Le Président l’a dit, les avocats l’ont confirmé : dès que Karim Wade foulera le sol sénégalais, il paiera ce qu’il doit à l’Etat ou ce sera la contrainte par corps. Les avocats de l’Etat qui ont fait face à la presse hier ont démonté les arguments de leurs confrères qui défendent les intérêts de Karim Wade. Après avoir réitéré que Karim Wade a été débouté de plusieurs de ses demandes, ils ont clairement indiqué que la condamnation par la Crei est certes définitive, mais dans quelques mois la La de 1981 (Ndlr : qui a créé la Crei) sera réexaminée à l’aune du Pacte. Et les conclusions de l’Etat du Sénégal seront produites et soumises au Comité. On sera bien loin de la Présidentielle…
Karim Wade, ses avocats et ses inconditionnels ont tôt fait de jubiler. Même si le Comité des droits de l’homme de l’Onu a demandé le réexamen par une autre juridiction de sa condamnation par la Crei, les choses ne vont pas se passer aussi simplement qu’ils le pensent. Face à la presse hier, les avocats de l’Etat n’ont pas fait dans la langue de bois. Sur la prétendue violation des droits de Karim Wade, Félix Antoine Diome de rappeler la dernière décision de la Cedeao qui a été rendue le 19 juillet 2013 à son encontre. «L’arrestation et la détention de Karim Wade, fondées désormais sur une base légale, ne sont pas arbitraires et ne constituent pas une violation de l’article 6 de la Charte africaine des droits de l’homme», martèle l’Agent judiciaire de l’Etat. D’ailleurs, poursuit Antoine Diome, les demandes de réparations de Karim Wade ont été rejetées.
Me Félix Moussa Sow de renchérir : «Karim Wade avait demandé l’annulation de l’arrêt rendu par la Crei. Mais, le Comité n’a donné aucune suite favorable à sa demande». Son confrère Me Yérim Thiam d’expliquer que sur la culpabilité de Karim Wade, la Cour suprême a clos le débat sur ce point. «Il a été déclaré coupable et la Cour suprême a entériné et c’est fini». Moussa Felix Sow de marteler que l’Etat du Sénégal n’a pas été condamné. «Le Comité des Droits de l’homme a demandé à l’Etat du Sénégal de réexaminer sa condamnation. Alors que le système judiciaire sénégalais ne permet pas de réexaminer sa condamnation qui est définitive. Il faut que ça soit clair, parce que nous sommes dans un pays souverain. Et nous le resterons», a-t-il précisé.
Me Samba Bitèye : «c’est un fantasme, une hérésie juridique de demander au Sénégal d’annuler une décision de la Cour suprême (…) mais la loi de 1981 sera réexaminée à l’aune du Pacte»
Mais Me Samba Bitèye a fait une déclaration de taille. «La décision du Comité des droits de l’homme a dit au Sénégal de réexaminer la déclaration de culpabilité et de condamnation. Et de revenir dans un délai de 180 jours échanger et dire à ce Comité quelles sont les mesures prises ou qui vont être prises. Cela, le Sénégal le fera. La loi de 1981 (Ndlr : qui a créé la Crei) sera réexaminée à l’aune du Pacte. Et les conclusions de l’Etat du Sénégal seront produites et soumises au Comité», a déclaré Me Samba Bitèye. Qui souligne tout de même que c’est un fantasme de demander au Sénégal d’annuler une décision de la Cour suprême, ce qui serait pour lui une hérésie juridique.
Son confrère Me Bassirou Ngom a abordé les droits civils de Karim Wade, à savoir sur son inscription sur les listes électorales. «Cela relève du Code électoral sénégalais et non d’un autre texte. Et là-dessus, le Code électoral est assez clair. Parce qu’il dit que des personnes condamnées à plus de 5 ans pour certains délits ne peuvent pas s’inscrire sur les listes électorales du Sénégal. Le débat est clos. Nous avons un système judiciaire avec des lois applicables à tous les citoyens sénégalais. Qu’on s’appelle Karim Wade ou bien qu’on ait un autre nom de famille, les lois sont impersonnelles et applicables à tous de la même manière. Et le Code électoral à son article 31 énumère la date à laquelle on doit s’inscrire sur les listes électorales sénégalaises. Et vous savez parfaitement que si on n’est pas inscrit, on n’est pas électeur et si on ne l’est pas, on n’est pas éligible», dit-il.
Me Yérim Thiam : «l’Etat a le droit de demander l’exécution de la contrainte par corps. Et c’est ce que nous ferons, dès que (Karim Wade) viendra»
En rebond toujours sur les droits civils de Karim Wade, Me Yérim Thiam de marteler : «cette manière dont l’avocat de Karim a attaqué l’Etat du Sénégal sur France 24, ça peut relever d’une schizophrénie. La décision judiciaire s’applique. Mais avant de songer à s’inscrire sur les listes électorales, qu’il rembourse ce qu’il doit à l’Etat du Sénégal, ce qu’il doit aux citoyens», réitère-t-il. Et de poursuivre : «le Président Macky Sall l’a gracié en étant dans son droit. Mais, l’Etat du Sénégal, qui est propriétaire des deniers, c’est son droit de demander l’exécution de la contrainte par corps. Et c’est ce que nous ferons, dès qu’il viendra. Et nous souhaitons vraiment qu’il vienne. Et nous allons exécuter la contrainte par corps. Et les droits civils commencent par payer l’objet des condamnations. Qu’il commence par cela et on examinera le reste», peste-il.
Fatou D. DIONE