REPLIQUES SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITE: Antoine Diome et les avocats de l’Etat démontent les arguments de la défense

C’était au tour, hier, de l’agent judiciaire et des avocats de l’Etat du Sénégal de répondre aux conseils de la défense, par rapport aux exceptions soulevées. Point par point, la partie civile a démonté les arguments de la défense. De la chronologie «tronquée» des faits aux textes visés, Antoine Diome et le pool d’avocats qui l’appuie ont porté la contradiction à leurs confrères d’en face. Même le règlement 5 de l’Uemoa qui était dit «imparable» est démonté.



 
 
 
Pendant toute la journée du jeudi et toute la matinée de vendredi, les avocats de Khalifa Sall, Mbaye Touré et Cie se sont attelés à démontrer la nullité de la procédure, demandant alors au juge d’ordonner la mainlevée des mandats de dépôt qui pèsent sur la tête de leurs clients. Pour ce faire, ils ont égrené un chapelet de points sur lesquels le juge, à leurs yeux, peut se fonder, pour les suivre dans leurs demandes. Hier, prenant la parole pour répliquer, l’Agent judiciaire de l’Etat a estimé que tout ce qui a été dit jusque-là, c’est du vent et ne peut convaincre aucune juridiction.
Antoine Diome a d’emblée fait noter les «contradictions» des avocats de la défense dans leurs demandes, «parce que certains demandent au Tribunal de se déclarer incompétent, d’autres disent qu’il doit renvoyer devant le juge d’instruction. Il y a eu des contradictions manifestes», martèle Antoine Diome, décidé à démonter point par point les arguments des avocats de la défense. «Ils se marchent sur les pieds ; Ils vous parlent d’incompétence, mais est-ce que quelqu’un vous a dit alors dans quelle juridiction le dossier doit être renvoyé ? Ensuite, ils nous parlent de l’immunité parlementaire, je rappelle que nous sommes dans une République où il y a la séparation des pouvoirs. Il n’appartient pas au Tribunal d’examiner la régularité d’une procédure parlementaire. Ensuite, il faut reconnaître que cette question est dépassée, puisqu’il y a un arrêt de la Cour suprême qui a tranché la question. Il s’agit de l’arrêt du 16 octobre 2017 de la Chambre criminelle de la Cour suprême, qui dit que le requérant est poursuivi avant son élection pour des infractions de détournement de deniers publics, faux et usage de faux etc.», argumente Antoine Diome.
Selon l’Agent judiciaire, cet arrêt met un terme à ce débat. Connu pour sa pertinence, Antoine Diome a relevé la «lecture originale» de Me Seydou Diagne de l’article 181 du Code de procédure pénale qui dit que le juge doit suspendre son instruction puisqu’il y a eu appel. A l’en croire, c’est tout le contraire. Si l’appel ne porte pas sur l’ordonnance de règlement, cela ne bloque pas le juge, qui peut bel et bien continuer son chemin.
 
Le réquisitoire du Procureur validé
 
Prenant la parole à la suite de l’Aje, Me Thomas Ricot du barreau français a souligné que même si la Cour des comptes s’empare de cette affaire, comme le souhaite la défense, «cela ne fait pas obstacle à l’action pénale disciplinaire d’être déclenchée». Toutes les deux actions peuvent être enclenchées en même temps, à l’en croire. Et par rapport au réquisitoire introductif dont la défense a souligné qu’il ne vise pas des faits, l’avocat français invoque un arrêt de la Cour de cassation de son pays qui, selon lui, n’est pas regardant sur cela. Il suffit simplement de mettre : vu et pièces jointes, à ses yeux, pour valider le réquisitoire. A son tour, Me Ousmane Diagne a validé l’acte posé par les parlementaires. «L’Assemblée nationale a régulièrement levé l’immunité parlementaire de Khalifa Sall».
 
Le règlement 5 de l’Uemoa évacué
 
Si, par ailleurs, les avocats de la défense trouvent suspecte l’attitude du Doyen des juges, qui a clôturé le dossier en 21 jours, pour les conseils de l’Etat, il n’y a rien de plus normal. A en croire Me Samba Bitèye, le juge n’avait pas à traîner les pieds. «Si tous les prévenus reconnaissent sans ambages les faits, le juge d’instruction va vite», analyse l’avocat la situation. Sur l’autorisation de consigner des avocats du maire de Dakar, Me Bitèye, qui revient sur la chronologie des faits, précise que l’acte d’appel des conseils de la défense sur l’ordonnance de refus de l’expertise a été déposé le 8 décembre 2017, alors que le juge d’instruction a clôturé le 7 décembre; pour dire que le juge a été déjà dessaisi du dossier.
Me Baboucar Cissé précise, à son tour, que la levée de l’immunité parlementaire ne constitue pas un acte de poursuite ou un acte d’instruction. Et s’agissant de la saisine de la Cour des comptes, il soutient que cette juridiction et le Tribunal de grande instance n’ont absolument rien à voir. Me Cissé d’attaquer ensuite le règlement 5 de l’Uemoa, qui parle de l’assistance de l’avocat à la personne dès son interpellation. Selon le conseil de l’Etat, «à l’enquête préliminaire, il n’y a pas eu d’interpellation ni de gardé à vue». Ce, pour couper court à toute discussion. En somme, pour l’avocat, toutes ces exceptions soulevées ne sont qu’une façon d’éviter le fond.
L’audience a été suspendue à 18 heures et va reprendre lundi prochain, où durant toute la journée, Me Baboucar Cissé, qui n’a pas terminé ses répliques, et les bâtonniers Mes Yérim Thiam et Moussa Félix Sow ainsi que le Procureur, vont prendre chacun parole pour répondre aux avocats de la défense.
 
Alassane DRAME

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