La haute juridiction ne voit pas du même œil le rapatriement des corps des victimes du Covid-19. Le juge des référés de la Cour suprême qui avait statué sur cette affaire avant de rejeter la demande des requérants a été certainement étonné du virage du président de la République, même si ce dernier est mieux informé que lui sur la situation. Car le président de la République, pour autoriser le rapatriement des corps, a invoqué principalement deux arguments, l’adaptation et le respect des mesures. Or, pour le juge, dans son ordonnance rendu, du moment qu’il y a un risque, aussi minime soit-il, le mieux c’est de rejeter la demande. Le journal «Les Échos» revient sur les arguments du juge de la haute juridiction, dans l’affaire du rapatriement des corps des victimes du Covid-19.
Même si Abdoulaye Ndiaye est le juge suprême, le président de la République est le premier magistrat. Du coup, le juge des référés de la Cour suprême ne peut rien faire contre les décisions du président de la République, tant qu’il n’est pas saisi. Pour ce qui est du rapatriement des corps des victimes du Covid-19, son point de vue n’embrasse pas celui du président de la République. C’est ce qui ressort de l’ordonnance rendue dans cette affaire du rapatriement des corps des victimes du Covid-19. «Qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier que le risque de contagion liée à la manipulation des dépouilles des personnes décédées du Covid-19 fait l’objet de controverses dans les milieux médicaux ; qu’il n’appartient pas à la Cour suprême encore moins au juge des référés de trancher une telle controverse ; qu’elle peut seulement constater qu’il existe des éléments permettant raisonnablement de suspecter un risque pour la santé, quand bien même les normes existantes ou projetées, les mesures de précaution et de sécurité envisagées en cette matière seraient largement respectées ; que si ce risque ne peut être affirmé avec certitude, il ne peut non plus être exclu péremptoirement ; que dès lors que le risque est plausible, l’autorité administrative sur qui pèse l’obligation de protection de la santé prévue à l’article 8 de la Constitution et qui, en période d’état d’urgence, s’est fondée sur l’avis du CNLES, a également justifié sa décision ; qu’il y a lieu, en conséquence, de rejeter le recours», telle est l’une des raisons du rejet ordonné par le juge. Ainsi, en filigrane, le juge considère véritablement que le «risque» justifie le refus, quand bien même les mesures de précaution sont prises. Comme pour dire que si cela ne dépendait que de lui, les corps ne seraient pas rapatriés par mesure de précaution.
L’autre argument développé par le juge, pour rejeter la requête, c’est par rapport aux victimes du Covid-19 qui sont déplacées d’une localité à une autre : «les corps des personnes décédées au Sénégal du Covid-19 préparés et transportés de Dakar vers d’autres villes du Sénégal par les services compétents aux fins d’inhumation, par rapport notamment au lieu, au transport et au suivi et contrôle par l’autorité administrative de la manipulation ne se trouvent pas dans la même situation que les corps des personnes décédées à l’étranger», tranche-t-il. Le juge des référés a aussi invoqué la situation d’état d’urgence dans lequel se trouve le Sénégal qui donne à l’autorité administrative le droit de «prendre des mesures restrictives de la liberté individuelle». En sus, «en matière de pouvoir discrétionnaire, comme c’est le cas, en l’espèce, poursuit le magistrat dans sa motivation, le droit laisse à l’administration un libre pouvoir d’appréciation».
En outre, pour lui, contrairement à l’avis des requérants, l’autorité administrative ne s’est pas fondée sur les recommandations de l’Oms pour prendre sa décision, mais elle l’a motivée par «le risque de contagion lié à la manipulation des dépouilles». Il n’y a donc pas, pour le juge, «d’erreur de fait» de la part de l’autorité administrative. Sur l’atteinte grave à la liberté, le juge a pourtant considéré qu’en «interdisant le rapatriement des corps des personnes décédées du Covid-19 la décision attaquée porte atteinte nécessairement aux libertés invoquées». Toutefois, il argue que «la proportionnalité doit s’analyser dans un rapport entre la mesure prise et la protection de la santé des populations, but poursuivi par l’autorité administrative qui doit opérer un choix entre l’intérêt général et les intérêts des requérants pour l’exercice de leur liberté».
