Hier, lors du procès du maire de Mermoz-Sacré-Cœur, Barthélemy Dias, le procureur de la Cour d’appel de Dakar a sollicité la confirmation de la peine de 6 mois d’emprisonnement ferme avec une amende de 100.000 F, infligée en première instance. Ce, après la requalification du délit d’outrage à magistrat en discrédit sur une décision juridictionnelle. Le maire socialiste a, lors de son audition, confirmé les déclarations qu’il avait tenues devant le premier juge. Le délibéré sera rendu le 12 décembre prochain.
Enormément de piques et beaucoup de répliques hier au tribunal, lors du procès en appel de Barthélemy Dias, entre les avocats de la défense, le juge et le Procureur général. Du fait de l’absence de certains conseils de la défense, à savoir Mes Demba Ciré Bathily, Borso Pouye et autres, Me Khoureichi Ba et Me Aliou Cissé ont demandé à la Cour, dès l’entame du procès, de renvoyer l’affaire. Refus catégorique du juge, qui soutient que l’affaire est en état d’être jugée. Arrivé en retard, Me El Hadji Diouf, a pour sa part sollicité un renvoi ferme pour plaidoirie. Pour convaincre le juge, Me El Hadji Diouf a déclaré n’avoir pas vu le jugement qui a été rendu à l’encontre de son client.
Me Khoureichi Ba boude
Me Khoureichi Ba prend la balle au rebond et déclare qu’il y avait quelque chose d’anormal dans le procès. Faux rétorque le, le juge qui estime que rien n’est anormal. La robe noire lui indique qu’en tant qu’avocat, il n’a même pas vu l’appel. Estimant qu’il y a un autre discrédit à part celui pour lequel on poursuit son client, Me Khoureichi Ba boude l’audience et s’assoit sur l’un des sièges réservé aux avocats. Malgré les demandes répétées de son client Barthélemy Dias de porter sa robe et de revenir à ces côtés, Me Khoureychi Bâ est resté campé sur sa position en boudant l’audience.
N’empêche, les débats se sont poursuivis avec le maire de Mermoz-Sacré Cœur, qui a tout réfuté. «J’ai toujours récusé toutes ses accusations. Je n’ai cité aucun magistrat. Pour l’appel à l’attroupement, poursuivre un acteur politique pour avoir tenu des propos demandant à la population de descendre sur le terrain, afin d’exercer un droit constitutionnel, c’est incompréhensible». Mieux, Barthélémy Dias assume que cet appel à manifester est toujours d’actualité. «Parce qu’il n’y a toujours pas de dialogue. Khalifa Sall est notre candidat à la présidentielle de 2019», soutient-il. Sur le jugement qui a été prononcé à son encontre, le maire de Sacré Cœur de marteler : «J’ai été condamné en avril dernier. Et je considère que cette décision est injuste. J’ai interjeté appel et c’est à quelques heures de ma libération qu’on m’a notifié que je devais répondre à une convocation devant la Cour d’appel. J’ai eu une déception et ma surprise a été grande lorsqu’on m’a informé que j’irai en appel, alors que j’ai épuisé la peine qui m’a été infligée. Pour le discrédit sur une décision juridictionnelle que j’ai fait par voie de presse, il n’y a aucun organe de presse qui a été condamné comme le prévoit le code pénal», déplore-t-il.
Barthélémy Dias maintient ses déclarations et assume tout
Barthélémy Dias de préciser : «Je suis désolé de dire que je ne suis pas poursuivi pour le délit de discrédit, mais pour mes humbles ambitions présidentielles. On est en train de me mettre dans une situation d’inéligibilité et on veut m’ôter à tout prix ce droit. Mais je n’ai pas encore présenté ma candidature et je me présente toujours devant ce tribunal. Je peux vous garantir qu’après les élections présidentielles de 2019, vous ne verrez plus nos visages, parce qu’il n’y aura plus d’enjeux. Ils sont en train de divertir les Sénégalais», indique Barthélemy Dias.
