Absent du pays depuis un bon bout de temps, Bamba Fall, est sorti de sa cachette à la faveur des derniers développements de l’actualité. Dans cet entretien qu’il nous a accordé peu après sa descente d’avion, le maire de la Médina a livré ses sentiments par rapport au discours du chef de l’Etat. Mais aussi dit avec force et conviction ce qu’il pense être le meilleur pour l’avenir de la coalition présidentielle. Il a aussi évoqué les candidatures de Khalifa Sall, Karim Wade, Bougane Guèye Dani, Ousmane Sonko et Idrissa Seck dont il pense être pour le moment le seul à être dans les dispositions de participer aux élections sans aucun problème.
Les Echos : vous avez suivi le discours du chef de l’Etat. Quel sentiment vous a animé quand vous l’avez entendu dire qu’il ne se présentera pas pour un autre mandat ?
Bamba Fall : Un sentiment de tristesse et de découragement. J’étais à l’étranger lors du discours. Cela m’a un peu surpris, mais pour dire la vérité, pas trop quand même. Parce qu’aux derniers moments, on sentait que le président était un peu découragé. Parce que les hommes qui l’entourent, que ce soient les ministres, députés, présidents de Conseil d’administration (Pca) etc., ne mouillaient plus le maillot. Ils étaient là, mais ils n’aidaient plus les militants. Des fois, ce sont eux-mêmes qui créaient des listes parallèles. Ils ne soutenaient plus le parti. Des responsables se sont entassés à Dakar et n’aidaient plus personne. Le président ne les sentait plus. Et si on vous dit aussi que des responsables informaient ou soutenaient l’opposition, ça devient beaucoup plus grave. Le président n’a plus rien à prouver. Il a fait ce qu’il devait faire. Il se battait pour nous Sénégalais et nous autres responsables de la coalition, mais il y en a qui n’en valent pas la peine. Donc, c’est une bonne décision.
Certains pensent aussi que c’est à la suite de fortes pressions qu’il a reculées
Ce que je déplore, c’est qu’il existe de ces opposants qui, au lieu de magnifier cette décision, sont en train de jeter l’opprobre sur le président. Je rappelle que la décision du président n’est pas définitive, ce n’est pas acté. Ce n’est que le respect de la parole donnée. Le président peut revenir sur cette décision, parce que rien ne l’empêche, au dernier moment, de revenir sur ses propos. Rien. La coalition a son droit de véto. Il a dit ce qu’il voulait, mais à tout moment aussi la coalition peut exercer son droit de véto pour faire de lui son candidat. Parce que rien n’empêche qu’il soit candidat. Il peut revenir à tout moment sur ce qui a été dit.
Macky Sall a réuni le Secrétariat exécutif national de son parti, n’est-ce pas la charrue devant les bœufs ?
Je pense…Il pouvait le faire avant. Mais s’il le faisait avant d’avoir parlé aussi, les gens n’allaient pas accepter qu’il parte. L’Apr n’a pas de numéro 2 depuis longtemps. De même, les partis alliés aussi auront aussi des difficultés.
Est-ce qu’ils suivront le candidat désigné de l’Apr ? Est-ce que celui désigné aussi peut ne pas provenir des partis alliés ? ce sont des problèmes à régler et à gérer. Il faut d’abord que l’Apr puisse résister à la nouvelle donne. Qu’elle ne se disloque pas. Que la coalition aussi tienne le coup de ne pas se disloquer. Tout cela, le président doit le gérer.
Il doit aussi être le Directeur de campagne du candidat qu’il désignera. Nous avons de bons profils dans l’Apr comme au sein de Benno Bokk Yakaar, mais comme c’est lui qui décide, nous sommes à son écoute et on se soumettra à sa décision.
En parlant de profils au niveau de l’Apr et de la coalition, à qui pensez-vous exactement ? Vous avez une personne en tête ?
Je n’aime pas créer des problèmes, mais je pense que dans l’entourage du Président, tout le monde sait qu’il y a des gens qui sont aptes à être candidats et à relever le défi. Ils peuvent même faire l’objet d’un consensus au niveau de la coalition.
Vous êtes socialiste. Aujourd’hui, Khalifa Sall est bien placé. Etes vous prêt à le soutenir ?
