La sortie du professeur Moussa Seydi sur le manque d’oxygène dans les Cte avait suscité la peur. Mais le Dr Moussa Ahmet Daff, Directeur de l’hôpital Dalal, Jamm ne partage pas cet avis car, selon lui, en plus de sa centrale d’oxygène, son hôpital est ravitaillé en bouteilles d’oxygène par le ministère de la Santé et il passe des commandes, au besoin, auprès d’autres concessionnaires. En tout état de cause, le constat général, c’est que les cas graves se multiplient de jour en jour et les décès vont crescendo.
Les Echos : Des usagers se sont plaints d’un certain manque de rigueur à l’hôpital Dalal Jamm. Selon eux, malgré la recrudescence des cas de Covid-19 et de grippe, pendant les jours de fête et certains week-ends, on n’y trouve que les vigiles. Que répondez-vous à cela ?
Moussa Ahmet Daf : Je ne sais pas sur quoi ils se sont basés pour distiller cette fausse information, mais tous les services de l’hôpital fonctionnent normalement, tous les jours. Par exemple, quand vous avez un enfant malade, vous venez à n’importe quelle heure à la pédiatrie on le prend automatiquement en charge. Mais il se trouve que notre service des urgences a été transformé, avec l’épisode Covid-19, en unité de prise en charge, une zone tampon où des malades qui viennent sans tests Pcr attendent le temps qu’on leur fasse le test. Toute la journée, on prend tous les malades, mais à partir d’une certaine heure, on arrête parce qu’on ne peut pas continuer à prendre du tout venant. Un système de régulation piloté par le Samu qui évalue l’état clinique du malade a été mis en place depuis le début de la pandémie et si le malade est positif, le Samu voit d’abord avec le Centre de traitement des épidémies s’il peut accueillir le malade en question, sinon il l’envoie vers un autre centre de traitement comme le nôtre.
Vu l’évolution très rapide de la 3ème vague, il semblerait que certains centres de traitement dédiés au Covid-19 ne peuvent plus accueillir de malades. Est-ce le cas à Dalal Jamm ?
Actuellement (ndlr vendredi) nous sommes à 82 malades confirmés ; 12 cas suspects qui se trouvent dans la zone tampon et qui attendent d’être édifiés sur leur statut ; 4 en réanimation et 54 sous oxygène médicale. Il faut savoir que l’hôpital a à peu près 80 lits, même si durant la première et la deuxième vague nous étions jusqu’à 300, mais il fallait confisquer en quelque sorte les autres services. Pour le moment, nous essayons de gérer dans la mesure du possible et il n’y a pas encore de grand problème. Hier par exemple (ndlr jeudi), nous avons fait une césarienne à une femme atteinte de Covid-19 et le bébé est sain et sauf. Et ce n’est pas la première, mais la 3e dans ce genre. Vu son degré d’implication dans la gestion du Covid-19, l’hôpital Dalal Jamm a fini par être catalogué d’hôpital de Covid-19 comme presque tous les hôpitaux qui disposent de Cte. Nous avons tous constaté la virulence de cette 3ème vague, mais il est tout aussi vrai qu’il existe d’autres pathologies qui nécessitent une prise en charge d’urgence ; donc nous demandons aux malades de ces pathologies en question de bien vouloir se tourner vers les autres hôpitaux qui n’ont pas de Cte. Le système est unique et indivisible. Quand certains mettent le focus sur le Covid-19, d’autres peuvent se concentrer sur les autres maladies.
Depuis quelque temps, le professeur Seydi lance des alertes sur un manque d’oxygène dans les Cte. Quelle est la situation aujourd’hui à Dalal Jamm ?
Je ne sais pas ce qui ce passe à Fann, mais dans notre hôpital, nous avons une centrale d’oxygène que nous couplons avec les bouteilles d’oxygène que le ministère de la Santé met à notre disposition. Nous commandons aussi des bouteilles d’oxygène auprès de nos concessionnaires qui ont signé une convention avec le ministère. Cela veut dire qu’il y a de l’oxygène. Les malades sont pris en charge dans la mesure du possible. Actuellement, 54 malades sont sous oxygène, ce qui constitue plus de 50% des lits occupés.
Toutes les communications autour de cette 3ème vague nous présentent une situation alarmante qui risque de dégénérer à tout moment. Alors, pouvez-vous nous dire à peu près l’état de gravité de la situation, vous qui êtes au cœur de cette gestion du Covid-19 depuis le début ?
Il faut d’abord déplorer le relâchement noté, qui nous a encore conduits dans cette situation que nous connaissons tous. Les autorités sanitaires n’ont pas cessé d’inviter tout un chacun à se protéger et à protéger les siens, mais hélas. Heureusement, jusque-là, la situation est gérable, elle est encore sous contrôle, mais si cela continue, nous risquons d’être très débordés surtout que présentement certaines cliniques refusent de prendre des malades de Covid-19 parce qu’elles ne connaissent pas ou ont peur de la maladie. Il y a aussi les patients qui nous viennent dans un état très avancé de la maladie, parce que n’ayant pas très tôt réalisé ce qui leur arrivait. Malgré tout cela, le personnel de santé est encore debout, prêt à faire son devoir, mais il faudrait que la population elle-même prenne conscience de ce qui se passe réellement. Il faut qu’elle soit notre relais de combat contre le Covid-19 en nous aidant à éliminer la chaîne de transmission avec le respect des mesures barrières. Aidez-nous à vous aider.
On entend souvent des cas de contamination au niveau du personnel des Cte, est-ce une défaillance dans leur protocole de protection ?
Oui, nous avons du personnel infecté, mais il n’est pas dit qu’ils ont chopé le virus dans les centres de traitement. Ce sont des Sénégalais comme vous et moi qui, après le travail, regagnent leurs domiciles. Ils peuvent donc être contaminés n’importe où. A l’hôpital, ils sont surprotégés même et ils respectent les mesures édictées. Ici à Dalal Jamm, nous en avons actuellement une quinzaine, toutes catégories socio-professionnelles confondues ; il y a parmi ces derniers du personnel soignant mais aussi du personnel administratif, et ils sont tous pris en charge. Et malgré cela, nous ne rechignons pas à entrer dans les Cte pour apporter assistance à nos concitoyens, mais faudrait-il encore qu’on nous aide vraiment à rompre la chaîne de transmission le plus rapidement possible, parce qu’il y a d’autres pathologies aussi compliquées que le Covid-19 qui nous attendent également. N'oublions pas qu’il y a le cancer, l’hypertension, le diabète et tant d’autres qui méritent elles aussi beaucoup d’attention et d'efforts.
Parlons de vos patients atteints de cancer. La machine de radiothérapie est très souvent déclarée en panne ; alors comment faites-vous pour prendre en charge correctement ces malades du cancer ?
Il est très normal qu’une machine tombe en panne. Ça rentre dans le cycle de vie d’un équipement. C’est comme une personne qui vit, qui tombe malade qui est en convalescence et qui guérit. L’essentiel, c’est qu’à chaque fois, il y ait une réponse adéquate et on trouve une solution pour que la prise en charge ne soit pas stoppée. Même quand la machine tombe en panne, les malades sont pris en charge sans un franc de plus.
Ndèye Khady DIOUF