Bassirou Diomaye Faye sera installé aujourd’hui dans sa fonction de président de la République, deux semaines après avoir recouvré la liberté au bout de 11 mois de détention provisoire. Une trajectoire politique qui épouse le passé colonial de son terroir. Un peuple vaillant qui a farouchement combattu l’occupant avant d’être défait et contraint à une proposition de paix le 25 mars 1889. Ironie du sort, 135 ans plus tard, jour pour jour, un fils de cette bourgade sérère accède à la magistrature suprême. Cerise sur le gâteau, la date historique du 25 mars coïncide d’avec son anniversaire.
L’élection de Bassirou Diomaye Diakhar Faye comme cinquième président de la République du Sénégal le 24 mars dernier a mis son terroir, Ndiaganiawe (Ndiaganiao), sous le feu des projecteurs. Une bourgade sérère devenue commune nichée dans le département de Mbour dans le Centre-ouest du Sénégal, dans la région historique du Baol. En effet, au-delà de l’élection de Bassirou Diomaye Faye, Nidiaganiao renferme toute une histoire. Une histoire écrite notamment durant la période coloniale avec beaucoup de ressemblances sur la trajectoire politique du fils de ce terroir devenu président de la République. Et, c’est Jacques Pouye, auteur du livre « Thiès et les Sérères : Retour à la source », édité par Harmattan et paru le 23 mars 2022, qui livre un pan de ces faits marquants de l’histoire de Ndiaganiao. Un peuple opprimé qui s’est farouchement opposé à l’occupation coloniale, avant de consentir des sacrifices pour vivre en paix.
Pour rappel, les Sérères du Jegemb et Joobaas s’étaient coalisés pour former une armée puissante qui a donné du fil à retordre aux colons, notamment dans leur position de Pout. Dans un passage à la page 149, l’auteur rapporte : « Depuis l’époque de l’attaque du poste de Pout, les Sérères Noon et les Joobaas avaient renforcé leurs attaques contre les intérêts vitaux des Français dans la région, semant la terreur et la mort aux environs de leur terroir pillant et assassinant les oppresseurs français et leurs complices nègres assoiffés de pouvoir. Pour sortir de cette situation, le gouverneur décida de s'emparer du Jegemb en vue d'affaiblir la bonne position des résistants Sérères de Thiès. Après une bataille sanglante, les Français réussirent à séparer le Jegemb et le Joobaas, le 23 mars 1889 » ; le Journal de marche de l’expédition daté du 25 mars 1889 le relate comme suit : « Journée du 25 mars 1889 : colonne partie de Ndofane, arrivée à Ndiaganiawe, riche village qui s’est signalé par de nombreux assassinats.
Quelques notables, sous conduite traitants viennent faire proposition de paix. J’exige 12 otages choisis parmi les chefs de famille, mais j’attends vainement exécution leur promesse et fait prisonniers une quinzaine d’individus d’hommes et femmes me serviront otages ». Depuis cette proposition de paix à Ndiaganiawe s’est écoulé près d’un siècle et demi. Ironie du sort, ce village jadis opprimé qui a combattu énergiquement avant d’être affaibli au point de faire une proposition pour la paix va donner au Sénégal son cinquième président, 135 ans plus tard, jour pour jour. Un parallélisme entre ces faits survenus à Ndiaganiao avant que la paix des braves ne soit actée le 25 mars 1889 entre les autochtones et le colon, et le fils du terroir Bassirou Diomaye Faye qui a été lui aussi victime d’injustice pour son engagement politique et envoyé en prison pendant 11 mois, avant de recouvrer la liberté à 10 jours de la présidentielle suite à la faveur d’une loi d’amnistie du président de la République sortant. De la prison, il sera porté à la tête du pays.
Autre coïncidence, le 25 mars est aussi jour anniversaire du nouveau président élu Bassirou Diomaye Faye. Pour rappel, l’ouvrage qui ouvre ses colonnes à Ndiaganiao est un produit de recherche qui retrace les origines du Noon, la migration, l’historique des implantations et cohabitation avec les autres peuples et les luttes d’autodétermination. Une contribution de l’auteur pour intégrer l’histoire Noon dans l’Histoire générale du Sénégal. C’était le vœu de feu Iba Der Thiam qui avait promis de préfacer ce livre, malheureusement décédé avant la parution.
Moussa CISS