RAPPORT SUR LA PRESIDENTIELLE: Le Cena liste les dysfonctionnements



 
La Commission électorale nationale autonome (Cena) a publié, hier, son rapport sur l’élection présidentielle du 24 février dernier. Dans le document, le président Doudou Ndir et son équipe sont revenus largement sur le déroulement du processus, au cours duquel ils ont noté plusieurs dysfonctionnements, relatifs au fichier électoral, dont il trouve justifiée la demande des partis, notamment de l’opposition, d’y accéder. Sur le parrainage, la Cena reconnaît son absence dans sa mise en œuvre, notamment le contrôle et la vérification des parrains, alors que les articles 5 et 6 du Code électoral exigent sa présence à toutes les étapes du processus et le contrôle de toutes les opérations. Pour ses moyens d’actions, le surveillant des élections déplore les retard dans la mobilisation des fonds électoraux et le passage d’une de ses lignes budgétaires sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, contribuant à la perte de son indépendance financière. 
 
 
 
 
«Lademandedespartispolitiquesrelativeàleuraccèsaufichier estjustifiée»
 
Évoquant le fichier électoral, notamment la question de son accès qui a longtemps opposé le ministère de l’Intérieur et l’opposition, la Cena note : «endépitdel’auditindépendanteffectué paruneéquiped’expertsétrangers, l’opposition,surtoutsafrangequiavaitboudélecadredeconcertation,acontinuéà réclamerledroitd’accéderaufichierélectoral». Une réclamation bien fondée selon Doudou Ndir et Cie, qui se réfèrent au Code électoral. «Lademandedespartispolitiquesrelativeàleuraccèsaufichier estjustifiéedanslamesureoùunetelleexigencesefondesurl’articleL.48duCodeélectoral», affirment-ils. Cette disposition du Code affirme clairement : «leministèrechargédesÉlectionsfaittenirle fichiergénéraldesélecteurs,envueducontrôledesinscriptionssurleslistesélectorales»etque«laCenaainsiquelespartispolitiqueslégalementconstituésontundroit deregard et decontrôlesurlatenuedufichier».Mais, déplore la Cena, «ce texten’ajamaisétépris en compte». Dès lors, pour respecter la Code et éviter les malentendus, la Cena recommande de «prendre le décret prévu par l’article L.48 du Code électoral en vue de déterminer, avec précision, les conditions d’organisation et de fonctionnement du fichier électoral».
 
 
 
«LaCenan’estpasintervenuedanslecontrôleetlavalidation desparrainages,bienquecetteséquencesoitpartieintégranteduprocessusélectoral»
 
 
Sur la question controversée du parrainage, la Cena, après avoir rappelé le processus qui a abouti à sa mise en place, a reconnu sa mise à l’écart dans les étapes cruciales de son application. «Il,convientdereleverque laCenan’estpas intervenue danslecontrôle et lavalidation desparrainages,bienquecetteséquencesoitpartieintégranteduprocessusélectoral», reconnaît la structure, pourtant chargée de veiller à la régularité du processus électoral. Aussi, comprend elle que d’aucuns aientdéplorécettesituation en rappelant certaines dispositions,notamment lesarticlesL.5etL.6,duCodeélectoral. En effet, l’articleL.5dispose que «laCenacontrôleetsupervisel’ensembledesopérationsélectoraleset référendaires.Elleveille,enparticulier,àleurbonneorganisationmatérielleetapporte lescorrectifsnécessairesàtoutdysfonctionnementconstaté. (…). LaCenafaitrespecterlaloiélectoraledemanièreàassurerlarégularité,la transparence,lasincéritédesscrutinsengarantissantauxélecteurs,ainsiqu’aux candidatsenprésence,lelibreexercicedeleursdroits».
L’ArticleL.6est plus précis. Il stipule : «laCenaestobligatoirementprésenteàtouslesniveauxdeconception,d’organisation,deprisededécisionetd’exécutiondepuisl’inscriptionsurleslistes électoralesjusqu’àlaproclamationprovisoiredesrésultats». Le même article dit : «encasdenon-respectdesdispositionslégislativesetréglementairesrelativesaux électionsouréférendumsparuneautoritéadministrative,laCena,aprèsunemise endemeure,peutprendredesdécisionsimmédiatementexécutoiresd’injonction,de rectification,dedessaisissement,desubstitutiond’actiondanslecadredesopérations électorales et référendaires, nonobstant son pouvoir de saisine des juridictions compétentes». C’est en se référant à ces dispositions du Code électoral que des candidats recalés, comme Pierre Goudiaby Atepa, Abdoul Mbaye…avaient saisi la Cena. Mais celle-ci explique qu’elle n’a rien pu faire devant la décision du Conseil constitutionnel.
 
