MAUVAIS TRAITEMENTS DE PERSONNES EN SITUATION DE DÉPLACEMENT: L’Organisation mondiale contre la torture crève l’abcès dans son rapport 2020/2021



 
L’Organisation mondiale contre la torture (Omct) a publié son rapport de 2020-2021 sur les travaux de recherche réalisés par les membres du groupe de travail sur les questions de la migration et des droits humains dans leurs pays respectifs. Le rapport intitulé «les routes de la torture – le cycle d’abus contre les personnes en situation de déplacement en Afrique», documente les schémas, la prévalence et les risques de torture et autres mauvais traitements, avant la fuite et le long de certaines routes de migration en provenance d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique, vers l’Afrique du Nord. Il n’aborde pas en détail les conditions des routes qui traversent le désert du Sahara ou la Méditerranée.
 
 
 
Les personnes qui empruntent les routes, sont confrontées à une violence continue, commise par des acteurs étatiques et non-étatiques, aussi bien dans leurs pays d’origine que pendant tout leur périple. Et selon le rapport, les assassinats illégaux, la violence sexuelle et fondée sur le genre, l’extorsion et la discrimination, sont monnaie courante. Sans compter la torture et les autres mauvais traitements qui sont omniprésents.
Les mesures de contrôle de la migration basées sur la dissuasion, le confinement et la criminalisation, ont poussé de nombreuses personnes dans les mains de passeurs et les ont rendues plus vulnérables face à la violence et à l’exploitation. «Les rapports faisant état de travail forcé et d’esclavage, de personnes asphyxiées dans des camions surpeuplés, kidnappées pour des demandes de rançon, arrêtées dans des conditions inhumaines et jetées depuis des bateaux ou abandonnées dans le désert, abondent», peut-on lire dans le rapport de l’Omct.
Il reste d’importants défis à relever pour identifier rapidement et permettre à la réadaptation des migrants ayant survécu à des actes de torture dans le contexte de mouvements mixtes. «Cette tendance est particulièrement préoccupante, étant donné que d’après le rapporteur spécial des Nations-Unies, 76% des migrants en situation irrégulière ont été soumises à des actes de torture et autres mauvais traitements, ce qui équivaut à un total alarmant d’environ 7 millions de victimes/survivants dans le monde», révèle le document.
Aujourd’hui, de plus en plus de personnes à la recherche d’une protection internationale, de sécurité et de dignité, se déplacent par le biais de canaux irréguliers par manque de routes migratoires sûres, légales et accessibles. Et bon nombre de ces mouvements sont de nature mixte (mouvements mixtes) et dépendent souvent de passeurs et de trafiquants.
 
140 pays pratiquent la torture et les mauvais traitements, les responsables d’exécutions extrajudiciaires indexés
 
Selon Amnesty international, plus de 140 pays pratiquent la torture et d’autres formes de mauvais traitements, qui sont des facteurs clés de migration forcée. Et les témoignages recueillis aux fins de la présente recherche au Tchad, au Niger, au Mali, au Kenya et en Ouganda révèlent que de nombreuses personnes en situation de déplacement dans ces contextes fuient la torture et les autres formes de mauvais traitements, souvent en lien avec un conflit armé. Les forces de sécurité d’Etat et des acteurs armés non étatiques, y compris des groupes terroristes, seraient responsables d’abus généralisés de civils, y compris d’exécutions extrajudiciaires, de torture et de violences sexuelles.
Les réfugiés du Soudan du Sud représentent 60% des réfugiés en Ouganda (plus de 900.000). La grande majorité a probablement subi de flagrantes violations des droits humains et du droit humanitaire international depuis l’éclatement du conflit armé au Soudan du Sud en décembre 2013, qui a eu des conséquences dévastatrices sur la population civile, et infligé des souffrances à des millions de personnes. En 2016, Amnesty international a documenté les graves et importantes répercussions de la guerre au Soudan du Sud sur la santé mentale des personnes déplacées internes, en décrivant le pays comme «une nation traumatisée. Alors que les violences armées ont diminué suite à l’adoption de l’accord revitalisé pour résoudre le conflit au Soudan du Sud en septembre 2018, toutes les parties au conflit ont continué à perpétuer d’odieuses violations des droits humains dans une impunité presque totale.
 
Burkina Faso, point de passage obligé des migrants, qui se détournent du Nord du Mali à cause de l’insécurité
 
Les tendances actuelles dans les routes migratoires indiquent que les migrants originaires d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale traversent généralement le Mali et/ou le Niger avant de tenter de traverser le Sahara. Au Mali, les migrants passent généralement par Bamako pour gagner Tombouctou ou Gao avant de se rendre en Algérie ou au Niger et ensuite en Libye. Gao demeure un important point de transit, mais de récents rapports laissent entendre que l’augmentation des risques pour la sécurité dans le Nord du Mali a poussé de nombreuses personnes à changer d’itinéraire pour gagner la Libye ou l’Algérie en passant par le Niger, et non plus par le Mali. En raison de ce changement, le Burkina Faso se situe désormais à la convergence de plusieurs routes, réunissant des personnes venant de pays à l’ouest (Sénégal, Gambie, Guinée) et au sud (Côte-d’Ivoire, Ghana).
 
Le trafic illicite de migrants alimente les réseaux criminels, les risques sur les routes de la migration
 
Le Haut conseil des réfugiés (Hcr) a indiqué qu’en 2020 que les risques auxquels sont exposés les migrants d’Afrique de l’Ouest et de l’Est et de la Corne de l’Afrique se déplaçant sur vers l’Afrique du Nord englobent la mort, la violence sexuelle et fondée sur le genre, la traite, les sévices physiques graves et les enlèvements contre rançon, les risques de détention, la mort ou les blessures dans les conflits, et l’arrestation et l’expulsion. L’Omct et ses partenaires ont reçu de multiples témoignages d’abus physiques, notamment, de coups, blessures et de recours à des chocs électriques, souvent liés à l’extorsion par des acteurs de l’Etat. Tout comme par des acteurs non-étatiques sur les routes. A cause du trafic illicite de migrants, les individus sont à la merci des réseaux criminels, qui agissent souvent de connivence avec les agents préposés à la surveillance des frontières.
Tous les Etats doivent s’abstenir d’adopter des lois telles que les lois générales de criminalisation de la mobilité, des pratiques et autres mesures collectives de type «pushback», qui violent de façon flagrante la dignité humaine des migrants. Les migrants et les personnes en situation de déplacement doivent être traités dans la dignité. Lors de l’élaboration et la mise en œuvre des politiques migratoires, les organes étatiques et autres parties concernées devraient faire de la lutte contre la torture et autres mauvais traitements une priorité transversale. En matière de migration, toutes les lois, les politiques et les pratiques devraient intégrer l’objectif de lutte contre la torture ou lancer une stratégie de protection évidente.
 
Vieux Père NDIAYE
 
 
LES ECHOS

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