POUR UN CHAMP VENDU PAR 8 HERITIERS A MBAO, LA VILLA 218 D’UN DES HERITIERS SAISIE A OUAGOU-NIAYES: Expulsée, la famille Pouye passe plus de 40 jours dans la rue, avant de rejoindre la mairie de Biscuiterie sur demande du préfet



 
Après avoir vécu près de 60 ans dans la villa 218 de Ouagou-Niayes 2, la famille Pouye a été expulsée le 5 mars dernier, au terme d’une procédure judiciaire de 14 ans. En effet, même si la maison a été acquise en bonne et due forme par leur père, en l’occurrence Mamadou Seck Pouye, une transaction d’un champ appartenant à leur grand-père sis à Petit-Mbao a été à l’origine de cette humiliation. Ainsi, pendant plus de 40 jours, cette famille de plus de 20 personnes a vécu dans la rue, exposée au Covid-19, en cette période de lutte contre la propagation de cette maladie. Cependant, sur demande du préfet, ils ont finalement rejoint, provisoirement, ce samedi, la mairie de Biscuiterie. 
 
 
 
Se retrouver du jour au lendemain dans la rue, en cette période de couvre-feu et de propagation de la maladie du coronavirus. C’est le spectacle désolant que renvoie la famille Pouye de Ouagou-Niayes 2 depuis le 5 mars dernier. Les membres de cette famille ont été contraints d’élire domicile dans la rue, suite à une décision de justice qui les expulse de la maison de leur défunt père, en l’occurrence Mamadou Seck Pouye dit Abdou Karim Pouye. Ce dernier, explique sa fille Maguette Pouye, a acquis cette maison, la villa 218, à ses 25 ans et y a vécu pendant 58 ans avant de rendre l’âme en 2013. Ses héritiers dont ses deux épouses et ses 15 enfants, en plus de ses petits-fils occupaient jusqu’ici cette demeure. Au total, plus de 20 personnes vivaient dans la maison. Un acte d’autant plus affligeant que l’une des épouses du défunt, aujourd’hui d’un âge avancé (80 ans), est malade. Ainsi, ses enfants, pour ne pas l’exposer à cette humiliation, ont dû la confier au voisinage. Même la vulnérabilité d’un bébé de sept mois n’a pas empêché l’application de cette sentence par la partie civile. Chez Maguette Pouye, fille du défunt propriétaire de la maison, le désespoir est flagrant. «Nous sommes victimes d’une injustice sur le dos de notre défunt père. Je n’ai jamais imaginé que je vivrais un jour une telle humiliation. Jamais, je ne croyais que de telles pratiques prospéraient dans notre pays. Trois familles qui se retrouvent du jour au lendemain dans la rue, c’est inimaginable. C’est ce nous subissons dans ce pays dit de la Teranga. Et dire que nous avons les documents qui attestent que cette maison est bien la propriété de mon défunt père Mamadou Seck Pouye», narre la dame scandalisée qui estime que les autorités ne doivent pas rester sourdes à leur sort. 
 
 
Un champ à Mbao à l’origine du mal
 
 
Cette expulsion de la famille Pouye à Ouagou-Niayes 2 découle d’une succession d’évènements qui remonte à leurs origines dans le village lébou de Petit-Mbao. Et pour ressasser ce passé tumultueux, Maguette Pouye s’arme de foi, même si l’indignation et la résignation s’entrechoquent dans son récit. Tout est parti, révèle-t-elle, d’un champ qui appartenait à son grand-père paternel Gouye Guèye Pouye, né en 1867 à Mbao. Un champ hérité après son décès par ses fils au nombre de 8 dont Mamadou Seck Pouye dit Abdou Karim Pouye, son père, fils cadet, né en 1935. Mais, c’était l’ainé Mbor Pouye, chef de village à l’époque à Petit-Mbao, le dernier à avoir exploité le champ jusqu’en 2001. C’est au décès de celui-ci que les héritiers ont acquis un bail. Par la suite, la société Diprom, dirigée à l’époque par Ousmane Sèye, s’est présentée aux héritiers (au nombre de huit) de Gouye Guèye Pouye pour acquérir le terrain. Cependant, pour un terrain relevant du Domaine national, Diprom ne s’est acquitté que du paiement de peines et soins. Des impenses d’un montant de 40 millions francs Cfa par chèque libellé au nom d’un des héritiers, en l’occurrence Babacar Pouye. Lequel montant a été partagé entre eux, chacun ayant reçu 4,8 millions francs Cfa. 
 
