Hier, les jurés ont entendu un témoignage fascinant de Gadio, qui est en revenu sur les détails de la rencontre qu’il a eue avec Idriss Deby, Patrick Ho et sa délégation. L’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères, dont les mails ont été épluchés par le Fbi, avait même échangé avec son fils sur les pots de vin offert à Idriss Deby. Ainsi, il menaçait de détruire la réputation de l’entreprise chinoise si jamais elle tente de se débarrasser de Sarata.
Gadio a déclaré que les cadeaux n'avaient pas été ouverts en sa présence, mais que, dès son retour à son hôtel à N’Djamena, il avait été convoqué pour une réunion par Deby. Selon Cheikh Tidiane Gadio, durant les sept années au cours desquelles ils avaient été amis proches, il n'avait jamais vu Deby aussi furieux. Gadio a soutenu que le Président avait demandé de savoir s'il était au courant des 2 millions de dollars assimilés à une tentative de pot-de-vin. «Je lui ai dit que je n’étais pas au courant de la contenance des coffrets-cadeaux», a soutenu Cheikh Tidiane Gadio. L’ancien ministre des Affaires étrangères de poursuivre : «Deby m’a dit qu’il va ordonner aux forces spéciales de son armée d’arrêter la délégation de Patrick Ho et de les expulser du pays, mais il a finalement convoqué la délégation commerciale de CEFC China Energy Co., pour les confronter».
Déby refuse l’argent et demande aux Chinois de retourner avec l’argent
Gadio de révéler que Deby avait demandé à la délégation : «Pourquoi pensez-vous que tous les Africains sont corrompus ?» Ho de répondre qu'il était impressionné par le fait que le Président tchadien ait refusé l’argent. Et toujours selon Gadio, un autre membre de la délégation chinoise, Zhang, s'est ensuite excusé pour avoir offensé Deby. Zhang a dit que les 2 millions de dollars en espèces étaient un don de charité au Tchad et non à Deby personnellement. Très furieux, Deby a déclaré à la délégation chinoise qu'il n'avait jamais entendu parler d'un don de 2 millions de dollars présenté sous forme d’emballage. «En tout état de cause, il a refusé l’argent et demandé à la délégation du CEFC de retourner en Chine avec cet argent. Zhang a ensuite dit au Président Deby qu'il serait «humiliant» pour la délégation de rentrer en Chine avec l'argent. C'est à ce moment que le chef de cabinet de Deby proposa un compromis. Dès leur retour en Chine, les responsables du CEFC pourraient écrire une lettre à Deby lui proposant officiellement de faire un don. Dès réception de la lettre, le don pourrait être annoncé lors d’une cérémonie officielle», révèle-t-il.
Selon Gadio, Idriss Deby a accepté le compromis, mais a ordonné que l'argent soit retiré des bureaux présidentiels. «Son chef de cabinet a suggéré que l'argent soit scellé et conservé au Trésor ou au bureau du Premier ministre», révèle toujours Gadio.
Gadio faisait-il partie du prétendu stratagème visant à soudoyer Deby ?
Il semble qu'un message électronique de son fils, qui est son partenaire dans Sarata Holding LLC, la société de conseil qu'ils exploitent ensemble, pourrait renforcer son affirmation selon laquelle il n'avait aucune connaissance préalable d'un prétendu stratagème de pot-de-vin.
Au cours de l'interrogatoire, un avocat américain, Doug Zolkind, a présenté en guise de preuve plusieurs courriers électroniques échangés entre Gadio et Patrick Ho pour organiser une réunion avec Deby. Dans plusieurs messages électroniques et textos échangés entre Gadio et Ho, même après la deuxième réunion avec Deby, Gadio a exprimé sa frustration parce que le CEFC n'avait toujours pas signé de contrat de conseil avec Sarata. Dans d'autres messages, Gadio s'est plaint que sa société Sarata n'avait pas encore été indemnisée pour le travail accompli. Dans d'autres messages électroniques échangés entre Gadio et Ho, l’ancien ministre Sénégalais s’était opposé à l'insistance de Ho pour qu'il organise la deuxième réunion avec Deby, car, a-t-il déclaré, tous les points importants avaient été discutés lors de la première réunion. La prochaine étape consistait pour le CEFC à envoyer une équipe technique et à faire une offre au Tchad, a écrit Gadio à Ho.
En fin de compte, Gadio a organisé la deuxième réunion.
Les mails entre Gadio et son fils parlent…
Les messages électroniques échangés entre Gadio et son fils ont été discutés à la fin de son témoignage. «Les grandes entreprises n'aimaient pas les intermédiaires et la tentative de corruption du CEFC sur Deby était un moyen pour nous écarter», a écrit le fils de l’ancien ministre des Affaires étrangères. Gadio a répondu à son fils que si CEFC essayait de se débarrasser de Sarata, il retournerait au Tchad et détruirait la réputation de la société.
Samba THIAM