéficiaires, a noué un contrat d’exploitation avec une société Italienne dénommée «Frutta Italia» sur le site en question. Ainsi, dans le protocole d’exploitation de ces 304 ha, il est mentionné que la société Frutta Italia devra verser 40 millions francs Cfa par an à titre de dédommagement pour le compte des populations déplacés par le projet Aibd. Le premier versement a déjà eu lieu le 30 avril 2019. Les autres versements devant intervenir le 30 avril de chaque année. Donc, à ce jour, le maire de Keur Moussa aurait reçu deux versements pour un total de 80.000.000 francs Cfa. Un montant qui devrait revenir à la population des villages de Kessoukhatt, Kathialick et Mbadatt. Or, cette population, précise le mouvement «Samm Sa Momel», n’a jamais vu la couleur de cet argent. Et ce n’est pas faute de l’avoir réclamé. Et dire que le maire s’était engagé, lors du protocole de Saly, de morceler ces terres afin de procéder à leur distribution dans les plus brefs délais aux ayants-droit. Le site de recasement des jeunes des villages impactés morcelé au profit de bénéficiaires étrangers Quid du morcellement des 69 ha 7 a et 66 ca pour l’extension du site de recasement de l’Aibd réservé aux jeunes des villages de Kessoukhatt, Kathialick et Mbadatt ? Sur ces terres également, le maire de Keur Moussa est accusé d’avoir signé un protocole avec un promoteur immobilier, en l’occurrence Modou Khoulé. En tout cas, sur les 1602 parcelles de l’autorisation de lotir N°024756 du 16 novembre 2018, aucun jeune n’a reçu ni un numéro de terrain ni un acte administratif. Au même moment, des gens viennent d’ailleurs avec des actes administratifs pour identifier les terrains qu’ils ont achetés. De son côté, le Conseil municipal en date du 7 juillet 2018, a voté la délibération N°003/CKM/CM qui autorise le maire à déposer auprès des services techniques compétents une demande de lotir sur un terrain du domaine national d’une superficie totale de 1861 ha établie comme suit : 452 ha dans le village de Landou, 425 ha à Touly, 618 ha à Daral Peulh, 217 ha à Lène et 72 ha à Soune Sérère entre autres localités. Ndiogou Ly dispose de 22 ha et d’une autorisation de lotir signée par Diène Farba Sarr alors que la délibération est introuvable Avec cette forte pression foncière aux alentours de l’aéroport Blaise Diagne, un certain Ndiogou Ly dispose d’une autorisation de lotir N°003673 portant sur 22 ha 50 a, soit 481 parcelles, signée le 22 février 2019 par l’ancien ministre de l’Urbanisme et du Cadre de Vie, Diène Farba Sarr. Cependant, pour avoir une autorisation de lotir, il faut au préalable disposer d’une délibération signée par le maire de la commune en question, en l’occurrence le maire de Keur Moussa, Momar Ciss et approuvée par le sous-préfet de cette localité. Or, celui-ci prétend n’avoir jamais connu le sieur Ndiogou Ly. Mieux, son nom le faisait rire. En tout cas, les investigations effectuées par «Samm Sa Momel» auprès des conseillers municipaux, ont montré qu’il n’y a jamais eu une réunion du Conseil municipal portant sur une délibération au profit du sieur Ndiogou Ly. Le mouvement «Samm Sa Momel » estime que c’est sur la base d’un faux acte administratif que l’autorisation de lotir a été délivrée. Pire, les camarades de Malick Diouf font état d’une importante somme d’argent et un véhicule 4x4 Prado qui auraient lié le maire Momar Ciss, l’ancien président de la Commission domaniale Daouda Diouf et le sieur Ndiogou Ly. En tout état de cause, le maire, en se fondant sur la délibération N°09/CR/KM du 15 décembre 2007 susmentionnée, a donné aux propriétaires des champs qui composent les 22 ha 50 a des actes administratifs signés en bonne et due forme par lui-même. Et une bonne partie de ces actes ont été visés par l’ancien sous-préfet de l’arrondissement de Keur Moussa, Moctar Mbengue, moyennant une somme forfaitaire de 50.000 francs Cfa par acte administratif. Ce qui fait dire aux membres du mouvement «Samm Sa Momel» que l’unique responsable de cette situation est le maire de la commune de Keur Moussa. Moussa CISS