Me ALIOUNE BADARA CISSE MET MACKY SALL DEVANT SES RESPONSABILITES «Parlez avant qu’il ne soit trop tard… »



 
Alors que le pays est secoué par une vague de manifestations violentes, le chef de l’Etat brille par son silence. Une attitude que n’approuve pas le médiateur de la République. Pour Me Alioune Badara Cissé, Macky Sall doit parler au peuple et à la jeunesse pour arrêter l’escalade. Il demande surtout que l’on arrête de pointer des terroristes ou des djihadistes et que l’on arrête de menacer les jeunes et de vouloir les terroriser, parce que ça ne marchera pas. Dénonçant un Sénégal à double vitesse, il est évident pour Me Cissé qu’un jour ou l’autre, le couvercle allait sauter.
 
 
Le silence du chef de l’Etat face aux évènements dramatiques qui secouent le pays depuis plusieurs jours inquiète Me Alioune Badara Cissé. Suffisant pour qu’il élève la voix pour l’inviter à sortir de sa bulle. «Monsieur le Président de la République, il est extrêmement important que nous renoncions à cette ferveur qui semble nous habiter, lors qu’en des moments comme celui-ci, nous sommes beaucoup plus poussés par la chicotte que par l’écoute. (…). C’est votre parole que le peuple attend. C’est votre parole que le peuple veut entendre. Les Sénégalais d’ici et d’ailleurs veulent vous entendre. Pourquoi diable ne parlerait-on? Vous avez cette capacité de pouvoir vous faire entendre auprès du peuple. Faites-le, avant qu’il ne soit trop tard», a martelé d’emblée le médiateur de la République. Qui ajoute : «nous ne sommes pas meilleurs que les autres qui nous ont confié leur destin. Nous avons l’obligation de rendre compte, non pas seulement en période électorale, mais manière régulière, lorsque les secousses font tanguer le navire».
 
«Nous ne sommes pas meilleurs que les autres qui nous ont confié leur destin»
 
Pour lui, il est d’autant plus important pour Macky Sall de parler au peuple et à la jeunesse que personne d’autre qui porterait sa parole ne pourra le faire avec succès. «On aura tout essayé ; on se serait agité, mais si vous ne prenez pas les choses en main, il n’y aurait aucune suite favorable. Vous avez dû vous en rendre compte, par ceux-là qui ont été délégataires de votre mot».
 
 
«Pour faire de la surenchère, on nous a fait comprendre qu’il y avait des terroristes, qu’il y avait des djihadistes…»
 
Pour le médiateur, «ça va dans tous les sens, et nous sommes au bord de l’apocalypse». Et comme si cela ne suffisait pas, il note que «pour faire de la surenchère, on nous a fait comprendre qu’il y avait des terroristes, qu’il y avait des djihadistes (derrière les manifestations violentes de ces derniers jours)». Même si, pour lui, la question de la présence de djihadistes dans le pays «n’est pas nouveau».
 
 
«Il y a un Sénégal à double vitesse… Il était prévisible qu’il arriverait un moment où le couvercle sauterait»
 
 
Soulignant que cette situation de chaos dans le pays était prévisible, Me Alioune Badara Cissé dénonce une certaine manière de gestion des affaires publiques qui laisse beaucoup de gens, notamment les jeunes, sur le carreau. «Je l’ai crié partout, il y a un Sénégal à double vitesse. Un Sénégalais à part entière et un Sénégalais entièrement à part. Ce n’est pas tenable. Il était prévisible qu’il arriverait un moment où le couvercle sauterait. Et si on n’y prend garde, le couvercle va sauter tellement haut qu’on aura du mal à le rabattre sur la casserole. Qui serait perdant ? chacun d’entre nous», explique-il. Et d’enfoncer le clou : «on ne nous a pas confié ce pays pour que nous croisions les bras, pour voir et observer ce pays aller en déliquescence». Poursuivant, il note que l’ambition de la seconde alternance était que les autorités puissent répondre avec «compassion et tendresse» aux préoccupations de ceux qui, il y a bientôt 12 ans, leur avaient confié leur sort, pour former avec eux «un même peuple avec le même but et la même foi». Mais aujourd’hui, son regret est énorme. «Je dois avouer avec vous que nous nous sommes écartés de cette voie. Nous nous sommes écartés de cette finalité et demain, quand le moment viendra de rendre compte, nous serons mal barrés pour paraître fiers», reconnait-il.
 
 
 
«On ne peut pas faire semblant de ne pas se voir. Vous avez nommé un médiateur que vous avez l’obligation de solliciter…»
 
Par ailleurs, le médiateur n’apprécie sans doute pas que le chef de l’Etat fasse comme s’il n’existait pas, surtout dans ce contexte qui touche bien à sa mission. «On ne peut pas s’ignorer. On ne peut pas faire semblant de ne pas se voir. Je suis suffisamment gros pour être visible à l’œil nu. Que vous sachiez qu’il y a une médiature que vous avez mis en place ; qu’il y a un médiateur que vous avez nommé, et que vous avez l’obligation de solliciter lorsque le pays tangue dans le domaine de sa compétence», assène-t-il.
Mbaye THIANDOUM
 
 
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