MOUSTAPHA FALL «CHE» : «Le Président n’a pas à informer avant d’agir»



Moustapha Fall Che ne semble pas en vouloir au président de la République qui, sans consulter la majorité au préalable, va dans les prochains jours supprimer le poste de Premier ministre. Défendant le chef de l’Etat contre tout le monde, il dit que le président de la République ne peut pas se mettre là à expliquer toute décision. A la longue, il ne sera même plus président de la République. Dans cet entretien, il dit également ce qu’il pense des gens qui contestent les choix du Président, ses camarades de Macky 2012. Des élections locales du mois de décembre prochain et de ce que le Président Macky Sall leur a confié en réunion de la conférence des leaders.

 

 

Les Echos : Que pensez-vous de la suppression prochaine du poste de Premier ministre ?

 

Moustapha Fall Ché : La suppression du poste de Premier ministre n’est pas une première. On l’a fait plusieurs fois, ici, au Sénégal et ça obéit à des contextes, à des situations. Dans un premier temps, avec Senghor, on sortait d’une crise, celle de 62 avec Mamadou Dia. Ensuite, Abdou Diouf l’a expérimenté deux fois. Donc à trois reprises, on a supprimé le poste de Premier ministre et toujours, c’est compte tenu d’une situation nouvelle qui se présente à nous. Donc si aujourd’hui Macky Sall veut le faire, cela obéit aussi à une situation. Ce deuxième et dernier mandat de Macky Sall, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, sera un mandat très très compliqué. Très difficile. Très, très difficile, parce que nous sortons d’un mandat de 7 ans ; on avait largement le temps en 7 ans. Maintenant, ce temps est comprimé en 5 ans et les ambitions sont beaucoup plus nombreuses encore. Parce que ce deuxième mandat va, d’une part, parachever les objectifs du premier mandat et d’autre part, préparer l’après Macky Sall. Donc, c’est un mandat très difficile. Il nous faudra beaucoup de travail. Il nous faudra beaucoup de temps et malheureusement, on n’a pas le temps, parce que c’est 5 ans. Il n’est donc plus question de perdre du temps. Voilà pourquoi on a institué le mode fast-track. On a frast-tracké tous les dossiers. On va fast-tracker le travail. Voilà pourquoi il faut supprimer le poste de Premier ministre. Demain, un autre Président peut le faire revenir, mais nous, nous avons besoin de travailler vite et bien.

 

Mais certains déplorent le fait que le président de la République n’en ait jamais parlé…

 

Le président de la République a été élu par le peuple sénégalais. Il n’a pas à informer avant d’agir. Même pour le dialogue, il y va de son bon vouloir, mais nulle part dans la Constitution, on n’a institué le dialogue. Il n’est écrit nulle part que pour prendre une décision, quelle que soit la gravité ou la grandeur de cette décision, le président doit consulter qui que ce soit. Non ! Il le fait quand il le veut. On prend les décisions en fonction des contextes, il y a des contextes qui n’exigent pas qu’on informe sur la décision à prendre. Si on continue dans ce registre, il doit m’informer, il doit m’informer, à la longue, il ne sera plus un Président.

 

Pour parler de décisions, dans le camp du pouvoir, beaucoup de ses partisans de la première heure ne lui pardonnent pas de les avoir écartés du gouvernement, n’ont-ils pas quelque part raison ?

 

Ceux qui ne sont pas d’accord avec ces décisions n’ont qu’à subir. Parce qu’ils n’y peuvent rien. C’est le Président qui les avait mis à ces positions-là, s’il décide de les enlever c’est son droit. Le président de la République est une émanation du peuple sénégalais, s’il prend des décisions, il faut l’accompagner ou subir cette décision. En ce qui me concerne, en tout cas, je ne suis pas fou ; je sais ce que c’est que la politique et je sais ce qu’est un président de la République. Les décisions qu’il prend, jusqu’à présent, rencontrent mon consentement. Je n’ai pas de contradiction avec lui par rapport à ça. Et si, par exemple, il a fait quitter certains du gouvernement, c’est son droit le plus absolu.

 

Donc, vous n’êtes pas d’accord avec vos camarades de Macky 2012 qui disent qu’ils ont encore été laissés à quai ?

 

Jusqu’à présent, Macky 2012 ne s’est pas prononcée. Aucune instance régulière de Macky 2012 ne s’est prononcée. Jusqu’à présent, ce que nous sommes en train de faire, c’est de subir les décisions du président de la République, parce que nous sommes des alliés exclusifs du président de la République. On travaille pour lui. Macky 2012, c’est sa propre coalition. C’est lui qui l’a bâtie, qui l’a tissée. Si le Président ne nous prend pas dans son gouvernement, ce n’est pas grave. Nous n’avions pas signé avec lui pour qu’il nous mette dans un gouvernement. En ce qui me concerne, en tout cas, ce n’était pas ça. On peut travailler à n’importe quel niveau. On peut rendre service à tous les niveaux. L’idéal, c’est qu’il prenne au niveau de Macky 2012, parce que la coalition compte des compétences, mais s’il pense que c’est ailleurs qu’il les veut, il n’y a aucun problème. Jusqu’à présent, dans les instances régulières de Macky 2012, aucune protestation ne s’est faite. Nous subissons la situation. Nous l’acceptons et nous allons l’accompagner dans ces décisions.

 

L’actualité, c’est aussi le report (agité) des élections locales de décembre prochain. Quelle est la position de Moustapha Fall Che sur cette question ?

 

Vous avez raison de dire «agité» parce que ce n’est pas encore décidé. Là où on l’avait agité, j’étais présent. C’est au niveau de la conférence des leaders avec le président de la République. Mais, il n’avait pas pris une décision ferme. Il avait tenu compte de beaucoup de situations. Si on tient coûte que coûte à tenir les locales le 1://2 er://2  décembre://2 , on risque d’être forclos sur certaines situations. Mais le Président a dit que le report des locales ne sera fait que sur consensus avec l’opposition. Ça ne sera possible que si l’opposition le suit dans ce sens. Sinon, il ne va pas reporter.

 

 

Donc, il est possible que les élections soient organisées au mois de décembre prochain ?

 

Oui, c’est possible, comme c’est possible aussi qu’on les reporte jusqu’au mois de janvier.

 

Pour parler des alliés du Président, quel commentaire vous inspire la position de Me Ousmane Sèye qui pense que sa coalition n’a pas été rétribuée à la mesure de son engagement ?

 

Me Sèye est libre. Il a toujours été comptable des positions du Président, je suis témoin de ça. J’étais présent quand il le disait. Mais il ne l’a pas dit pour que ça se retrouve au niveau de la presse et puis cela montre comment nous travaillons avec le Président. On n’est pas là pour lui jeter des fleurs ou autre, le caresser dans le sens du poil. Me Sèye, je l’ai entendu dire cela. Un autre aussi avait dit qu’il n’est pas d’accord avec les choix du Président. Personnellement, je suis d’accord avec lui ; si demain je ne le suis pas, je le lui dirai, mais intra-muros. D’ailleurs, c’est ce que Me Sèye a fait. On a fuité ce qu’il a dit pour que cela se retrouve au niveau de la presse. Mais c’est dans une instance privée qu’il l’a dit. Ce n’était pas destiné à la presse. C’est ce qui est dans le communiqué qui devait être sorti.

 

 

 

Madou MBODJ


LES ECHOS

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