RAPPORT DE LA BANQUE MONDIALE SUR LA SITUATION ECONOMIQUE DU SENEGAL : La dette publique a atteint 80,8% du PIB en 2023, l’accélération des réformes de l’administration fiscale préconisée pour stimuler la mobilisation des recettes intérieures




 
 
 
 
 
Si la croissance du Pib réel est estimée à 4,3% en 2023, elle est attendue à 7,1% en 2024 et une moyenne de 7,7% en 2025-2026, d’après le Rapport de la Banque mondiale sur l’économie du Sénégal. L’inflation, pour sa part, après un pic de 9,7% en 2022, a reculé à 5,9% en 2023. Dans la même année, la dette publique a atteint 80,8% du Pib avec des marges limitées pour absorber les chocs futurs. Le rapport préconise aussi l’accélération des réformes de l’administration fiscale pour stimuler la mobilisation des recettes intérieures.
 
 
 
 
 
Il ressort du Rapport de la Banque mondiale sur la situation économique du Sénégal de juin 2024, paru hier, que l’économie sénégalaise s’est montrée résiliente en 2023 dans un contexte de tensions politiques conjuguées à une inflation persistante quoiqu’en baisse. La croissance du Pib réel est estimée à 4,3%, soit supérieur au taux de croissance de 3,8% enregistré en 2022 et au-dessus des projections initiales de 4,1%. Les tensions politiques, conjuguées à une inflation élevée, ont perturbé les secteurs tertiaires et réduit le dynamisme de la croissance des dépenses de consommation et les investissements. Du côté de la demande, la croissance de la consommation privée et de l’investissement a ralenti, reflétant le report des investissements par les entreprises et la réduction des dépenses due à la baisse du pouvoir d’achat associée à une inflation élevée. Du côté de l’offre, la croissance du secteur tertiaire a ralenti, principalement en raison de la réduction des activités commerciales dans la restauration et l’hôtellerie ainsi que dans les technologies de l’information et de la communication (Tic), et d’un ralentissement des services financiers et d’assurance à la suite des troubles sociaux et des tensions politiques. Malgré les difficultés rencontrées dans le secteur extractif, le secteur secondaire du Sénégal a prospéré grâce aux contributions positives de la production de ciment.
 
L’inflation a reculé à 5,9% en 2023 contre 9,7% en 2022
 
Après avoir atteint un pic de 9,7% en 2022, l’inflation a reculé à 5,9% en 2023. Cette diminution de l’inflation globale est liée à la baisse des prix internationaux des produits de base et la normalisation des chaînes d’approvisionnement. En outre, les facteurs externes, tels que la dépréciation du franc Cfa par rapport au dollar américain en 2022 et sa répercussion sur les prix des produits importés et locaux, se sont atténués. La plupart des mesures administratives visant à plafonner les prix de certains produits alimentaires, notamment le riz et le sucre, sont toujours en vigueur contribuant à contenir l’inflation et alléger le coût de la vie. Cependant, les pressions exercées par les prix de l’énergie, y compris l’électricité, le gaz et d’autres combustibles (qui ont augmenté en moyenne de 10% en 2023) ont lourdement pesé sur l’inflation.
 
Consolidation des finances publiques avec une hausse des recettes fiscales 19,4% du Pib …
 
L’ambition de consolider les finances publiques envisagée dans la loi de finances 2023 s’est matérialisée même si le déficit global a été un peu plus élevée que prévu. Le déficit budgétaire aurait baissé de 6,5% du Pib en 2022 à 5,1% en 2023, au-dessus de l’objectif de 4,9% du Pib fixé dans la loi des finances de 2023. Les recettes fiscales ont augmenté pour atteindre 19,4% du Pib, soit environ 1,2 point de pourcentage de plus qu’en 2022, principalement en raison de la hausse de la collecte des recettes sur les biens et services et de l'impôt sur le revenu des personnes et des sociétés. Les dépenses publiques sont restées stables à 26,6% du Pib, avec l'augmentation des dépenses liées à la masse salariale et au coût financier de la dette publique. Les mesures de soutien au pouvoir d’achat1 (0,6 % du Pib) et les subventions au secteur de l’énergie comprenant les arriérés en cours (4,2% du Pib à la fin septembre 2023) continuent de peser sur les efforts d’assainissement budgétaire.
 
