Moustapha Niasse surprend de plus en plus son monde. Depuis qu’il a décidé de soutenir Macky Sall contre vents et marées, l’homme du 16 juin a changé. Ses convictions ne traduisent plus ses actes. A l’Assemblée nationale, c’est lui qui ouvre le feu sur les détracteurs de Macky Sall. Quand il est absent, les débats sont toujours plus sereins. La plénière, bouclée samedi dernier, en est une illustration parfaite. Mais qui va sauver le soldat Niasse ?
«(…) L’esprit de responsabilité intègre aussi la volonté et la capacité de comprendre et de gérer la complexité des situations, la diversité des acteurs, l’évolution des données, tout en gardant le cap sur l’intérêt général». C’est en ces termes, inhabituellement sobres et pleins de sagesse, que Moustapha Niasse, le président de l’Assemblée nationale, s’était adressé à son auditoire, le 14 septembre 2017, lors de l’installation officielle des élus de la 13e législature. Des paroles pleines de sens. Qui appellent au choc des idées pour la formation de l’opinion publique. «Nous sommes prêts, sur le socle de cette diversité, à bâtir les bases d’une concertation permanente et d’un constant esprit d’ouverture et de dialogue, en sublimant le principe intangible du respect mutuel et de la considération réciproque. La XIIIe législature se conférera à elle-même l’identité remarquable d’un parlement décidé à travailler, avec sérieux et compétence. Pour cela, il devra allier l’efficacité à l’efficience et produire des lois qui soient utiles au progrès du peuple et, au surplus, travaillera dans la sérénité, dans l’élévation des idées et des actions, écho authentique d’une Institution démocratique favorisant l’expression libre de toutes les opinions, dans un élan constructif de tolérance mutuelle», avait ajouté Moustapha Niasse.
«Ku fii, thieupi thizeupi, hey waay, fii nexna waxéé»
Ce jour-là, tous ceux qui avaient écouté ce discours à l’Hémicycle ont apprécié. Tant le texte était beau et bien écrit. La rhétorique y était aussi. Et les mots posés à leur place. Après avoir déposé le micro et rangé les feuilles, des acclamations fusaient de partout. Moustapha Niasse est porté en triomphe. Députés de la majorité comme ceux de l’opposition ont cru retrouver un autre personnage aspirant, de manière inéluctable, au changement et à la rupture d’avec les pratiques de la 12e et de la première année de la 13e législature. Hélas ! C’était trop vite aller en besogne. Chassez le naturel, il revient au galop. Il n’est plus celui qui appelle au dialogue et au respect des diversités. Mais celui qui jette de l’huile sur le feu, enflamme l’opposition et bande ses muscles devant Toussaint Manga, Ousmane Sonko, Cheikh Bara Dolly et autres députés non-inscrits. «Fii, ku fii thieupi thieupi… Hey waay, fii nexna waxéé», a-t-il l’habitude de dire. Au lieu de calmer, c’est bien lui qui va au front et attaque les députés de l’opposition contre la politique de son mentor, dans Bby.
Règlement intérieur foulé aux pieds
Soit, en leur arrachant la parole. Soit en se payant le luxe permissif de les ridiculiser dans la langue de Molière, en invoquant quelques auteurs antiques, en témoin à son cursus universitaire, ses connaissances livresques et son goût démesuré pour la lecture. Ou tout simplement, en foulant aux pieds le règlement intérieur de l’Assemblée nationale (ce que lui reprochent et les députés de l’opposition). Au lieu d’être au-dessus de la mêlée, Moustapha Niasse ne se prive d’aucune occasion pour montrer son appartenance à Bby, à l’origine, parfois, des incidents de session.
Comme ce samedi, lors du dernier passage du ministre de l’Économie, des Finances et du Plan, Amadou Bâ. Il a seulement suffi que le président du Groupe parlementaire «Liberté et Démocratie» cite les articles 18, 31 et 68 concernant la prise de parole du président de l’Hémicycle, pour que Moustapha Niasse sorte de ses gonds. Convoquant à son tour l’article 69 du règlement intérieur de l’Assemblée, il se met à insulter, allant même jusqu’à traiter les députés de l’opposition de «lâches comparés aux ruminants». Mais il ne pouvait en être autrement. Niasse s’irrite pour tout et n’importe quoi.
Albino MANTANE