A quoi sert véritablement l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes, quand celle-ci souscrit à une entente directe de 10 millions avec un cabinet pour régler le différend qui oppose Promobile de Mbackiyou Faye et Saga Africa Holding Limited (Free) de Yérim Sow ? Comprenez par-là que l’Artp a tout simplement délaissé ses compétences à un cabinet pour se pencher sur le litige qui empêche Mbackiyou Faye de démarrer Promobile. Et encore malheureusement, l’Armp a béni cette entente directe qui ne remplit pourtant point les conditions de l’article 76,1b du Code des marchés publics.
Quand est-ce que le contentieux opposant Promobile et Saga Africa Holding Limited (Free) prendra fin ? En attendant que ce dossier soit vidé, un fait des plus bizarres s’est produit avec l’organe de contrôle qu’est l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp), qui a en charge le règlement de ce contentieux. En effet, dans le cadre de l'exercice de sa compétence de règlement de différends, l'Artp, par lettre du 9 avril 2020, a saisi la Dcmp pour conclure par entente directe un contrat d'assistance technique pour le règlement dudit contentieux. Au soutien de sa demande, l’Artp, seule autorité compétente en matière de règlement de contentieux entre opérateurs, a été saisie par l'opérateur Mvno Promobile d'un différend l'opposant à Saga Africa Holding Limited. Ainsi l'Artp relève que le particularisme du secteur des communications électroniques, marqué par une technicité de la nature du contentieux, fait que le traitement du contentieux appelle des compétences techniques, juridiques et économiques. C'est pourquoi elle sollicite une interprétation extensive de la notion d'assistance juridique à l’appui technique au règlement de différends dans le secteur des communications électroniques.
La Dcmp traite le dossier avec des pincettes
Saisie, la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) affiche ses craintes. Elle rappelle que les dispositions du Code des marchés publics sur le cas d'espèce sont celles de l'article 3.3a. i) qui exclut du champ de ce texte les «services d'arbitrage, de conciliation, d'assistance et de représentation juridique». De même, elle souligne que pour l'appréciation de cet article, le guide d'application du Code des marchés publics précise que les autorités contractantes «...n'appliquent pas le Code des marchés publics quand elles ont recours, à l'occasion d'un litige les concernant, aux services d'un arbitre, d'un avocat ou de tout autre professionnel, du moment que les prestations en question relèvent d’une mission d'assistance juridique ou de représentation.» Dès lors, elle est d'avis qu'une interprétation restrictive de ces dispositions dérogatoires ne couvre pas les missions du cabinet que l'Artp envisage de recruter puisqu'elle relève plutôt de l'assistance technique. Toutefois, elle a estimé qu'il existe une incertitude sur le critère d'assistance juridique et celle technique. C'est pourquoi elle a suggéré au requérant de saisir l'Armp.
Le cabinet ne peut pas se subsister à l’Artp… note l’Armp
En examinant le fond du dossier, l’Armp revient sur l’interprétation extensive de la notion d’assistance juridique. Ce, pour dire que l’avis technique du cabinet, même s'il permet à l'Artp de prendre un acte juridique dans le cadre du traitement du contentieux en objet, n'est pas caractéristique de l'une des prestations juridiques énumérées dans l'article 3.3 du Code des marchés publics. En plus, fait savoir l’organe de contrôle, l'assistance du cabinet vise à permettre à l'Artp de prendre une bonne décision dans le cadre du traitement d'un contentieux, mais la prestation est de nature technique et que le cabinet ne peut pas subroger l'Artp dans l'exercice de sa compétence de règlement du contentieux.
Les griefs notés par l’Armp
Sur l’entente directe demandée par l’Artp, l’Armp cite les termes de l’article 76.1b qui font savoir que la Dcmp peut autoriser une entente directe pour des fournitures, services ou travaux qui complètent ceux ayant fait l'objet d'un premier marché exécuté par le même titulaire, à la condition que le marché initial ait été passé selon la procédure d'appel d'offres et que le marché complémentaire ne porte que sur des fournitures, services ou travaux qui ne figurent pas dans le marché initial conclu, mais qui sont devenues nécessaires à la suite d'une circonstance imprévue et extérieure aux parties, et que ces fournitures, services ou travaux ne peuvent être techniquement ou économiquement séparés du marché principal. L’Armp rappelle aussi que selon l'article 76 2 b) du Code des marchés publics, les autorités contractantes peuvent recourir à une procédure d’entente directe, après avis de la Direction chargée du contrôle des marchés publics, pour des marchés pour lesquels l'urgence impérieuse, résultant de circonstances imprévisibles, irrésistibles et extérieurs à l'autorité contractante, n'est pas compatible avec les délais et règles de forme exigés par la procédure d'appel ouvert ou restreint. Seulement, l’Armp souligne qu’il ressort des éléments du dossier que la prestation n’entre dans aucune des catégories précitées et qu'en conséquence, la Dcmp ne peut pas donner un avis favorable à sa conclusion par entente directe.
Finalement l’Armp autorise le gré à gré
Mais, encore une fois, il y a un mais de l’Armp qui facilite ce genre de transaction. Même si elle constate que les conditions prévues par l’article 76 du Code des marchés publics pour la conclusion d’une entente directe ne sont pas réunies, l’Armp invoque l'article 29 de l'acte additionnel de la Cedeao A SA2/07 du 19 janvier 2007 relatif à l'interconnexion des réseaux des télécommunications qui prescrit un délai de trois mois pour régler ce genre de problème. Dès lors, l’Armp a autorisé l’Artp à conclure cette entente directe avec le Cabinet Processingenierie Sarl pour un montant de 10 millions F Cfa.
Samba THIAM