La dette publique culmine à 80,8% du Pib en 2023 avec des marges limitées pour absorber d’éventuels chocs futurs
 
En conséquence, relève le rapport, la dette publique et la dette garantie par l’État auraient augmenté de 75,6% du Pib en 2022 à 80,8% du Pib en 2023. Le Sénégal reste exposé à un risque modéré de surendettement public, avec des marges limitées pour absorber d’éventuels chocs futurs. Le déficit du compte courant s’est considérablement amélioré, permettant ainsi d’augmenter les réserves internationales. Selon les estimations, il est passé de 19,9% du Pib en 2022 à 14,5% du Pib en 2023, principalement grâce à la reprise des échanges avec le Mali et à une réduction progressive des importations de services dans le secteur des hydrocarbures. Il a été financé par des investissements directs étrangers, des transferts de fonds ainsi que des financements des partenaires au développement. L’orientation de la politique monétaire reste néanmoins accommodante.
 
La croissance attendue à 7,1% en 2024
 
La Banque mondiale prédit des perspectives économiques globalement positives, avec l’engagement des autorités pour des réformes structurelles majeur et l’amélioration de la transparence, mais elles dépendent d’un solide engagement en faveur de la stabilité macroéconomique. Les perspectives de croissance reposent sur la mise en œuvre de réformes structurelles majeurs et sur la mise en œuvre de l’agenda de développement axé sur l’amélioration des opportunités économiques et de l’inclusion sociale. Les perspectives reposent également sur l’atténuation des tensions géopolitiques mondiales actuelles. La croissance à court terme devrait s’accélérer pour atteindre 7,1% en 2024 et une moyenne de 7,7% en 2025-2026. La pauvreté devrait tomber à 8,7% en 2024 (1,1 point de pourcentage de moins qu’en 2023), grâce à la croissance réelle par habitant dans l’agriculture, où 57% des pauvres sont employés, et à une réduction de l’inflation, en particulier des prix des denrées alimentaires.
 
 
 
Les recettes fiscales ont atteint 18,2% en 2022
 
L’insuffisance des recettes a souvent réduit la capacité du Sénégal à améliorer et à soutenir la croissance et à investir dans la population. Elle a en outre entraîné le recours à une accumulation de la dette qui a accru les vulnérabilités budgétaires et limité la marge de manœuvre budgétaire permettant d’absorber les chocs. La croissance et le dynamisme des recettes fiscales du Sénégal se sont régulièrement améliorés au cours de la dernière décennie, surpassant ses pairs, mais les recettes restent en deçà de leur potentiel. Les recettes fiscales ont stagné autour de 15% du Pib entre 2010 et 2018 avant d’augmenter progressivement pour atteindre 16,8% du Pib en 2020 et 18,2% en 2022, le niveau le plus élevé jamais atteint. Cette performance relativement bonne ne suffit toutefois pas à renforcer la capacité du Sénégal à répondre aux besoins de développement de sa population et à favoriser la résilience face à l’incertitude. La marge de manœuvre budgétaire limitée et de plus en plus restreinte entrave l’investissement productif et les efforts visant à assurer la résilience face aux chocs futurs. Le Sénégal dépend fortement des impôts indirects, qui constituaient 71% des recettes fiscales totales en 2021, même si la dépendance de la collecte des recettes à l’égard des taxes commerciales a diminué. Cela offre une possibilité d’exploiter stratégiquement le système d’impôts directs pour améliorer la mobilisation des ressources intérieures.
 
L’accélération des réformes de l’administration fiscale pour stimuler la mobilisation des recettes intérieures
 
Selon le Rapport de la Banque mondiale, l’impôt sur le revenu des personnes physiques produit peu de recettes, et sa contribution aux recettes fiscales totales a stagné au cours de la dernière décennie en raison de l’étroitesse de l’assiette fiscale et de l’absence d’élan réformateur. Le système de l’impôt sur le revenu des personnes physiques est peu respecté, en l’absence d’une solide approche fondée sur les données. L’accélération des réformes de l’administration fiscale et des politiques visant l’Impôt sur le revenu des personnes physiques (Irpp) peut contribuer à stimuler les efforts de mobilisation des recettes intérieures. En dehors de l’Irpp, les autres impôts directs sur le capital, la propriété et les loyers sont soumis à des taux d’imposition faibles et non progressifs. Les impôts sur le capital, les impôts fonciers et les impôts sur les bénéfices des petites entreprises, la Contribution globale unique (Cgu) sont soumis à des barèmes d’imposition faibles et non progressifs, ce qui limite la capacité de redistribution des impôts directs. La mise en œuvre de la Stratégie de recettes à moyen terme (Srmt) 2020–2025 et les réformes en cours de l’administration fiscale ont renforcé la capacité de mobilisation des recettes, grâce à des efforts de numérisation des procédures fiscales et douanières et à l’élargissement de l’assiette fiscale. La numérisation de l’administration fiscale – afin de réduire le coût de la conformité, d’améliorer le suivi des contribuables, de renforcer l’application de la loi, les données et une approche fondée sur des faits – permettrait d’obtenir des recettes plus proches de leur potentiel.
 
 
 
M. CISS
 
 
 
 
 
 
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