PUBLICATION DE SON RAPPORT ANNUEL 2020-2021: Amnesty international vilipende le Sénégal avec un tableau sombre de la situation des droits humains



 
 
 
Amnesty International a rendu public hier son rapport annuel 2020/2021. Selon l’organisation, la pandémie de coronavirus a révélé toute l’ampleur du terrible bilan des politiques délibérément créatrices de divisions et destructrices qui perpétuent les inégalités, la discrimination et l’oppression. En ce qui concerne le Sénégal, Amnesty International a indexé plusieurs violations des droits humains. Ces violations vont du recours à une force excessive par la police sénégalaise à la protestation de détenus contre les mauvaises conditions sanitaires, en passant par les atteintes à la liberté d’expression et de réunion, ou encore aux exactions perpétrées par des groupes armés. Le rapport, qui a également fait état de la résurgence du conflit en Casamance, revient également sur l’attaque du journal «Les Échos» par des membres du Dahira Moustarchidine wal Moustarchidati ou encore sur l’agression de la camerawoman de Dakaractu, Adja Ndiaye, par des policiers.
 
 
 
À l’image de tous les rapports publiés ces derniers temps sur les droits humains, le rapport annuel 2020/2021 d’Amnesty International n’a pas manqué de souligner la manière dont la crise sanitaire due à la pandémie de coronavirus a affecté les droits humains.
En ce qui concerne le Sénégal, Amnesty International est d’abord revenue sur le contexte dans lequel son rapport a été élaboré. À ce propos, l’organisation non-gouvernementale internationale liste : les modifications qui ont été apportées au Code pénal en janvier ; les atteintes sexuelles exercées sur des enfants ainsi que le viol, désormais considérés comme des crimes et non plus comme des délits avec des peines encourues plus lourdes.
Aussi, note Amnesty International, face à la pandémie de Covid-19, les autorités sénégalaises ont décrété l’état d’urgence en mars, ce qui leur a conféré des pouvoirs étendus pour gouverner sans contrôle parlementaire. Toujours sur le contexte dans lequel son rapport a été élaboré, l’Ong aborde également le dialogue national, notamment avec sa commission politique à travers laquelle le parti au pouvoir, l’opposition et des organisations de la société civile se sont retrouvés afin de réfléchir à des réformes relatives aux droits, à la liberté d’expression et de réunion pacifique. «La Casamance a connu une nouvelle vague de violences, qui ont pris la forme d’attaques contre des positions militaires et d’homicides ciblés», rapporte encore le document.
 
 
Mort d’un homme en garde à vue à Fatick
 
 
Amnesty International note aussi que les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive dans le maintien de l’ordre public. «En janvier, un homme est décédé en garde à vue dans la ville de Fatick après avoir été, semble-t-il, battu par la police. Les conclusions de son autopsie, selon lesquelles il serait mort de ‘’causes naturelles’’, ont suscité de violentes manifestations», dénonce le rapport, indiquant que les autorités ont ouvert une enquête sur les trois policiers soupçonnés d’être responsables de ce décès.
 
recours excessif à la force

 
 
 
Autre violation due au recours excessif à la force l’utilisation du gaz lacrymogène par la gendarmerie lors d’une conférence de presse tenue par des jeunes de Cap Skirring pour dénoncer le manque d’eau potable dans leur ville en mai 2020. L’Ong note qu’au moins deux participants ont été grièvement blessés à cause de cet incident. «En juin, quatre personnes qui manifestaient contre la démolition en 2013 de leurs logements, situés à Gadaye dans la banlieue de Dakar, la capitale, ont été blessées lorsque la police a dispersé leur rassemblement avec violence», ajoute-t-elle, avant d’aborder les cas de violations liés à la liberté d’expression et de réunion.
 
 
Saccage des locaux du journal Les Échos et agression de la camerawoman de Dakaractu
 
 
Ainsi, rappelle Amnesty, en juin, la police a arrêté Assane Diouf après qu’il a critiqué le gouvernement dans une discussion vidéo en direct. Cet homme était toujours en détention à la fin de l’année pour les charges d’outrage à agent, d’appel à un attroupement armé et d’injures publiques à travers le net. Alors que, poursuit l’Ong «en août, des membres de Dahiratoul Moustarchidine wal Moustarchidati ont mis à sac les locaux du journal Les Échos après la publication d’un article avançant que le chef de cette organisation religieuse avait contracté le Covid-19 ».  Toujours sur les violations liés à la liberté d’expression et de réunion, le cas de la camerawoman de Dakaractu Adja Ndiaye, qui a été agressée,  verbalement et physiquement, par des policiers à Dakar, alors qu’elle effectuait un reportage.
Il y a également les violations des droits humains liées aux conditions de détention à travers les prisons sénégalaises. Sur ce point, Amnesty International renseigne que les centres de détention étaient surpeuplés et le coronavirus n’a fait qu’aggraver les risques sanitaires pour les personnes incarcérées.
«En octobre, 10.804 personnes étaient emprisonnées au Sénégal, dont  052 en détention provisoire. Entre mars et septembre, les autorités ont libéré 3731 détenus dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19», lit-on sur le rapport. Aussi ajoute-t-il, «deux détenus sont morts de cette maladie à la prison de Thiès, ce qui a déclenché des grèves de la faim parmi la population carcérale». «Les grévistes réclamaient des tests à grande échelle. Au moins six personnes sont décédées, apparemment en raison de mauvaises conditions de détention, alors qu’elles se trouvaient en garde à vue ou qu’elles étaient détenues dans les prisons de Thiès et de Diourbel», vilipende encore l’Ong.
 
 
Des talibés soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements par leurs enseignants
 
 
Poursuivant, le rapport aborde la problématique des droits des enfants au Sénégal, notant qu’un projet de loi visant à réglementer les écoles coraniques n’avait toujours pas été approuvé par le Parlement. «Douze élèves de ces établissements auraient été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements par leurs enseignants. En février, un garçon de 13 ans a été battu à mort par son professeur dans la ville de Louga. En mars, la chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Dakar a condamné un maître d’école coranique à 10 ans d’emprisonnement», se réjouit Amnesty. Et d’ajouter que «dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les autorités ont annoncé avoir extrait 2015 enfants de la rue : elles en ont rendu 1424 à leurs familles et ont placé les autres dans des centres d’accueil publics».
 
Reprise des violences en Casamance
 
 
S’attaquant aux exactions perpétrées par des groupes armés, le rapport note que la Casamance a connu une reprise des violences. «En août, Hamidou Diémé, un ancien combattant du groupe armé Mouvement des forces démocratiques de la Casamance, a été tué par des hommes armés non identifiés à Diégoune, dans la région de Ziguinchor. À la fin de l’année, personne n’avait été traduit en justice pour cet homicide», vilipende encore Amnesty International.
 
 
 
Droits des personnes Lgbti
 
 
Alors que sur la question des droits des personnes Lgbti, Amnesty dénonce que des militants Lgbti ont fait l’objet de campagnes de diffamation et de menaces de mort. Ainsi, expliquant qu’aux termes du Code pénal, les relations sexuelles entre personnes du même sexe étaient passibles d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement, le rapport rappelle qu’en octobre, 25 hommes et adolescents ont été arrêtés lors d’une fête privée à Dakar. «Inculpés d’actes contre-nature, ils ont été placés en détention. Le 6 novembre, un tribunal de Dakar a condamné deux des adultes à six mois d’emprisonnement et cinq autres à trois mois. Les autres intéressés, y compris tous les mineurs, ont été libérés sans inculpation», note encore le rapport.
 
 
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
 
 
 
 
LES ECHOS

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