RAPPORTS ITIE: L’expert Elimane Pouye remet en cause la contribution du secteur extractif dans les recettes de l’Etat




 
 
 
La contribution du secteur extractif dans les recettes de l’Etat est en deçà des chiffres annoncés chaque année par le rapport Itie. En effet, de l’avis de l’expert-consultant Elimane Pouye, sur les 206 milliards reversés en 2021, l’essentiel de ce montant est supporté par les consommateurs et provient de la Tva, des retenues à la source etc. ; et ces entreprises, dit-il, ne font que collecter des impôts de leurs employés qu’ils reversent.
 
 
 
Le Forum civil a organisé ce week-end à Saly un atelier de renforcement de capacités sur le journalisme d’investigation dans le secteur extractif au Sénégal, en collaboration avec l’Usaid Traces et en présence des journalistes venus des régions minières et gazières dont Saint-Louis, Kédougou, Matam, etc. A cet effet, différentes thématiques portant sur les fonds et les revenus issus de l’exploitation minière, pétrolière et gazière ; les exonérations fiscales et douanières dans le secteur extractif ; les bénéficiaires effectifs au Sénégal : état de la législation et de la pratique ; entre autres, ont été développées par des experts et consultants, en l’occurrence Elimane Pouye, Moustapha Fall et Souleymane Sène. Dans son exposé sur les fonds et les revenus issus de l’exploitation minière, gazière et pétrolière, Elimane Pouye a identifié trois fonds. Le Fonds d’appui et de péréquation pour les collectivités territoriales locales (Fapct), le Fonds d’appui au secteur minier (Fam), le Fonds d’appui au développement local (Fadl) et le Fonds de réhabilitation. S’agissant du premier fonds (fapct), il est alimenté à hauteur de 20% des recettes issues des opérations minières et de 20% de la part revenant à l’Etat. Ces ressources, selon l’expert, sont destinées à l’équipement des collectivités locales. Pour l’année 2019, le Fonds d’appui et de péréquation pour les collectivités territoriales s’élevait à 5,2 milliards. Les 2 milliards 86 millions (40%) représentant la dotation de péréquation ont été décaissés et versés au Fect ; ainsi que les 3 milliards 129 millions destinés à la dotation d’appui des collectivités territoriales.
 
Birahim Seck dénonce le fonds d’intervention du ministère des Mines …
 
Seulement, si l’expert est persuadé que ce dernier montant, 3,1 milliards, a été décaissé par d’autres mécanismes, le coordonnateur du Forum civil estime le contraire, persuadé que seuls les deux milliards du Fonds d’appui et de péréquation ont été effectivement décaissés. Mieux, il se désole de constater que depuis 2019, aucun décret de répartition du Fonds d’appui et de péréquation n’a été pris. Ce qui lui fait dire que pendant trois ans 2020, 2021 et 2022, le Fapcl n’a pas été abondé. Outre ces différents fonds, Birahim Seck ajoute un 5e fonds qui, dit-il, n’a aucune base légale. Il s’agit du fonds d’intervention des agents du ministère des Mines qui n’est pas abondé par les opérations minières, mais dont les ressources sont tirées du budget. C’est comme les fonds communs qu’il considère comme un mécanisme de partage entre les différents agents dudit ministère. Dans le secteur du pétrole et du gaz, les fonds qui existent sont entre autres le fonds intergénérationnel, le fonds de stabilisation et le fonds d’appui au développement du contenu local. Selon Elimane Pouye, les recettes d’hydrocarbures alimentent le budget général de l’Etat à hauteur de 90% et les 10% destinés au fonds intergénérationnel. Tout surplus entre les recettes prévisionnelles et les réalisations est versé dans le fonds de stabilisation qui sert à prémunir des risques de volatilité des recettes d’hydrocarbures. En guise d’exemple, les recettes au terme de la Lfi 2023 s’élèvent à 51,6 milliards francs Cfa dont 33,7 milliards abondent le budget de l’Etat, 5,2 milliards destinés au fonds intergénérationnel et 12,7 milliards logés dans le fonds de stabilisation.
 
 
L’Etat exonère plus qu’il ne reçoit
 
Abordant les exonérations fiscales et douanières dans le secteur extractif, Elimane Pouye fait remarquer que durant les phases de recherche (exploration) et développement dans le secteur extractif, l’Etat ne réclame pas d’impôts. Ces entreprises sont exonérées d’impôts à moins qu’elles ne jouent un rôle de collecteur d’impôts. C’est durant la phase d’exploitation, dit-il, que l’Etat instaure un régime de taxation. Revenant sur le dernier rapport de l’Itie, l’expert précise que les entreprises extractives ont contribué à hauteur de 6,94%, soit 206 milliards dans les recettes de l’Etat en 2021. A l’en croire, l’essentiel de ce que les entreprises ont payé et qu’on comptabilise comme contribution du secteur extractif relève d’impôts qui sont dus, non pas, par les entreprises extractives, mais par les consommateurs. Il s’agit dit-il, de la Tva, la Tva précomptée, la taxe sur le ciment, la contribution spéciale sur le ciment, la retenue sur les salaires, etc. «C’est des collectes d’impôts sur les populations que l’entreprise reverse. Il n’y a véritablement pas d’impôts payés et supportés par l’entreprise du secteur minier. L’entreprise ne peut pas mettre ce paiement dans son actif comme un contributeur important», souligne M. Pouye. Revenant sur le coût des exonérations, il précise qu’en 2020, les exonérations de l’Etat au profit des secteurs miniers et pétroliers s’élèvent à 250 milliards contre des recettes 2020 de ces deux secteurs de 167 milliards. Ce qui veut dire, dit-il, que l’Etat a renoncé plus qu’il n’a reçu.
 
M. CISS (envoyé spécial à Saly) 
 
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