Ces jours-ci, les avocats de Ousmane Sonko n'arrivent pas à trouver le sommeil. La raison : c'est l'éligibilité de leur client à la présidentielle de 2024 qui est en jeu. Tout cela à cause de l'appel interjeté par le procureur de la République dans cette affaire de diffamation qui l'oppose à Mame Mbaye Niang. Le collectif des avocats de Ousmane Sonko a fait étalage hier, lors d'un point de presse, de ses craintes si toutefois le juge d'appel corse la peine infligée au leader de Pastef. Ce qui entraînerait, selon eux, son inéligibilité.
Le dossier qui oppose le leader de Pastef/Les Patriotes Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang est loin d'être clos. Le maire de Ziguinchor ayant été condamné le 30 mars dernier par le tribunal correctionnel de Dakar à 2 mois de prison assortis du sursis pour diffamation et à payer la somme de 200 millions à titre de réparation au ministre du Tourisme et des Loisirs, ses avocats peinent à trouver le sommeil. Car, outre l'appel interjeté par Mame Mbaye Niang, le collectif des avocats de Sonko est conscient que celui fait par le procureur de la République est plus «risqué» pour leur client. Redoutant le «syndrome de Khalifa Sall», les robes noires sont montées au créneau pour dénoncer le traitement spécial réservé à cette affaire. «Quelles que soient les hypothèses en place ou les déclarations et dépositions des uns et des autres, il s'agit tout simplement de le rendre inéligible. Khalifa Sall a été condamné le 30 mars 2018 à 5 ans de prison ferme. En juillet 2018, sa peine a été confirmée en appel et en décembre, la cassation est intervenue pour confirmer l'arrêt. En février ou janvier, sa candidature a été déclarée irrecevable. Nous avons très vite compris que la position de principe du parquet qui relève appel d'une décision qui oppose deux privés, c'était simplement pour essayer d'écarter quelqu'un de la course, parce que l'appel de la partie civile Mame Mbaye Niang ne peut porter que sur ses intérêts civils», a confié Me Bamba Cissé.
Ainsi, évoquant les craintes d'une aggravation de la peine de Ousmane Sonko en appel et qui conduirait à son inéligibilité, Me Cissé a souligné : «seul l'appel du parquet peut permettre de corser la peine. On passera donc de 2 mois à 3 mois. Et si on est à 3 mois, Ousmane Sonko ne sera plus candidat. S'il est condamné en appel à 3 mois, c'est-à-dire 1 mois de plus, il ne sera plus candidat. S'il est condamné à une amende supérieure ou égale à 200.000 F Cfa ferme, il ne sera plus candidat, si la cassation confirme la position de principe du juge d'appel. Donc, on est dans une pente dangereuse. Il ne faudrait pas qu'on utilise la justice pour rendre inéligible un adversaire politique».
Appelant aussi à respecter le calendrier judiciaire, la robe noire d'ajouter : «nous nous sommes amusés à revisiter ce matin le rôle, c'est-à-dire l'agenda des audiences de la Cour d'appel et nous nous sommes rendu compte que les affaires évoquées en audience dataient de 2 ans ou 1 an. Rares sont les affaires qui sont évoquées cette année et enrôlées, ça n'existe presque pas. Si on respectait le principe de l'enrôlement du dossier, personne ne peut avoir le temps d'invalider une candidature. Donc gérons les dossiers normalement, gérons les choses normalement. Malheureusement, il y a fort à craindre que dans les meilleurs délais, l'appel soit enrôlé, que la peine soit aggravée et que la cassation ne confirme cela pour qu'en définitive le président Ousmane Sonko ne soit pas candidat à la compétition électorale de 2024».
Le cas Barthélémy Dias
Pour étayer son argumentaire, Me Cissé a cité l'affaire de l'actuel maire de Dakar. «Le dossier de Barthélemy Dias est pendant presque 10 ans ou plus. Alors pourquoi veut-on, parce que simplement on veut écarter un adversaire politique de la part de la partie civile, faire accélérer les choses en quelques mois», a-t-il fustigé.
Son confrère Me Ousseynou Ngom, abondant dans le même sens, a réitéré qu’il s'agit-il d'un dossier qui a pour objectif de rendre inéligible Ousmane Sonko. Pour lui, le parquet a fait sciemment montre d’une volonté affichée de ne pas laisser le dossier à la disposition des avocats. Sur ce point, Me Amadou Diallo dira : «notre client, Ousmane Sonko, a été condamné sans procès. Tous ses droits ont été bafoués : son droit d'être assisté, son droit d'aller et de venir, le droit de ses partisans de l'accompagner. Il a toujours voulu comparaître pour se défendre». Pour qu'on parle de procès, dit-il, il faut l'existence d'un tribunal indépendant. «C'est la première fois que j'ai vu une telle composition du tribunal. Elle a changé à trois reprises. L'on nous dit que la partie civile et le parquet ont interjeté appel. On nous dit que la décision en première instance est disponible. Il y a un agenda qui est imposé à la justice. Une justice expéditive est une justice sous commande. La défense d’Ousmane Sonko a été amputée», s'est plaint le conseil.
Pour Me Massokhna Kane, le tribunal, en tenant le procès, ‘’a rendu service à Mame Mbaye Niang et au procureur’’. «Si mes collègues et moi avions plaidé, la procédure serait tout simplement annulée», a-t-il assuré.
Fatou D. DIONE