Aux questions du Procureur général sur ses propos traitant le Sénégal «de pays de merde» ainsi que des magistrats qu’il a traités «de prostitués», Barth lâche : «Je n’ai pas parlé de filles de joie. J’ai parlé de magistrature, je n’ai pas parlé d’un magistrat. J’ai parlé au sens figuré. Sur l’expression de justice de merde, j’ai caricaturé et je voudrais qu’on me cite dans le code pénal où est-ce qu’il est interdit de caricaturer. J’ai dit que cette décision qui a été rendue à l’encontre de Khalifa Sall était une décision de merde. Je vous ai dit que je confirme tous mes propos et je ne retire rien», a-t-il réitéré, avant de conclure en précisant qu’il voudrait être jugé pour retrouver son honneur.
Les plaidoiries entamées, Me Aliou Cissé d’expliquer que si les faits reprochés à son client sont punissables, tous ceux qui vont à la Cour d’Abuja allaient être poursuivis. Aussi, il a demandé l’infirmation de la décision rendue en première instance.
Pour Me Amadou Aly Kane, ces faits n’ont pas existé, parce qu’il n’y a pas d’actes matériels, ni d’éléments constitutifs de l’infraction. Il a sollicité le renvoi des fins de la poursuite sans peine, ni dépens. Me El Hadji Diouf d’ajouter : «on n’ose même pas le relaxer et on s’abstient de requalifier les faits d’outrage. Le juge ne s’est prononcé sur cette infraction alors que le discrédit est visé. C’est de la confusion. On doit le relaxer. Cette décision est inacceptable. Les propos tenus portent atteinte à l’indépendance de la justice et non à la sérénité des débats en phase d’appel. Tout est serein ici et rien n’a été perturbé. Je sollicite de rejeter ces arguments fallacieux. Je n’ai vu aucune infraction dans ce dossier et la relaxe s’impose pour tous les chefs», a plaidé Me Diouf.
Mes El Mamadou Ndiaye et Ndèye Fatou Sarr ont abondé dans le même sens.
Le Procureur général charge Barthélémy Dias
Faisant ses réquisitions, le Procureur général qui a demandé la confirmation de la peine n’y est pas allé en douceur. «Ce n’est pas parce que le co-directeur de Dakaractu n’a pas été poursuivi que Barth ne peut pas être poursuivi. La responsabilité pénale est individuelle et non collective. En plus, l’opportunité des poursuites revient au procureur. Il comparait seul devant cette barre, parce qu’il a été poursuivi en première instance pour outrage, discrédit et attroupement. Le premier juge a requalifié les faits parce qu’il ne pouvait pas être poursuivi sur la base de l’article 194 du code de procédure pénal. De plus les éléments constitutifs de l’art 194 n’étaient pas réunis et ils ne sont jusqu’à présents pas réunis. La liberté d’expression ne signifie pas dire ce que l’on veut. Les propos tenus par le prévenu sont injurieux. Ils portent atteinte à la justice et à l’autorité de la justice. Si on pouvait traiter ce barreau, ‘’de barreau de merde’’ ou les institutions pénales de ‘’merde’’, ce serait le chaos. Il a oublié, mais il a été poursuivi pour les mêmes faits en 2006, lorsque le procureur Lamine Coulibaly siégeait avec Demba Kandji comme juge. C’est vrai qu’il est engagé, mais il doit s’arrêter. Car sa liberté s’arrête là ou celle des autres commence. Je sollicite de requalifier l’outrage en discrédit sur une décision juridictionnelle… Ces faits qui lui sont reprochés n’ont pas été inventés. Je pense que le prévenu ignore la loi. Devant cette barre, il a continué à soutenir cet appel», a-t-il pesté.
En réplique au Procureur général, Me El Mamadou Ndiaye lâche : «on ne sait pas par quelle alchimie on a mis dans le plumitif d’audience que Barthélemy Dias a été condamné pour des faits similaires par le passé. Mais, après cette audience, nous irons consulter ce plumitif», assure la robe noire avant que le délibéré ne soit fixé au 12 décembre prochain.
Fatou D. DIONE