Si le juge de la Chambre criminelle de Dakar accède à la demande du procureur Saliou Ngom qui a sollicité le renvoi de Ngaka Blindé et Khadim Thiam en police correctionnelle, sur la base d’une nouvelle loi plus douce, qui est celle du mois de mai 2018, ils auront de la chance. Mais curieusement, les avocats de la défense, Me Mouhamadou Moustapha Dieng, Aboubacry Barro… n’ont pas voulu adhérer à cette exception d’incompétence soulevée par le parquet. Lors de leurs plaidoiries, ils ont voulu que le dossier soit retenu et jugé. En tout cas, dans cette affaire de contrefaçon de billets de banque, le juge tranchera sur cette incompétence le 18 septembre prochain.
Devant la Chambre criminelle de Dakar où ils ont été renvoyés pour contrefaçon de billets de banque, l’artiste rappeur Baba Ndiaye alias Ngaka Blindé et son acolyte, l’étudiant à la Faseg, Baba Thiam, n’ont pas pu comparaitre. Hier, dans une salle à moitié pleine, Ngaka Blindé, vêtu d'un boubou traditionnel affichait la sérénité. Il se permettait même un petit sourire lorsqu'il s'expliquait avec l’un de ses avocats, Me Ibrahima Mbengue depuis le box des accusés. Le juge Djiby Seydi, ses assesseurs et le procureur Saliou Ngom ne franchiront le seuil de la salle 4 que vers les coups de 10h 55mn. Un retard expliqué par la grève des greffiers. Et pour la transcription des auditions, un gendarme qui a prêté serment en a été chargé.
Le Procureur : «il y a une nouvelle loi promulguée en mai 2018, c’est cette dernière loi, plus douce, qui doit être appliquée aux accusés»
Des 9 affaires inscrites au rôle, celle de Ngaka Blindé et son accusé Baba Thiam est en 4eme position. Ainsi, le juge qui a appelé les accusés à rejoindre le prétoire leur a notifié le crime pour lequel ils sont poursuivis. Juste après, les observations ont commencé. Premier à prendre la parole, le procureur Saliou Ngom a soulevé l’exception d’incompétence. Le parquet de soutenir que la Chambre criminelle n'a pas compétence de juger cette affaire, pour la bonne et simple raison qu’il y a une nouvelle loi, celle du 22 février 2018, qui est intervenue. En avril 2018, Ngaka et Baba Thiam avaient été renvoyés devant la chambre criminelle parce que la nouvelle loi n’était pas encore publiée. Il a souligné que c’est seulement en mai 2018 que la nouvelle loi a été publiée au journal officiel d’où son entrée en vigueur. Ainsi, selon le procureur, cette dernière loi plus douce doit être appliquée aux accusés pour se conformer à la législation. Et cette loi, explique-t-il, dit que, désormais, en ce qui concerne l’infraction de contrefaçon, les lois applicables sont plus douces et devraient s’appliquer. Dans un intérêt purement privé, précise le parquet, cette affaire doit être jugée en correctionnelle, qui est la juridiction compétente. Ainsi, le représentant de la société a demandé le renvoi en correctionnelle, où c’est plus facile et moins contraignant, pour la sauvegarde de leurs intérêts. Cependant, le substitut du procureur a précisé que la matière reste criminelle, malgré le changement de juridiction.
Les avocats de la défense disent niet, chargent le juge d’instruction et demandent la Lp de leurs clients
«Niet catégorique» des avocats de la défense. Me Djiby Diallo estime qu’il ne s'agit pas d'un problème d'incompétence, mais qu’ils se sont trompés en poursuivant les accusés sur la base d’une loi abrogée. La robe noire a déclaré que leur intérêt à eux, c’est d’être jugés. Me Mouhamadou Moustapha Dieng de renchérir que c’est le Doyen des juges, Samba Sall, qui n’a pas mentionné les dispositions qui répriment ces faits. «Il faudrait que la Chambre revoie la condition des accusés, en ordonnant leur mise en liberté provisoire, si elle acquiesce à la demande du parquet», a plaidé Me Dieng. Quant à Me Assane Seck, il a sollicité la disqualification des faits. Mes Aboubacry Barro et Anta Mbaye ont abondé dans le même sens. Le procureur, en répliquant, a rejeté toutes les demandes de liberté provisoire qui ont été formulées par les conseils de la défense. Selon lui, les faits sont graves et ont troublé l’ordre public de manière continue. «Les remettre en liberté provisoire, de son avis, c’est raviver le trouble à l’ordre public. Pis ce serait injustifiable, vu qu’ils s’acheminent vers le fond de cette affaire. Ce serait risqué et rien ne leur garantit que les accusés ne vont pas se soustraire à la justice», peste-t-il.
Au terme de ces observations, le juge a fixé le délibéré au 18 septembre prochain pour trancher sur cette exception.
Fatou D. DIONE