Procès des agents de sécurité du Pur: Moustapha Ndiaye chargé par ses amis, la mère de la victime crie sa rage




 
Dix tours d’horloge n’ont pas suffi aux juges de la Chambre criminelle du Tribunal de Grande instance de Tamba pour démêler l’écheveau dans cette affaire de meurtre née des violences électorales de la présidentielle de février 2019 ; avec le délibéré qui a été renvoyé au 2 juillet prochain. En attendant, le procureur Demba Traoré est convaincu de la culpabilité de Moustapha Ndiaye dans le meurtre de Ibou Diop. Une conviction qui découle de la posture de certains co-accusés qui ont enfoncé leur compagnon. Aussi, encourt-il la réclusion criminelle à perpétuité. Tandis que les autres risquent tous deux ans dont six mois ferme. Une peine qu’ils ont déjà purgée.  
 
Après un report de trois mois à cause de la pandémie du Covid-19, le procès des éléments de la garde rapprochée du candidat Issa Sall à la présidentielle de février 2019 a finalement eu lieu, hier, devant le juge de la Chambre criminelle du tribunal de Grande instance de Tamba. Ces derniers, au nombre de 13, ont été inculpés suite à la mort du jeune Ibrahima Diop lors de violents affrontements au quartier Dépôt, entre la sécurité rapprochée du Pur et les militants de la coalition présidentielle. Il s’agit de Moustapha Ndiaye et de Ousmane Sidibé, poursuivis pour meurtre, tandis que leurs co-accusés, en l’occurrence Mouhamadou Moustapha Ndiaye dit Ahmed, Sidya Diatta, Ibrahima Kébé, Mouhamadou Moustapha Mbodj, Ibrahima Niang, Mouhamadou Lamine Sène, Moustapha Diakhaté, Serigne Moustapha Sall ont comparu pour coups et blessures volontaires avec des certificats médicaux d’une Itt qui varie entre 7 et 45 jours. Tous, en plus de El Hadj Seck et Mor Ba, sont poursuivis pour détention illégale d’armes. Trois d’entre eux, en l’occurrence Sidya Diatta, Aly Dieng et Mouhamadou Moustapha Ndiaye, ont bénéficié d’une mise en liberté provisoire à l’exception des autres qui sont en détention préventive depuis le 18 février 2019. Devant le juge, tous les accusés ont récusé les faits à l’exception de la détention illégale d’armes blanches sans autorisation. Un arsenal d’armes constitué entre autres de couteaux, machettes, battes de baseball et matraques électriques, qui a été scellé et exposé à la barre.
 
Moustapha Ndiaye chargé par ses coaccusés
 
Cependant, en dépit des dénégations nourries des accusés, notamment sur l’auteur du meurtre de Ibou Diop, certains propos de co-accusés ont convergé vers Moustapha Ndiaye, considéré comme étant l’auteur du coup fatal. Ces derniers ont-ils rapporté la vérité des faits ou ont-ils voulu se tirer d’affaire en enfonçant un co-accusé ? En tout cas, le procureur Demba Traoré s’est engouffré dans cette brèche, d’autant plus que ces déclarations ont été tenues depuis l’enquête, pour faire de Moustapha Ndiaye le bourreau de la victime. Quant à la sentence, il a sollicité à son encontre la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de Ibou Diop. A l’endroit de Ousmane Sidibé, lui aussi poursuivi pour meurtre, Pour le délit de coups et blessures volontaires, il a requis deux ans dont six mois ferme contre tous et une amende de 200.000 francs Cfa ; à l’exception de Mor Ba et Aly Dieng, contre qui il a demandé deux mois ferme pour détention illégale d’armes. C’est dire que si le tribunal suit cette voie tracée par le procureur, seul Moustapha Ndiaye va poursuivre son séjour carcéral. Tout ce monde sera édifié sur son sort le 2 juillet prochain, jour du délibéré. Auparavant, le maitre des poursuites, dans son réquisitoire, a écarté la légitime défense dans cette affaire et l’excuse de provocation. Il faut une attaque et une réaction proportionnée, dit-il, pour parler de légitime défense. Ce qui n’est pas le cas dans cette affaire, persuadé que la victime voulait aider son ami, en l’occurrence Cheikh Ndiaye, pris à partie par les éléments du Pur, et a été poignardé dans le dos.
 
