Après avoir acculé Ousmane Sonko devant le parlement vendredi dernier, Thierno Alassane Sall était face à la presse hier pour en rajouter une couche. Le député a tiré à boulets rouges sur le nouveau régime. Accusant le parti au pouvoir de recycler les méthodes de l’ancien régime qu’il a passé tout son temps à dénoncer du temps de l’opposition. Selon lui, le fameux programme 2050 dont Ousmane Sonko se glorifie a été généré par «Chatgpt».
Pour dénoncer les agissements des nouveaux gouvernants, Thierno Alassane Sall n’est pas allé par quatre chemins. D’après le leader de Rv, la réalité que nous vivons est celle «d’un pays plongé dans l’incertitude qui doit beaucoup à l’amateurisme d’un pouvoir qui navigue à vue d’œil, refusant le débat républicain, ne respectant pas ses engagements, mais surtout méprisant toutes les mises en garde». A en croire le leader de Rv, c’est la presse qui a été la première à expérimenter des politiques de rupture du Pastef qui ne sont rien d’autre qu’une volonté de museler les voix libres et indépendantes. «Combien de personnes sont passées depuis lors dans les locaux de la Dic ou au tribunal ?», s’interroge-t-il. Le parlementaire de se demander en quoi consiste réellement le plan d’austérité annoncé par le Premier ministre face aux députés. «Quels sont les sacrifices supplémentaires qu’on va encore imposer au peuple qui a tant souffert ? Nous avions prévenu après la présentation et l’accouchement chaotique de l’agenda 2050, dont on sait dans quelles conditions il a été élaboré : d’abord par Chatgpt puis repris par un cabinet. Nous avions souligné qu’il ne contenait que des pages pour les années 2024 et 2025», s’exclame Thierno Alassane Sall. Après ce faux départ de l’agenda 2050, le régime fait un revirement de 180 degrés : « tout comme ils se sont trompés sur l’agenda 2025, il se sont trompés sur le budget 2025 qu’ils ont mis à la poubelle», dit-il.
Le Premier ministre s’apprête à rencontrer les syndicats et autres partenaires sociaux, non pour rectifier les erreurs et amorcer un vrai dialogue, mais parce qu’il est dos au mur et n’a plus aucun choix d’après Thierno Sall. D’après le député, Ousmane Sonko a besoin de la bienveillance des syndicats pour faire accepter les mesures drastiques qui s’imposent à son gouvernement.
«Dans certaines agences, les Dg se prennent pour un Dieu et licencient à tout-va»
Thierno Alassane Sall trouve contradictoire que le nouveau régime dénonce l’endettement de son prédécesseur et veut contracter de nouveaux emprunts avec des montants inédits : 4574 milliard pour la seule année 2025. «Plus de la moitié de notre budget va provenir d’emprunts, avec la masse salariale en hausse. Mais au lieu d’une analyse sérieuse prenant en compte les régimes privilégiés dont les fonds communs, le Premier ministre s’attaque aux médecins, aux étudiants, en disant qu’ils représentent beaucoup d’argent alors que le fond du problème, c’est l’injustice que représentent les fonds communs», fulmine-t-il tout en dénonçant le licenciement massif sans approche concertée ni alternative viable. «Dans certaines agences, les Dg se prennent pour un Dieu et licencient à tout-va. Remercier 700 agents dans une société nationale pour les remplacer par des militants, c’est le summum de l’irresponsabilité».
Sur un autre registre, Thierno Alassane Sall dit ne pas croire à l’indépendance qu’on prête à la justice depuis l’arrivée du nouveau régime parce que des dossiers comme la plainte contre deux du Conseil constitutionnel lors de la dernière présidentielle est restée depuis lors en l’Etat.
Thierno Alassane Sall s’est ensuite attaqué à la question de l’amnistie pour déplorer l’attitude de Pastef depuis qu’il a déposé sa proposition de loi portant abrogation de la loi d’amnistie. «Elle n’a jamais été une revendication populaire, elle n’est ni un acte sincère ni une démarche responsable au service de la réconciliation. Elle visait plutôt à garantir l’impunité à des individus ou entités ajoutant ainsi aux crimes commis, un crime impardonnable pour la société. C’est pourquoi nous avons déposé une proposition de loi d’abrogation totale de cette loi», renseigne-t-il.
«Ce régime a bâti son ascension en dénonçant les actes qu’il applique aujourd’hui avec la même brutalité»
Pour lui, le régime est pris dans son propre piège. Ce qui est cynique dans cette affaire, souligne Thierno Alassane Sall, « c’est que ce régime a bâti son ascension en dénonçant les actes qu’il applique aujourd’hui avec la même brutalité. Il dénonçait l’opacité, aujourd’hui il protège l’impunité, il gouverne dans l’ombre. Il prônait la justice et la rupture, mais il recycle les méthodes de l’ancien régime. Nous avons en face de nous un gouvernement qui mène le Senegal vers un avenir incertain et qui, pire encore, refuse d’écouter ceux qui lui rappellent ses propres promesses», conclut-il.
Ndèye Khady D. FALL