Symbole de l'injustice coloniale, le meurtre de sang-froid des tirailleurs sera le centre des débats à l'Assemblée nationale française le 4 novembre. En effet, des associations françaises et des élus ont publié une tribune qui est sur la table de la présidente de l'hémicycle française, Yael Braun Pivet, pour demander justice et reconnaissance officielle du massacre perpétré par le colon français le 1er décembre 1944.
Une tribune qui vient à son heure. Même si c'est 80 ans après le massacre de Thiaroye, les choses vont bouger à l'Assemblée nationale Française. A l'initiative d'une dizaine d'associations et de plusieurs élus français, une tribune a été lancée pour un appel à signature dont l'objet porte sur la reconnaissance officielle et la condamnation du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye, le 1er décembre 1944. "Certains combats n’ont ni couleur politique ni nationalité. Ils relient les frontières illusoires qui prétendent séparer les peuples et leurs aspirations. Portée par la société civile africaine et diasporique, la revendication de Vérité et de Justice, à la suite de nombreuses mobilisations et procédures, a permis la requalification de ce mensonge d’Etat", note le document dont nous avons obtenu copie. La tribune rappelle que le 18 juin 2024, l'État Français a annoncé l'octroi de la mention «Mort pour la France» à six tirailleurs sénégalais (quatre Sénégalais, un Ivoirien et un Burkinabè) tués lors du massacre de Thiaroye.
Pour la condamnation solennelle par la représentation nationale, avec procès en révision
Seulement, cette mention ne suffit pas aux yeux des élus français qui portent cette tribune. "Dans un contexte où la voix de la France est de plus en plus contestée par la jeunesse africaine, à l’occasion du 80e anniversaire de la Libération de la France et du drame de Thiaroye, nous demandons une reconnaissance officielle de cette tragédie emblématique des relations postcoloniales", disent-ils. Ainsi, les élus et associations françaises soulignent que la condamnation solennelle par la représentation nationale du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye le 1er décembre 1944, avec procès en révision diligenté par le garde des Sceaux et réparation aux descendants, est nécessaire pour mettre fin à la situation indigne qui perdure depuis trop longtemps et condamne des centaines de milliers de nos concitoyens, Français et Africains, à la relégation mémorielle.
Conférence-Plaidoyer en présence d’historiens, d’avocats… le 4 novembre prochain
"Cette initiative vise également à inscrire une journée de commémoration du massacre du 1er décembre 1944 à l’agenda des journées officielles et cérémonies nationales. Elle vise enfin à soutenir l’approfondissement du travail conjoint d’analyse de l’histoire commune avec les pays africains concernés afin d’accompagner l’aspiration de nos peuples à des relations bilatérales fondées sur la vérité et la justice", lit-on dans la tribune sur la table de la présidente de l'Assemblée nationale française. D'ailleurs, elle a acté que le lundi 4 novembre, à 15h, se tient, à l'Assemblée nationale, une Conférence-Plaidoyer en compagnie d’historiens, d’avocats, de parlementaires français et des représentations diplomatiques des pays africains concernés. Exactement 80 ans après l’embarquement à Morlaix, le 4 novembre 1944, des tirailleurs pour le Sénégal. "Face à l’urgence d’une géopolitique mémorielle respectueuse de la vérité coloniale et des exigences de réparation qui se lèvent en Afrique et en France, nous, associations, acteurs de la société civile et parlementaires, appelons d’une seule voix à la reconnaissance officielle et à la condamnation du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye le 1er décembre 1944", exigent les porteurs de la tribune.
Pour rappel, le 1er décembre 1944, des dizaines de tirailleurs sénégalais, trente-cinq soldats, selon la version officielle, plusieurs centaines, selon certains historiens, ont été exécutés sur ordre d’officiers de l’armée française au camp de Thiaroye. Présentés comme des « mutins », ces ex-prisonniers de guerre, originaires des anciennes colonies françaises d’Afrique de l’Ouest, réclamaient les rappels de solde. 34 tirailleurs seront jugés les 5 et 6 mars 1945 et condamnés à des peines allant jusqu'à 10 ans de prison et dégradation militaire.
Le 1er décembre 2014, François Hollande, en visite au Sénégal, a prononcé un discours dans l’enceinte du cimetière militaire du Camp de Thiaroye, dans lequel il reconnaît la faute de la France dans la fusillade qui a coûté la vie et remet les archives numérisées à l’État sénégalais suivant sa promesse de 2012. En évoquant «la répression sanglante», il n'a pas reconnu le massacre.
Samba THIAM