 
Pape Niang, un propriétaire légitime ou un cheveu dans la soupe
 
 
C’est plus tard, à la surprise générale, qu’un certain Pape Niang plus connu sous le nom de Pape Ndiaga Niang (fils de A. M. Niang et de B. Cissé) s’est pointé chez la famille Pouye pour réclamer la paternité du champ. Pour prévaloir ses droits de propriété, il a brandi un titre foncier suite à une cession du champ à son défunt-père en 1984 par le gouverneur de Dakar d’alors, Ibrahima Kane. Une possession douteuse de l’avis de Mbor Pouye, fils du défunt Mamadou Seck Guèye propriétaire de la villa 218 de Ouagou-Niayes 2. «Comment le gouverneur de Dakar Ibrahima Kane peut offrir un terrain qui était la propriété de notre grand-père et occupé à son décès par son fils pendant 22 ans ?», s’interroge Mbor Pouye, victime de cette expulsion. 
A cette cession, il oppose un acte administratif dont il détient copie qui spécifie que le nouvel acquéreur devait construire sur le site en question sous peine de caducité de l’acte au bout de deux ans. Et le sieur Niang, encore moins son père, fait remarquer Mbor Pouye, «n’ont jamais mis les pieds sur le champ en question, a fortiori venir réclamer ce terrain. C’est paradoxal», dit-il. Poursuivant, Mbor Pouye estime que le gouverneur n’avait nullement le droit d’offrir ce terrain. Pire, ajoute-t-il, «on fait état d’un titre foncier (Tf), ce qui est faux. Le champ, traversé par un lac, est un terrain non immatriculé (Tni) qui relève du Domaine national», renchérit notre interlocuteur. 
 
 
Sur 8 héritiers, seul Mamadou Seck Pouye fait l’objet de poursuites judicaires
 
 
Suite à l’irruption de ce nouveau propriétaire, Maguette et Mbor Pouye ne comprennent toujours pas que seul leur père fasse l’objet de poursuites judiciaires sur huit héritiers qui ont empoché les 40 millions. En tout cas, une procédure a été mise en branle contre leur père Mamadou Seck Pouye, accusé d’avoir vendu le champ. Un aveu qui découlerait des propos de leur père à l’enquête préliminaire devant les gendarmes en 2006. En clair, Mamadou Guèye avait endossé la responsabilité de cette vente. «Ce qui est archifaux», fait remarquer Mbor Pouye, qui rappelle que son père, jusqu’à sa mort en 2013, s’est toujours défendu contre cette tentative de spoliation. Toujours est-il que la suite de cette procédure judiciaire n’a pas été en faveur de la famille Pouye. Si, en première instance, le juge a tranché en faveur de la famille Niang, l’appel interjeté par la famille Pouye a obtenu infirmation du premier jugement. Seulement, le jugement définitif a confirmé le jugement d’instance en faveur de la famille Niang. Une décision assortie du remboursement des impenses ainsi que des dommages et intérêts. Au total, Mamadou Seck Pouye dit Abdou Karim Pouye a été condamné à payer au plaignant la rondelette somme de 101 millions francs Cfa. 
 
 
Un commandement de saisie réelle six mois après la mort de leur père
 
 
Ainsi, après que toutes les voies de recours ont été épuisées par la famille Pouye, le plaignant a signifié au prévenu, de son vivant, un commandement de saisie réelle qui marque la procédure de saisie immobilière. Après un temps de répit, la partie civile est revenue à la charge avec un autre commandement de saisie réelle, six mois après la mort de prévenu Mamadou Seck Pouye. C’est ainsi que la villa 218 a été vendue à 30 millions à la partie civile en audience des Criées. Plus tard, en 2018, Pape Niang a obtenu un ordre d’expulsion auquel la famille Pouye a opposé un référé sur difficulté. Néanmoins, un an auparavant, le nouvel acquéreur avait déjà obtenu son titre foncier sur la villa 218. De l’avis des héritiers de Mamadou Seck Pouye, la famille Niang se serait rendue aux impôts et des Domaines pour écraser le titre foncier initial à son profit à leur insu. 
Ainsi, un nouvel ordre d’expulsion a été présenté aux héritiers qui ont encore opposé un référé sur difficulté. Mais à la date du 5 mars dernier, le nouveau maitre des lieux s’est présenté avec un huissier de justice, le commissaire de Grand-Dakar ainsi que le commandant pour jeter cette famille dans la rue. Et, n’eut été le calme et le professionnalisme dont a fait montre le commandant de Grand-Dakar, ça allait dégénérer à Ouagou-Niayes 2.
 
 
Après plus de 40 jours dans la rue, la famille Pouye rejoint la mairie de Biscuiterie sur demande du préfet  
 
 
Pourtant, pour éviter cette déconvenue, la famille Pouye a fait des pieds et des mains auprès des autorités lébous, notamment le grand Serigne de Dakar, Abdoulaye Makhtar Diop, qui avait pris fait et cause pour la famille Pouye, en plus de les mettre en rapport avec des avocats. N’empêche, ils n’ont pas eu gain de cause. Aussi, à la suite de cette occupation illégale de rue en cette période de coronavirus et de couvre-feu, le préfet de Dakar, en compagnie du sous-préfet de Grand-Dakar et du commandant de Grand-Dakar, se sont présentés vendredi vers 19 heures chez les Pouye pour les inviter à quitter la rue. Il leur a été proposé de rejoindre provisoirement la mairie de Biscuiterie. Ce qu’ils ont accepté. En attendant des lendemains incertains, la famille Pouye n’entend pas lâcher prise. 
 
 
M. CISS & Marième NDIAYE

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