 
Beaucoup de dysfonctionnements relevés sur les inscriptions, dans la révision des listes électorales et la distribution des cartes 
 
 
La Cena a suivi de très près les opérations d’inscription sur les listes électorales, notamment à travers ses démembrements(CedaetDecena). Dans sa mission de supervision, elle a relevé un certain nombre dedysfonctionnements dont :«l’alourdissement notable des opérations lorsque l’instruction de la CNI esteffectuéeenmêmetempsquelarévisionexceptionnelledeslistespour prendreenchargelesprimoinscrits». Pour la Cena,celaconstituesouventune sourced’erreursmatériellesetestàlabasedesnombreusestentativesde fraudesurl’étatcivil. Il y a aussi lesdifficultésrencontrées parcertainscitoyenssénégalaisdufaitdelararetéoudel’éloignementdessitesdes Commissions administratives. A ces problèmes, s’ajoutent lanon-priseencomptedecertainesspécificitésdanslespaysoùlesSénégalais votent(territoireétenduet/oumontagneux,insularité,etc.), l’absencedeCommissions administrativesitinérantesdansdenombreuxpayspourenrôlerlesSénégalais habitantenprovinceet lenombreinsuffisantdeCAmobilesdanscertainescommunesoùles déplacementssontdifficilesdufait,notamment,del’étatdesroutes. Pour pallier ses difficultés, la Cena demande d’augmenterlenombredescommissionsadministrativeschargéesdela révisiondes  listes   électorales  et  de la distribution descartes  d’électeur, d’augmenterlenombredescommissionsmobilesdanscertaineslocalités et vitedejumelerl’inscriptionsurleslistesélectoralesetl’instructiondelacarte nationaled’identité. A l’étranger, la Cena souhaite que la distribution des cartes soit «confiéeauxreprésentantsdes  associations deressortissants sénégalais».   
Au chapitre des recommandations, la Cena invite à «éviterlesmodificationsdedernièreheuredelacarteélectoraleafindene pasdésorienterlesélecteurs», de «redresserleserreursconstatéesdansleslistesélectoralesetquin’ontpas permisàdesélecteursdevoter» et de «rapprocherlesélecteursdeladiaspora,lepluspossible,deleurlieudevote». 
 
 
1,2 milliard dont plus de 900 millions pour les indemnités et frais de formation, dépensé pour la présidentielle 
 
 
 
Pour mener à bien ses activités lors de la présidentielle du 24 février dernier, la Cena a dépensé au total 1.217.224.913, répartie, en plusieurs rubriques. Pourl’achatde matériel électoral et l’acheminementdesdocumentsadministratifs, les dépenses sont respectivement de256.798.550 F Cfa et 3.515.650 F Cfa. S’agissantdurèglementdesfraisdeformationetdesindemnités, il constitue l’essentiel des dépenses, avec 956.910.713 F Cfa.
 
 
«Leretarddanslamobilisationdesfondsélectoraux (…) laperte progressivedel’autonomiefinancièredel’institution» déplorés.
 
Tout de même, le gendarme des élections a été confronté à des difficultés de trésorerie, liées, selon le rapport au «retarddanslamobilisationdesfondsélectoraux». En effet, malgrél’optiond’acheterdescartes«GoldEcobank»pourparerauximpairsde transmissiondefondsendirectiondesDecena,«ladifficultédemobilisationde ressourcesrestepersistante». Considérant que«l’absence d’unetrésorerieréelleetdisponibleàtempspeutencoreannihilerleprocessus», la Cena déplore le fait qu’avec «l’applicationdestextescommunautaires», elle a perdu une ligne budgétaire, placéedésormais soustutelleorganiquedu ministèredel’Intérieur.« Cettesituationincommodanteapourconséquencelaperte progressivedel’autonomiefinancièredel’institution», fustige l’équipe de Doudou Ndir. Qui soutient que «laCenagagneraitàrecevoirlatotalitédesonbudgetdansles meilleursdélaispourunegestionoptimaledesimpératifsliésauscrutinprésidentiel». Et pour cela, elle propose que les fonds électoraux soient disponibles «trentejoursavantladateduscrutin,  comptetenudesenjeuxliés à la  gestion delatrésoreriede l’État». Cette demande est d’autant plus justifiée, pour le Cena, que «ladisponibilitédesfondsdemeurel’enjeu majeurdelaparticipationdel’institution  aux scrutins demanièregénérale».
 
 
Mbaye THIANDOUM
 
 
 
 
 

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