REQUETES CONTRE LE REPORT DE LA PRESIDENTIELLE : Le Conseil constitutionnel annule le décret du Président Macky Sall et demande l’organisation de l’élection dans les meilleurs délais




 
 
 Le Conseil constitutionnel a finalement tranché hier par rapport aux requêtes contre le report de la présidentielle, en donnant raison aux requérants. Ce qui a pour conséquence l’annulation du décret n° 2024-106 du 3 février 2024 portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l'élection présidentielle du 25 février 2024. Et la loi portant dérogation aux dispositions de l'article 31 de la Constitution, adoptée par l'Assemblée nationale est déclarée par le conseil constitutionnel contraire à la Constitution. Néanmoins, il reconnaît qu’il est impossible d’organiser la présidentielle ce 25 février, c’est pourquoi les sept sages demandent aux autorités d’organiser l’élection dans les meilleurs délais.
 
 
Cette présidentielle n’a pas encore fini de livrer ses surprises. Les choses viennent de prendre une nouvelle tournure avec cette décision du Conseil constitutionnel qui annule le décret du Président Macky Sall portant report de la présidentielle et déclare la loi votée par l’Assemblée fixant le 15 décembre prochain date du scrutin. Les sept sages se sont basés sur les deux requêtes déposées par des députés de Yewwi et des députés de Taxawu Sénégal, qui s’attaquent à la loi portant report votée à l’Assemblée en demandant la poursuite du processus électoral et «d'ajuster, si besoin, la date de l'élection présidentielle pour tenir compte des jours de campagne perdus».
Il y a aussi les requêtes des candidats qui étaient retenus pour la présidentielle qui devait se tenir ce 25 février. Ces derniers ont saisi le Conseil constitutionnel aux fins de contester la légalité du décret n°2024-106 du 3 février 2024 portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l'élection présidentielle du 25 février 2024.
Après avoir rappelé ses périmètres de compétences, le Conseil constitutionnel fait noter que s'il est vrai que la Cour suprême est juge de l'excès de pouvoir des autorités exécutives, le Conseil constitutionnel, juge de la régularité des élections nationales, « dispose d'une plénitude de juridiction en matière électorale, sur le fondement de l'article 92 de la Constitution; que cette plénitude de juridiction lui confère compétence pour connaître de la contestation des actes administratifs participant directement à la régularité d'une élection nationale, lorsque ces actes sont propres à ce scrutin» ; ce qui lui confère les compétences pour statuer sur les recours dirigés contre la loi constitutionnelle et le décret précités.
En plus d’être compétent pour statuer, les différentes requêtes remplissent les conditions de recevabilité, selon le Conseil constitutionnel.
Se basant sur l’article 103 de la Constitution qui  dispose que « la durée du mandat du président de la République ne peut faire l'objet de révision ; que ce texte consacre l'intangibilité de la durée de 5 ans du mandat prévue à l'article 27 de la Constitution» ; le Conseil constitutionnel rappelle qu’il a déjà décidé, d'une part, «que la durée du mandat du président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques, quel que soit l'objectif poursuivi; que le mandat du président de la République ne peut être prorogé en vertu des dispositions de l'article 103 précité ; que la date de l'élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat» ; que d'autre part, «la loi attaquée introduit dans la Constitution des dispositions dont le caractère temporaire et personnel est incompatible avec le caractère permanent et général d'une disposition constitutionnelle».
 
 
«La durée du mandat ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques»
 
 
Les sept sages considèrent qu'en «décalant» la date de l'élection du président de la République au 15 décembre 2024 et en décidant que ‘’le Président en exercice poursuit ses fonctions’’ jusqu'à l'installation de son successeur, la loi attaquée proroge la durée du mandat du Président de la République au-delà des 5 ans. S’appuyant encore sur le griefs des requérants qui invoque l’article 34 de la Constitution qui ne prévoit «le report du scrutin qu'en cas de décès, d'empêchement définitif ou de retrait d'un candidat, ce qui, selon eux, signifie que ni le président de la République, ni le Parlement ne peuvent reporter une élection présidentielle ; que seul le Conseil constitutionnel, juge de la régularité des élections nationales, y est habilité ; qu'ils en concluent que c'est à tort que l'élection présidentielle a été reportée».
C’est pourquoi, le Conseil constitutionnel a décidé que «la loi portant dérogation aux dispositions de l'article 31 de la Constitution, adoptée sous le n°4/2024 par l'Assemblée nationale, en sa séance du 5 février 2024, est contraire à la Constitution».
C’est pourquoi «Le décret n° 2024-106 du 3 février 2024 portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l'élection présidentielle du 25 février 2024 est annulé».
Le Conseil constitutionnel dit constater par contre «l'impossibilité d'organiser l'élection présidentielle à la date initialement prévue». Ainsi donc, il invite « les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais».
 
Ndèye Khady D. FALL
 
 
6 juges ont statué, Cheikh Ndiaye n’a pas siégé
Le magistrat Cheikh Ndiaye, qui a été accusé en même temps que son collègue Cheikh Tidiane Coulibaly par le Pds, n’était pas au Conseil constitutionnel hier pour prendre cette décision. Certains disent qu’il est souffrant. La décision a donc été signée par les six (6) juges qui restent : Mamadou Badio Camara (président), Aminata Ly Ndiaye (vice-présidente), et les autres membres Mouhamadou Diawara, Youssoupha Diaw Mbodj, Awa Dièye et Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly.
 
 
Macky Sall n’a pas dit son dernier mot
 
Cette décision, quoique surprenante, était attendue par certains acteurs politiques avertis. D’ailleurs, lors de l’interview qu’il a accordée à AP samedi dernier, le Président Macky Sall avait été interrogé sur le sujet. En guise de réponse, il avait dit : «Il est trop tôt pour moi d’apprécier cette perspective. J’ai une réponse très précise mais comme le Conseil doit statuer, il ne m’appartient pas pendant ce temps du Conseil de donner un avis quelconque. Lorsque la décision sera prise, je pourrai dire ce que je ferai». Et justement, le Président Macky Sall n’a pas dit son dernier mot. Il nous revient qu’il a rencontré beaucoup de ses collaborateurs et parlé à certains d’entre eux pour voir la suite à donner à cette décision du Conseil constitutionnel. Et ‘dans les jours voire heures à venir, les Sénégalais verront ce qu’il fera.
 
 
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