REFORME DU FRANC CFA ET NOUVEL ACCORD AVEC LA FRANCE: Paris quitte les instances, mais pourra revenir en cas de «crise sévère»



 
 
C’est fait ! La France veut en finir avec le F Cfa, qui sera remplacé par l’éco. Le gouvernement français a pris en ce sens, le 20 mai, un projet de loi que son Parlement doit adopter en juillet et septembre. Un projet de loi qui satisfait les deux grandes revendications des détracteurs du F Cfa : la fin de la présence française dans les instances et le dépôt obligatoire de 50% au moins de réserves de change de la Bceao au trésor français. Toutefois, deux aspects importants restent maintenus : le taux de change et la convertibilité. Et Paris se réserve le droit de revenir dans les instances en cas de crise grave. Mais les choses risquent de trainer du côté des pays de la zone, dont aucun d’entre eux n’a adopté l’accord signé depuis décembre dernier à Abidjan, sans compter les entraves politiques (réticences de pays de la Cedeao à la généralisation de l’éco) et techniques.  
 
Un second acte posé dans la mise à mort du franc Cfa, qui va céder la place à l’éco. Le Conseil des ministre français a paraphé un projet de loi en ce sens, lequel doit être adopté par le Parlement entre juillet et septembre. Un projet de loi visant à matérialiser l’accord de coopération monétaire conclu avec les États membres de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa) en décembre dernier à Abidjan.
 
Plus de représentant de la France dans les instances et la Bceao plus obligée de déposer ses réserves au Trésor français
 
Ce projet de loi porte deux innovations majeures. La première est la fin de la présence de la France dans les instances techniques de gouvernance de la zonemonétaire, où il avait des représentants, même avec des voix non prépondérantes. D’ailleurs la France n’a pas attendu cette loi pour appliquer cette mesure. Elle n’envoie plus de représentants du Trésor et de la Banque de France dans les instances monétaires de l’Umoa. La seconde innovation et pas des moindres est que la Bceao ne sera plus contrainte de déposer au moins 50% de ses réserves en devises sur des comptes d’opérations du Trésor français. 
 
La France pourra «intervenir»  en cas de «crise sévère» 
 
 
Toutefois, selon l’accord d’Abidjan, même sans représentants dans les instances de l’Union monétaire, la France continuera de veiller sur la nouvelle monnaie. Ainsi, en cas de «crise sévère» (si le taux de couverture de la monnaie descendait en-dessous de 20%, contre plus de 70% en ce moment), l’accord prévoit que «la France pourra désigner, à titre exceptionnel et pour la durée nécessaire à la gestion de la crise, un représentant au comité de politique monétaire de la Bceao». 
 
La parité fixe et la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité maintenues
 
Alors que selon les explications du gouvernement français, Paris ne sera plus qu’un «strict garant financier» de l’Uemoa, elle maintient cependant deux aspects essentiels. Il s’agit du «régime de change, avec un maintien de la parité fixe avec  l’euro» et de la «garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France».
 
Ces éléments qui risquent de retarder le processus de mise en œuvre de l’accord
 
Mais la volonté de la France d’aller vite dans cette réforme du franc Cfa, qui passe à l’éco, pourrait être entravée par l’attitude des pays de la zone. En effet, Paris devra faire avec les contingences politiques et techniques qui se posent. Déjà, malgré la signature de l’accord d’Abidjan depuis le 21 décembre, aucun des pays de la zone ne l’a ratifié. Et ça risque de prendre du temps, si l’on sait que la question de la généralisation de l’éco dans l’espace Cedeao pose toujours un sérieux problème. L’autre élément qui risque de retarder le processus est le fait que les comptes d’opérations du Trésor doivent avant tout être remplacés par une convention de garantie, qui devra permettre à la Bceao d’avoir la liberté de placer à sa guise les devises déposées au Trésor français. Seulement, sur ce point, il y a des pays qui ne sont pas du tout enchantés, car voulant continuer à profiter du taux de rémunération de à 0,75% offert par la France, alors que sur les marchés européens, les taux sont généralement négatifs. D’ailleurs, ce taux a permis à la Bceao, en 2019, de gagner 40,4 millions d’euros pour 6,3 milliards d’euros déposés. 
Mbaye THIANDOUM
 

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