Deux ans après le meurtre de 14 jeunes dans les émeutes de mars 2021, quatre autres familles ont décidé de porter plainte contre l’Etat. Une décision accompagnée par Amnesty International qui compte saisir la Cedeao et le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies.
Dans le cadre de la commémoration du deuxième anniversaire des événements tragiques du mois de mars 2021, qui ont fait, selon un bilan officiel, quatorze (14) morts, les familles, les avocats et les organisations des droits humains ont fait face à la presse pour réchauffer le dossier qui semble être au point mort. Une situation décriée et dénoncée par le secrétaire exécutif d’Amnesty International, section Sénégal, Seydi Gassama. Selon lui, certaines familles qui avaient opté de ne pas porter plainte contre l’Etat ont finalement décidé de se joindre aux autres 4 familles pour rétablir la vérité. «Quatre familles ont déposé des plaintes auprès du Doyen des juges et auprès du procureur du Tribunal de grande instance de Dakar pour le meurtre de Cheikh Wade ; et une autre plainte déposée à Kolda pour le meurtre de Sadio Camara, ce jeune tué à Diaobé par la gendarmerie. A Sédhiou, pour le jeune Baldé qui a perdu un bras à Dianamalari. Il y a un an de cela, la famille de Cheikhna Ndiaye a déposé une plainte auprès du juge d’instruction. Pour le cas de Cheikh Wade, aucune action d’instruction n’a été posée. Nous allons introduire quatre nouvelles plaintes de quatre autres familles qui nous ont saisis. Nous formulerons avec les avocats une plainte collective auprès de la Cour de justice de la Cedeao. Nous sommes entrés en contact avec le Comité des droits de l’homme de l’Onu qui sera saisi pour les meurtres causés lors des manifestations durant ces dernières années», annonce Seydi Gassama, qui ajoute : «nous avons aussi aidé les familles de victimes de juillet 2022 à déposer des plaintes».
Amnesty Internationale, Raddho et la Ligue sénégalaise des droits humains d’enchaîner : «nous allons continuer à nous battre jusqu’à ce que les partenaires soient informés de l’impunité dont jouissent les forces de défense et de sécurité. Nous allons faire en sorte que tous les chefs des Fds qui sont responsables des agissements des Fds soient privés de mission des Nations-Unies. Toute personne qui viole les droits de l'homme n’a pas le droit de servir sous les drapeaux des Nations-Unies», fait savoir Seydi Gassama.
Après l’approche de quatre autres familles qui viennent désormais porter le nombre à huit familles, les droits de l’hommistes invitent les autres familles à se joindre à eux. «Nous espérons que toutes les familles viendront se joindre aux autres. Récemment, en Casamance, il y a des familles qui nous ont contactés parce qu’elles veulent porter plainte. Au lendemain des émeutes, des représentants de l’Etat les ont approchées pour les dissuader de porter plainte. Nous attendons d’ici deux mois à ce que toutes les familles décident de porter plainte pour enclencher la procédure. Certaines familles ont été déçues de ne pas être reçues par le chef de l’Etat comme convenu», note-t-il.
Témoignages
Prenant la parole aux noms des familles de victimes, Abdoulaye Wade, frère aîné du défunt Cheikh Wade, est revenu sur les péripéties de l’après décès de son frère, avec le comportement des éléments de la Dic à l’hôpital Idrissa Pouye de Grand-Yoff. «Une fois à l’hôpital, ils m’ont demandé de prendre le corps et de m’en aller. Je leur ai fait savoir qu’il me faut d’abord le certificat du genre de mort et savoir ce qui y est écrit avant de prendre le corps. Ce sont les agents de la Dic qui ont voulu se débarrasser très vite de moi et du corps. Ils nous ont entendus et après, aucune suite ni évolution. N’eût été l’activiste Abdou Karim Xrum Xaax, j’allais perdre le dossier parce que je l’ai remis à un soi-disant avocat que je venais de voir pour la première fois. Les vidéos sont claires. Et grâce à elles, tout le monde sait que c’est un agent de la police des Parcelles Assainies qui a tiré à bout portant sur mon frère », raconte-t-il.
Abdoulaye Wade d’assurer : «cette affaire, nous la poursuivrons jusqu’au bout, je n’écarte pas d’aller en prison ou mourir, parce que je défends les droits de mon jeune frère», fait-il savoir.
Baye Modou SARR