Taxawu Dakar seul ne suffirait pas pour gagner des élections. Khalifa Sall doit chercher d’autres recours, d’autres soutiens. Mais avant, il y a des problèmes à régler à mon avis. Les gens sont allés trop vite en besogne. Je m’explique : le dialogue politique n’a pas réglé tous les problèmes. La révision des articles L29, L30 et L57…n’a pas réglé tous les problèmes de Khalifa Sall, Karim Wade et des gens qui sont dans sa même situation. Politiquement, c’est vrai que le problème est réglé parce qu’ils peuvent être électeurs et qui est électeur, peut être élu. Donc, on va les réintégrer dans le fichier électoral. Mais…il y a un mais, parce qu’il y a autre chose. Ils devaient se battre pour avoir l’amnistie. S’ils n’ont pas l’amnistie, ils sont obligés de payer l’amende, le quitus fiscal. Je pense qu’ils vont se débrouiller jusqu’au moment du dépôt des candidatures. Tout le monde sait que Karim Wade et Khalifa Sall doivent de l’argent au trésor. Il faut aller voir ce que dit l’article L32. Le candidat doit d’abord s’acquitter de ses impôts. Il ne doit plus rien avoir à devoir aux Impôts ou au Trésor. Tout le monde sait que l’amende de Khalifa Sall n’est pas encore payée ; tout comme celle de Karim Wade. Le dialogue doit continuer. Quitte même à renvoyer les élections de quelques mois afin de trouver une solution durable. Dans la précipitation, rien de bon ne peut se faire. On peut renvoyer les élections ou les coupler. Celui qui sera président de la République, au mois d’aout ou septembre, va dissoudre l’Assemblée nationale. Au lieu donc d’organiser deux élections, il faut les coupler, c’est mieux. En tout cas, si l’amnistie n’est pas obtenue, je crains pour la candidature de Karim Wade et de Khalifa Sall parce que les dommages n’ont pas été payés au niveau du Trésor. Ils n’auront pas de quitus fiscal. Il y a des patrons de presse qui prétendent être candidats. Est-ce qu’ils sont également en règle avec le fisc ? Parce que tout candidat doit être en règle avec le fisc.
L’actualité, c’est également la participation ou non de Ousmane Sonko. Quel est votre avis ?
Ousmane Sonko ne peut pas être candidat. Quand tu es condamné, tu ne peux pas être candidat. Que ça soit clair, on ne doit pas avoir peur de le dire. Ousmane Sonko, peut être dans son parti, peut chercher quelqu’un. (…) Tu ne peux pas avoir un casier judiciaire qui n’est pas vierge et vouloir être candidat. Ousmane Sonko, son casier judiciaire actuellement n’est pas vierge. Même s’il n’est pas en prison aussi, son casier n’est plus vierge. Au moment où je vous parle, il ne peut pas être candidat.
Le Parti socialiste sera en réunion du Sen aujourd’hui. Est-ce que c’est le moment pour se choisir un candidat ?
Non, non, je ne le conseille pas ; je ne le conseille pas du tout au Parti socialiste. Le Parti socialiste doit s’assumer ; il est avec Macky Sall depuis le début. Ce bilan est partagé par toute la coalition. Ce n’est pas le moment de partir. C’est le moment de discuter, de trouver un candidat consensuel. Rien ne dit que le futur candidat ne peut pas provenir des rangs du Parti socialiste. Pour moi, il ne faut pas trop s’empresser. Ils n’ont qu’à ouvrir la discussion avec toute la coalition. Le Président Macky Sall est encore le président de la coalition. Les socialistes ne peuvent pas partir seuls. Déjà, toute la coalition réunie avait des difficultés pour avoir les 50%, si tu vas seul, tu n’auras que des miettes.
Si Macky Sall choisit un candidat, vous rangeriez-vous derrière ce choix ?
Bien sûr. Moi, je suis derrière la décision que va prendre Macky Sall. Tant que Macky est là, tant qu’il s’intéresse à la politique, je serai toujours derrière lui et je ferai ce qu’il voudra. Quand j’étais dans les difficultés, c’est le seul que j’ai vu. C’est lui qui m’a tendu la main. Mes anciens compagnons m’avaient fait la guerre ouvertement. Ils sont allés jusqu’à même vouloir me faire perdre ma commune ; c’est Macky qui m’a tendu la main, sans avoir à me demander de rejoindre l’Apr. Notre devoir donc aujourd’hui, c’est de ne pas quitter Macky Sall. Et j’invite tout le monde, tous ceux à qui Macky avait tendu la main, à lui rester fidèles. Qu’aucun militant ne pense à perturber la coalition ou le choix du Président Macky Sall. Le choix de Macky doit être le choix de tous ceux qui ont bénéficié de sa confiance et de ses largesses.
La candidature d’Idrissa Seck, est-ce une candidature sérieuse, selon vous ?
SI si, elle est très sérieuse. Au moment où je vous parle, c’est la seule candidature vraiment sérieuse, parce que tout le monde est en salle d’attente. Benno Bokk Yakaar est en train de chercher un candidat ; les autres attendent que l’Assemblée nationale modifie la loi et qu’ils s’acquittent de l’amende infligée lors de leurs procès pour participer. Idrissa Seck est la seule personne actuellement qui n’a aucun problème par rapport à sa participation. Pour ne pas dire la seule candidature sérieuse.
Propos Recueillis par Madou MBODJ