Moustapha Ndiaye seul contre tous
 
Revenant sur les faits, Moustapha Ndiaye a nié tout de go à la barre. Même s’il reconnait avoir détenu un couteau et une matraque, il a contesté avoir poignardé la victime. Tout ce qu’il a fait, lors de cette altercation, c’était de faire replier ses partisans en se défendant devant la foule qui venait de partout. «Il y avait plus de 200 personnes, mais nous avions une bonne stratégie, sinon ils allaient nous tuer. C’est un traquenard posé, dit-il, par des individus irresponsables jaloux de la percée du Pur dans cette localité». Il a également tenté de faire porter le chapeau du meurtre du jeune Ibou Diop à des éléments du Pvd qui auraient infiltré les rangs de la coalition présidentielle. En tout cas, ces propos ont été battus en brèche par le procureur de la République, mais aussi par ces co-accusés. Serigne Moustapha Sall a révélé à la barre que Moustapha Ndiaye lui a avoué avoir poignardé une personne lors de la bagarre. Mieux, il avait les mains tachées de sang. Mouhamadou Moustapha Sène de révéler que Moustapha Ndiaye a pourchassé Ibou dans la ruelle près de la mosquée en construction avant de le faucher. Et, c’est lorsqu’il est tombé, que la victime était à terre, qu’il lui a administré des coups de couteau. Ousmane Sidibé, qui s’est dit témoin oculaire des faits, d’en rajouter une couche pour confirmer que c’est son co-accusé qui a poignardé la victime. En effet, il ne voulait rien dire lors de la première audition, car il voulait laisser le soin à l’auteur du coup mortel d’avouer son crime. C’est parce qu’il ne l’a pas fait qu’il est revenu sur ses propos pour dire la vérité. Des propos qui ont été corroborés par le témoin Issa Karamokho qui, même s’il n’a pas cité de nom, est revenu sur le film du meurtre. Et, la vidéo projetée à l’audience, Ousmane Sidibé dit formellement identifier Moustapha Ndiaye en train de poignarder la victime.     
 
La mère de la victime : arrêtez de tuer nos fils et nos filles, ça suffit
 
De son côté, la mère du défunt, Mariama Togo Guindo, partie civile dans cette affaire, n’a pas voulu formuler une demande de réparation. En effet, même si le défunt a laissé une épouse et un enfant de six ans, elle n’a pas été en mesure de fixer le montant des intérêts civils. Elle ne veut pas passer, dit-elle, pour une mère qui bat monnaie à la barre suite à la mort de son fils. Cependant, ses intérêts ont été réservés par le juge, le temps qu’elle en parle avec les ayants droit. Auparavant, la dame, badiénou Gokh dans son quartier, est revenue sur le jour du drame. Et, c’est pour révéler avoir pourtant joué les bons offices pour faire revenir la sérénité entre la famille de Mamadou Ndiaye dit Vieux et la sécurité du Pur, lors de la première altercation verbale. Ainsi, croyant que le problème était résolu, elle a été surprise d’apprendre que les jets de pierres avaient repris entre les deux camps et que son fils a été poignardé. «J’ai vu mon fils affalé sur le sol, gisant dans une mare de sang, les yeux ouverts. J’ai crié. C’est très douloureux. Mon fils a été poignardé dans le dos alors qu’il était sans défense. On ne peut pas me dire qu’il s’est auto infligé ces coups ?», se désole la dame qui n’était pas pourtant au bout de ses souffrances. En effet, elle a de nouveau vécu la disparition tragique de son enfant qui a été projetée en salle d’audience. Très affectée, elle a crié son amertume à la barre. «Il faut mettre un terme à ces séries de meurtres. Arrêtez de tuer nos fils et nos filles. Ces meurtres doivent cesser, il faut que ça cesse», s’indigne Mariama Togo.
 
Les victimes face à l’imputabilité des faits
 
Outre le défunt, il y a également eu également d’autres victimes durant cette bagarre et qui se sont constituées partie civile ; sans pour autant réclamer de dédommagements. Il s’agit des membres de la famille du responsable politique Mamadou Ndiaye dit Vieux, chez qui tout est parti. Parmi ces victimes, son fils, Cheikh Abdou Khadre Dieylani Ndiaye, qui s’en est tiré avec une Itt de 30 jours pour avoir reçu une batte de baseball à la mâchoire qui a occasionné la perte de ses deux dents. Djibril Kébé a lui aussi été victime d’un coup de couteau à l’épaule avec une plaie profonde qui lui a causé une fracture. Avec un certificat médical d’une Itt de 45 jours, il n’a pas été en mesure d’identifier son bourreau à la barre. Tout comme les autres victimes.
 
Me Etienne Ndione charge le parquet
 
Me Etienne Ndione, conseil de Ousmane Sidibé, considère que cette affaire est difficile à juger. A l’en croire, rien n’a été fait par la police scientifique qui était pourtant sur les lieux pour aider les juges. «On parle de prélèvements qui auraient été effectués, mais nous n’avons vu aucun résultat», s’indigne-t-il. S’y ajoute des vidéos amateurs floues où on ne peut rien voir. Même les parties civiles n’ont pas reconnu les assaillants. Ce qui lui fait dire que le défunt a été victime d’un système. «Tout le Sénégal savait que les candidats avaient des armes blanches sans autorisation. Quel est le procureur ou le gendarme qui s’est levé pour s’insurger ? Personne. C’est à la suite de la mort de Ibou Diop qu’on a décidé d’escorter les candidats par des gendarmes», martèle l’avocat qui se désole de constater l’absence de ces responsables politiques pour qui ces personnes se battaient.
Moussa CISS (Envoyé spécial à Tamba)
 
 

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