«Nous avons été très déçus de notre compagnonnage avec Amadou Bâ»
«Ce sont des hommes inexpérimentés, vindicatifs qui font de la revanche»
«Le Pm veut dire qu’il est le messie que tout le monde attendait… il s’adjuge toutes les prérogatives, une erreur qu'il apprendra à ses dépens»
«Ce régime s’achemine directement vers la dictature, ... je ne dis pas que ce sont des nazis, mais ils empruntent le même chemin»
Nicolas Ndiaye, secrétaire général de la Ligue démocratique (Ld) prépare déjà sa succession. L’ancien parlementaire de la 14ème législature a manifesté la déception de son parti de son accompagnement avec Amadou Bâ lors des législatives. Nicolas Ndiaye annonce un bilan de ces élections pour pouvoir se projeter sur les joutes électorales à venir. Se prononçant sur les huit mois de gestion du nouveau régime, il estime que le président Diomaye et son gouvernement n’ont pour le moment posé aucun acte mais sont dans le populisme total. Il a regretté aussi l’attitude du Premier ministre qu’il estime vouloir s’arroger le costume du messie qui va régler tous les problèmes des Sénégalais. Il a aussi dénoncé les sorties maladroites de Directeurs généraux et du Premier ministre sur les nominations du président de la République.
Les Echos : Comment se passe la vie après la pratique parlementaire ?
Nicolas Ndiaye : Je vis normalement comme je vivais avant d’être parlementaire. Bien-sûr qu’être parlementaire avait un avantage. Ma voix était audible, la voix de mon parti était plus audible. Nous allons au niveau de la Ld adopter une politique communicationnelle plus agressive. C’est-à-dire que nous allons nous investir dans les réseaux sociaux, multiplier les sorties dans les médias et faire entendre notre voix.
Avec votre absence à l’Assemblée, ne regrettez-vous pas votre choix porté sur la liste d’Amadou Bâ lors des législatives ?
Nous ne regrettons pas notre compagnonnage avec Amadou Bâ. Nous sommes à l’étape d’évaluation des législatives. Nous n’avons pas eu tout ce que nous attendions. D’abord, nous ne pouvions plus aller avec Macky Sall en élection pour différentes raisons qu’il est inutile de retracer. Nous étions contre le report, contre la loi d’amnistie… Nous voulions avant les législatives un vaste front qui regrouperait toute l’opposition. Malheureusement ceux qui étaient avec Macky n’en voulaient pas. C’est ainsi que le pôle de gauche est allé avec Amadou Bâ. Nous voulions allumer une dynamique dans laquelle tout le monde serait. Nous avons été très déçus de notre compagnonnage avec Amadou Bâ. Très déçu des investitures. Malgré tout, nous nous sommes engagés dans la campagne. Après le bilan, nous allons dégager des perspectives.
Comment appréciez-vous la gestion de l’actuel régime après dix mois au pouvoir ?
Nous le prévoyions. Le nouveau pouvoir n’a rien fait sinon un chapelet de vœux pieux et des annonces. Ils n’ont pas encore posé les jalons pour faire quelque chose. Ça ne nous surprend pas. Un pays ne se construit pas par des paroles. Un pays ne se construit pas dans le manichéisme. Ils vont se rendre compte que chez eux, tout n’est pas bon et avec le temps, ils vont se rendre compte que ceux qu’ils qualifient de mauvais ne le sont pas tous. Depuis qu’ils sont au pouvoir, il n’y a aucune structure nouvelle qui a été créée. Ils se basent sur les structures créées par Macky Sall. C’est un régime populiste. Pire, ils sont en train de vouloir tuer la liberté d’expression. C’est le cas de Bah Diakhaté et de Moustapha Diakhaté qui ont été emprisonnés alors qu’à mon humble avis, ils n’ont pas fait ce qui mérite la prison. Ils veulent aussi asphyxier la presse libre et indépendante. C’est peine perdue parce que la presse a joué un grand rôle pour les alternances.
Quelle appréciation faites-vous des contestations de hauts responsables de Pastef des nominations du président ?
C’est du jamais vu. C’est une première. Je n’ai jamais vécu un moment ni vu de Dg contester publiquement des décisions du président de la République. Ceci montre qu’ils ne sont pas des républicains. C’est inadmissible de voir de hauts responsables et même le Premier ministre, contester sur la place publique des décisions du président de la République. Ils confondent le parti et la République. A l’intérieur de leurs organes, de manière discrète, ils peuvent discuter et même contester. Mais au niveau de la République, ils n’ont pas le droit. Ils fragilisent l’autorité du président de la République qui ne leur appartient pas. C’est des populistes. Ils confondent le parti et la patrie. Ils confondent le parti et la République. Ousmane Sonko veut dire qu’il est le messie que tout le monde attendait. C’est du messianisme dans le temps et dans l’espace. Il est là, il pense qu’il peut régler tous les problèmes, il s’adjuge toutes les prérogatives. C’est une erreur monumentale et il l’apprendra à ses dépens.
L’élection de El Hadji Malick Ndiaye à la tête de l'Assemblée nationale vous -a-t-il surpris ?
Non, cela ne me surprend pas. Je savais que Ousmane Sonko resterait à la Primature. Il ne voudra pas s’éloigner des centres de décision. Ce que j’ai trouvé bon, c’est le fait qu’un mal voyant et qu’un handicapé soient députés. Il y a aussi l’invitation des anciens présidents de l’Assemblée nationale. Leur majorité va leur obéir au doigt et à l’œil. On aura pire que ce qu’ils reprochaient à la majorité mécanique. Un budget en démocratie doit être voté avec débat, mais pour celui de 2025, ils l’ont fait sans débat. C’est un recul démocratique. C’est la première fois dans l’histoire du pays. Et le Premier ministre n’a pas la politesse d’aller à l’Assemblée nationale pour engager le gouvernement. C’est incorrect et antidémocratique. Ce régime s’achemine directement vers la dictature. Je ne dis pas que ce sont des nazis, mais ils empruntent le même chemin. S’il ne revient pas à la raison, il va échouer dans ce domaine.
Que pensez-vous des révélations dans l’affaire présumée des 125 milliards de Farba Ngom ?
Je n’y croirais que lorsque je verrai les preuves. Aujourd’hui, ils font circuler le nom de Farba Ngom. On n’a pas de preuve et on détruit la réputation d’un honnête père de famille sans apporter les preuves. Ils ont aussi dit qu’on a falsifié des chiffres sans avoir le rapport de la Cour des comptes. Ils mettent toujours la charrue avant les bœufs. Il y a tellement d’annonces sans preuves. Malheureusement, ce régime populiste n’est pas dans les choses sérieuses.
La vieille garde politique est envoyée à la retraite, partagez-vous cette position ?
Les partis traditionnels ne sont pas allés à la retraite. En politique, il n’y a pas de retraite. Maintenant, quand on n’atteint un certain âge, on n'a plus la même dynamique. On n’a plus la même fougue mais on gagne en expérience. C’est le mariage des générations qu’il nous faut. Yoro Deh est d’une autre génération, mais nous discutons du parti. Moi-même, je serai bientôt du troisième âge, je vais me retirer. Mais je ne vais pas abandonner le parti. Un autre plus jeune me remplacera. Nous commençons à discuter. Un autre plus jeune sera à la tête du parti.
Avez-vous déjà en tête un jeune qui vous succédera ?
Ce n’est pas moi qui choisis, mais c’est le parti qui va décider d’une manière démocratique et souveraine qui va me remplacer à la tête du parti. Le parti n’est pas mon patrimoine.
Baye Modou SARR