OCCUPATION ILLÉGALE A LA BAIE DE KAKALAM: «Ce sont les autorités elles-mêmes qui violent la loi, parce que personne ne doit avoir l’autorisation de construire ici»



 
 
Le collectif pour la défense de la baie de Kakalam (Mermoz) est sur le pied de guerre. Et pour cause, elle entend en découdre avec les privés qui sont en train de s’accaparer de la plage, qui reste l’une des rares plages publiques de Dakar. Très remontés, Mame Mbaye Diop et Cie, qui se sont attaché les services d’un pool d’avocats et ont signé une pétition de 800 membres, en veulent aux autorités qui donnent des autorisations de construire, alors que la loi sur le domaine maritime public interdit formellement ces constructions. 
 
 
La baie de Kakalam (entre Radisson Blue et le pont à hauteur du siège d’Atepa) est aujourd’hui l’une des rares plages publiques de la ville de Dakar. Une plage fréquentée par des populations venant de tout Dakar. «Dakar n’a pas d’espaces verts. Elle étouffe et les gens ont tendance à aller vers les plages. Et il n’y en a plus beaucoup. Si on se réfère à la pétition qu’on a lancée avec déjà 800 signataires, les populations de 24 communes viennent ici. Il y a deux écuries de lutte et deux équipes de Beach Soccer qui s’entrainent ici, sans compter les artistes et naturellement les pêcheurs», a informé d’emblée Mame Mbaye Diop, secrétaire général de l’association pour la défense de la baie de Kakalam. Qui souligne qu’ils luttent sur deux fronts : contre la population, mais aussi et surtout contre les constructions anarchiques qui se multiplient et empiètent de plus en plus sur la plage. «Personne n’a le droit d’agresser la plage. Et si on laisse faire, il n’y aura plus de plage de Mermoz. Ce sera comme la plage des enfants au niveau de Terrou-bi qui est maintenant privatisée. Ici, les gens sont en train de faire tomber la falaise et de rogner sur la plage, qui se rétrécit de jour en jour. Les grosses pierres qu’ils laissent tomber sur la plage vont finir par le remplir et on ne pourra plus la fréquenter. En réalité leur but est de chasser les gens de la plage pour se l’accaparer». 
Mame Mbaye Diop est d’autant plus ulcéré que les constructions en cours violent la loi. «Dans notre combat, nous nous basons sur la loi, qui est claire. Au niveau du domaine maritime, il faut au minimum 100 mètres de distance entre les constructions et là où se cassent les plus hautes vagues. Et cette distance est imprescriptible. Personne n’a le droit de construire à moins de 100 mètres à partir de la falaise. Mais les gens ont dépassé même le front de la falaise et avancent sur la plage et ne sont qu’à une vingtaine de mètres de l’eau», explique-t-il. Non sans cogner sur les autorités qui à ses yeux sont coupables. «Ce sont les autorités elles-mêmes qui violent la loi, parce que personne ne doit avoir l’autorisation de construire ici. Mais les gens vous montrent des papiers en bonne et due forme», regrette-t-il. 
 
«Ils cassent la stabilité de la falaise. La conséquence est que les constructions qui sont aux alentours vont tôt ou tard se fissurer ou pire, s’écrouler»
 
 
Abondant dans le même sens, le Docteur Dia, qui dirige l’association, déclare : «même s’il ont des autorisations, ils n’ont pas le droit  d’accaparer la plage, notre plage, c’est de l’occupation illégale. C’est un domaine public». Et de souligner le danger que constituent ces constructions inappropriées sur les lieux. «Chacun sait qu’ils ne sont pas en train de déplacer des roches pour construire des cases. Avec ces travaux, ils cassent la stabilité de la falaise. La roche est compacte, il suffit de faire bouger un élément pour entamer sa stabilité. Ces rochers que vous voyez-là vont finir dans l’eau. La conséquence est que les constructions qui sont aux alentours vont tôt ou tard se fissurer ou pire s’écrouler», soutient l’environnementaliste. Qui ajoute : «nous avons droit à un environnement sain. C’est un droit garanti par le code de l’environnement et la nouvelle Constitution. Nous avons constitué un pool d’avocats. Nous allons porter plainte au niveau de l’Anam, car le domaine maritime dépend du ministère de la Pêche», affirme le spécialiste qui note qu’ils sont des «citoyens assez murs» et qu’ils vont «se battre légalement». Ils ont même fait arrêter les travaux pour un mois. Mais les travaux ont repris malgré la descente sur les lieux des services compétentes de l’Etat (Anam) et même de la gendarmerie pour faire arrêter les travaux, mais en vain. Dès lors, le Dr Diop lance un appel à tous les usagers de la plage, à la communauté léboue, car la baie de Kakalam est aussi un lieu de culte lébou, mais aussi les autres associations qui luttent pour la préservation du littoral.
 
Mbaye THIANDOUM

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