SITUATION EN CASAMANCE: Jonction entre Jungullars de Jammeh et Mfdc, un risque accru d’instabilité



Depuis la tuerie de Boffa Bayotte, le 6 janvier et les opérations de ratissage de la zone menées par l’armée sénégalaise, la paix en Casamance est devenue encore plus aléatoire, puisque n’étant plus assujettie à des négociations entre l’Etat et le Mfdc, mais plutôt à une «solution finale». Or, le 29 mars dernier, un braquage à Bafican, sur la route d’Oussouye, a fait un mort et deux blessés. Et à cet instant où l’évêque de Ziguinchor fait état de sa préoccupation de cette situation délétère, des jungullars de Jammeh sont annoncés dans un camp du Mfdc au Fogny.
 
La nouvelle de la présence d’anciens membres de l’équipe de tueurs attitrés de Yaya Jammeh, dans un camp de rebelles du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance, n’a rien de rassurant, loin s’en faut. D’autant que la situation au sud du Sénégal a renoué avec la précarité, depuis l’exécution de 14 bucherons dans la forêt de Boffa Bayotte, le 6 janvier dernier et les opérations de ratissage conduites par l’armée sénégalaise dans la zone pour mettre la main sur les auteurs du massacre, mais surtout pour un nettoyage de tous les sanctuaires jusqu’à la frontière avec la Guinée-Bissau.
Or, hormis les arrestations d’une quinzaine de suspects effectuées par la Section de recherche de la gendarmerie en charge de l’enquête, l’armée dressera un bilan de ses opérations, au bout de près d’un mois. De Toubacouta à Babonda en passant par Baraka et Mandioka-Niafena, les soldats ont tout nettoyé sur leur passage. Concrètement, considérée comme une importante base rebelle, la faction de Bédiloute est démantelée, indique le Colonel Abdoul Ndiaye de la Dirpa, selon qui, sans en déterminer le nombre, plusieurs combattants d’Atika sont tombés au front au cours des nombreux accrochages. L’armée a également détruit une autre importante base à Bindialoum, où pas moins de 15 bunkers et 3 champs de chanvre indien ont été détruits, un impressionnant arsenal de guerre découvert. Le Colonel Ndiaye a annoncé l’arrestation de cinq rebelles qui ont été remis à la gendarmerie.
Préoccupation de l’évêque de Ziguinchor
Mais, apparemment, le nettoyage n’a pas été total, puisqu’un mois après ce bilan élogieux, un braquage a eu lieu sur l’axe Ziguinchor-Oussouye, précisément à Bafican où un conducteur de moto Jakarta sera tué et beaucoup de citoyens dépouillés de leurs biens. Et bien sûr on ne parle plus de processus de paix, même si, après Boffa Bayotte, tous les acteurs s’étaient empressés d’annoncer que ce meurtre prémédité n’allait pas impacter la volonté de l’Etat et du Mfdc de poursuivre les négociations. Et aujourd’hui, l’impression qui prévaut au sein des populations du sud est que la paix s’éloigne de plus en plus, d’autant que l’armée sénégalaise n’est pas arrivée à mettre la main sur les chefs de guerre rebelles. Et cette préoccupation des populations a été portée, pas plus tard que ce mardi 3 avril, par la personne morale par excellence, Mgr Paul Abel Mamba, évêque de Ziguinchor. Faisant sienne la préoccupation de ses ouailles, l’homme d’église a martelé en conférence de presse que «les armées les plus puissantes au monde n’ont jamais réussi à imposer la paix par les armes». Une leçon d’histoire dont le régime du Président Macky Sall veut faire fi, ce, aux risques et périls des populations de la Casamance, qui continueront encore longtemps à souffrir des braquages et autres exactions de bandes armées.
Des tueurs de Jammeh frustrés ont migré de la Guinée-Conakry à une base du Mfdc
Et la dernière nouvelle venue de Gambie ne fait que rajouter à la crainte d’un regain de tension en Casamance. Les anciens membres de l'équipe d'assassins du dictateur Yaya Jammeh appelés les jungullars ont déménagé de la Guinée-Conakry, où ils avaient été accueillis par le gouvernement Condé, pour rejoindre les combattants du Mfdc dans le maquis casamançais, a rapporté Freedomnewspaper. Parmi les jungullars ayant rejoint le Mfdc, il y a Sanna Manjang, un tueur de carrière et ancien loyaliste de Jammeh. Manjang et Cie résident dans l'un des camps du Mfdc, dans le Fogny.
Une source qui dit être en contact avec les jungullars a déclaré au média gambien que M. Sanna Manjang utilise un numéro de téléphone gambien pour communiquer avec des amis, des membres de sa famille et d'anciens collègues de l'armée. La source ne pense pas que M. Manjang et Cie soient une menace pour l'Etat gambien. «D'après ce que je sais, Sanna et les autres ont quitté la Guinée-Conakry par désespoir. Ils se sentaient abandonnés par Yaya Jammeh. Ils ont décidé de se rapprocher de chez eux en rejoignant les combattants du Mfdc. Ils sont hébergés tout près de la frontière gambienne à la limite du Fogny», a renseigné la source.
Sanna Manjang appelle régulièrement la Gambie et il est de plus en plus frustré. Il aurait regretté d'avoir été utilisé par le monstre de Kanilai. «Il est un homme changé maintenant. Il prie régulièrement. Il a laissé une quinzaine d’enfants en Gambie. Il est maintenant avec les rebelles du Mfdc», a déclaré la source.
Les jungullars ne sont pas dépaysés auprès des rebelles du Mfdc. Les deux groupes avaient l'habitude d'interagir pendant le règne de Jammeh. Maintenant que certains des jungullars sont accueillis par les rebelles du Mfdc, les observateurs ont estimé que leur présence le long de la frontière était susceptible de constituer une menace pour la région sénégambienne. Le Mfdc est susceptible de les utiliser dans ses opérations. M. Manjang et ses compagnons sont exposés à une utilisation par le Mfdc, étant donné la situation difficile dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui.
Mansour KANE
 

Dans la même rubrique :