Alassane DRAME
Même si Abdoulaye Ndiaye est le juge suprême, le président de la République est le premier magistrat. Du coup, le juge des référés de la Cour suprême ne peut rien faire contre les décisions du président de la République, tant qu’il n’est pas saisi. Pour ce qui est du rapatriement des corps des victimes du Covid-19, son point de vue n’embrasse pas celui du président de la République. C’est ce qui ressort de l’ordonnance rendue dans cette affaire du rapatriement des corps des victimes du Covid-19. «Qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier que le risque de contagion liée à la manipulation des dépouilles des personnes décédées du Covid-19 fait l’objet de controverses dans les milieux médicaux ; qu’il n’appartient pas à la Cour suprême encore moins au juge des référés de trancher une telle controverse ; qu’elle peut seulement constater qu’il existe des éléments permettant raisonnablement de suspecter un risque pour la santé, quand bien même les normes existantes ou projetées, les mesures de précaution et de sécurité envisagées en cette matière seraient largement respectées ; que si ce risque ne peut être affirmé avec certitude, il ne peut non plus être exclu péremptoirement ; que dès lors que le risque est plausible, l’autorité administrative sur qui pèse l’obligation de protection de la santé prévue à l’article 8 de la Constitution et qui, en période d’état d’urgence, s’est fondée sur l’avis du CNLES, a également justifié sa décision ; qu’il y a lieu, en conséquence, de rejeter le recours», telle est l’une des raisons du rejet ordonné par le juge. Ainsi, en filigrane, le juge considère véritablement que le «risque» justifie le refus, quand bien même les mesures de précaution sont prises. Comme pour dire que si cela ne dépendait que de lui, les corps ne seraient pas rapatriés par mesure de précaution.
L’autre argument développé par le juge, pour rejeter la requête, c’est par rapport aux victimes du Covid-19 qui sont déplacées d’une localité à une autre : «les corps des personnes décédées au Sénégal du Covid-19 préparés et transportés de Dakar vers d’autres villes du Sénégal par les services compétents aux fins d’inhumation, par rapport notamment au lieu, au transport et au suivi et contrôle par l’autorité administrative de la manipulation ne se trouvent pas dans la même situation que les corps des personnes décédées à l’étranger», tranche-t-il. Le juge des référés a aussi invoqué la situation d’état d’urgence dans lequel se trouve le Sénégal qui donne à l’autorité administrative le droit de «prendre des mesures restrictives de la liberté individuelle». En sus, «en matière de pouvoir discrétionnaire, comme c’est le cas, en l’espèce, poursuit le magistrat dans sa motivation, le droit laisse à l’administration un libre pouvoir d’appréciation».
En outre, pour lui, contrairement à l’avis des requérants, l’autorité administrative ne s’est pas fondée sur les recommandations de l’Oms pour prendre sa décision, mais elle l’a motivée par «le risque de contagion lié à la manipulation des dépouilles». Il n’y a donc pas, pour le juge, «d’erreur de fait» de la part de l’autorité administrative. Sur l’atteinte grave à la liberté, le juge a pourtant considéré qu’en «interdisant le rapatriement des corps des personnes décédées du Covid-19 la décision attaquée porte atteinte nécessairement aux libertés invoquées». Toutefois, il argue que «la proportionnalité doit s’analyser dans un rapport entre la mesure prise et la protection de la santé des populations, but poursuivi par l’autorité administrative qui doit opérer un choix entre l’intérêt général et les intérêts des requérants pour l’exercice de leur liberté».
Alassane DRAME