Ousseynou Sy campe toujours dans sa position, justifiant le fait d’avoir kidnappé de jeunes Italiens dans un bus d’école pour les Africains morts en mer. En audience hier, Ousseynou Sy a été confronté aux témoignages des parents des enfants et du rapport des psychologues. Pour certains enfants, c’est toujours un cauchemar sans fin.
Le procès du Sénégalais qui avait pris en otage un bus d’élèves se poursuit en Italie. Ousseynou Sy a été attrait à la barre hier dans une salle d’audience pleine à craquer. Hormis le public, il y avait aussi quelques enfants, victimes de cette tragédie, accompagnés de leurs parents. Alors qu’il avait fourni des arguments plus que surprenants lors de l’ouverture du procès, au mois de décembre 2019, Ousseynou Sy a remis cela sur la table. Tout d’abord il a souligné les conditions dans lesquelles il vit en prison depuis qu’il a été arrêté. «Je voudrais préciser que je suis enfermé derrière ces barreaux, en isolement cellulaire pendant dix mois», a dit Ousseynou Sy au juge. S’adressant aux parents et membres des familles des très jeunes élèves qui étaient dans le bus, «le psychopathe sénégalais», comme l’appelle la presse italienne, a justifié son acte. «Je vois beaucoup de mères ici, je vous invite à considérer les enfants morts en mer. J'ai fait ce geste pour eux», leur a-t-il déclaré. Croyant qu’il allait avoir, comme la fois précédente, une tribune tout à lui pour justifier son acte, Ousseynou Sy a été stoppé net par le juge Ilio Mannucci Pagini. Ensuite, parole a été donnée aux psychologues qui ont eu à consulter les parents et leurs enfants.
Pour les enfants, pas de retour à la normale
D'après les dépositions des proches et des enseignants des enfants impliqués dans le détournement, il est clair que les victimes, qui ont été kidnappées pendant des heures, ont subi un choc émotionnel déchirant. Pire, selon les psy, ces enfants ne sont pas en mesure aujourd'hui de revenir à la normale. Les élèves, disent-ils, souffrent d'anxiété, de manque de concentration, de troubles du sommeil, de pleurs et de dépression. «Il est difficile d’oublier l'histoire, malgré le fait qu'elle soit suivie par une équipe de psychiatres. Cela l’a beaucoup changée et elle a longtemps refusé la nourriture», a expliqué la mère d'une petite fille au juge. Le père d'un des enfants, exposé à la couverture médiatique, a signalé un comportement anormal de son fils : «La nuit, il ne dort jamais, il regarde le téléphone portable et parle seul, comme si c'était encore à la télévision. S'il s'endort, il rêve de tomber dans le vide d'un immeuble ou de mourir d'une manière tragique».
une blessure dont ils souffriront à vie
L'équipe de psychologues de poursuivre : «ce sont des pré-adolescents, un peu plus que des enfants (le cerveau arrive à maturité après 15 ans), la personnalité n'est pas formée, ils n'ont pas la capacité de synthétiser, ils restent plongés dans les émotions», soutiennent-ils. Et de poursuivre : «le traumatisme affecte le développement de la psychopathologie. Ils en subiront les conséquences pendant longtemps, c'est une blessure dont ils souffriront à vie et des traumatismes comme celui-ci sont capables de modifier la génétique et se transmettent aux enfants et petits-enfants». Après les interventions des psy, Ousseynou Sy a été alors sorti de l'audience et ramené en prison.
Samba THIAM