
Après plusieurs décennies de compagnonnage, Barthélemy Dias a décidé de couper le cordon ombilical entre lui et son mentor. Une décision qui ne ravit pas certains de ses désormais ex-camarades. C’est le cas de Mamadou Léopold Mbaye, qui regrette la tournure des choses, mais dit aussi respecter le choix de leur ex-« commando » tout en lui souhaitant une bonne chance dans sa nouvelle trajectoire. Néanmoins, le fils de feu Babacar Mbaye réaffirme son engagement auprès de son leader et papa Khalifa Sall et assure que Taxawu survivra puisqu’il a déjà traversé des épreuves bien plus rudes.
Les Échos : c’est qui Léopold Mbaye ?
Léopold Mbaye : Je suis Mamadou Léopold Mbaye, militant de la première heure de Taxawu Sénégal et président de la commission scientifique de la Jeunesse nationale de Taxawu Sénégal. Mon engagement est total aux côtés du président Khalifa Ababacar Sall, convaincu que Taxawu incarne la meilleure alternative pour refonder notre République. Je me bats chaque jour pour faire vivre cet idéal, au service d’un Sénégal plus juste, plus démocratique et plus souverain.
Comment appréhendez-vous l’annonce du départ de Barthélemy Dias de Taxawu Sénégal ?
Je prends acte de sa décision, avec lucidité. C’est une page politique qui se tourne, pas un affrontement. Barth a été un acteur important du projet Taxawu, il s’est battu à nos côtés, mais il a choisi de suivre une autre voie. C’est son droit. Je respecte son choix, même si je le regrette. Je lui souhaite bonne chance pour la suite, mais je reste convaincu que c’est au sein de Taxawu que se joue l’avenir du pays.
Qu’est-ce qui, à votre avis, a poussé Barth à prendre une telle décision ?
L’histoire politique est faite de trajectoires. À un moment donné, Barthélemy Dias a estimé qu’il était temps pour lui de suivre un autre chemin. Il a des ambitions, il veut porter sa voix autrement, et c’est son droit. Son ambition est légitime et je lui souhaite sincèrement bonne chance. Nous prions pour lui. Cela dit, je reste convaincu que ce combat, il aurait pu et dû le mener au sein des instances de Taxawu Sénégal. C’est dans le dialogue interne, dans la confrontation des idées, que naissent les candidatures fortes et légitimes. Le mouvement avait l’espace pour cela.
N’est-il pas frustré par l’attitude de Taxawu par rapport à sa déchéance à la mairie de Dakar ?
Ce qu’il a vécu à la mairie de Dakar n’était pas seulement une attaque contre sa personne. C’était une atteinte grave à l’expression du suffrage universel et un coup porté à l’encontre de tout Taxawu Sénégal. Nous l’avons tous ressenti, et nous l’avons tous subi. Taxawu, dans son ensemble, a toujours dénoncé cette décision injuste. Le président Khalifa Ababacar Sall a été le premier à monter au créneau. Nous avons organisé des assemblées générales, des rassemblements populaires et pris position publiquement pour dénoncer cet acharnement. Personnellement, j’ai été parmi les premiers à m’engager pour défendre Barthélemy Dias. Et je ne pense pas qu’il y ait un seul militant de Taxawu qui se soit réjoui de sa déchéance. Cette mairie, nous nous sommes battus ensemble pour l’avoir. Depuis 2009, notre combat a été de garder Dakar entre les mains de Taxawu. Ce n’est pas aujourd’hui que nous allons combattre Barthélemy ou nous désolidariser de lui.
Est-il vrai que c’est à cause des rumeurs sur son départ de Taxawu que vous ne vous êtes pas suffisamment impliqué dans son combat contre le régime ?
Non, ce n’est pas le cas. Mon engagement ne dépend ni des rumeurs ni des dynamiques internes. Lorsqu’une injustice frappe un camarade, surtout dans un contexte aussi grave que la déchéance d’un maire élu, je me suis toujours senti concerné. J’ai apporté mon soutien, comme beaucoup d’autres, en interne comme publiquement. Et je tiens à le dire clairement : Taxawu Sénégal, dans son ensemble, s’est mobilisé pour Barthélemy Dias. Nous avons dénoncé l’injustice, organisé des rassemblements, pris position. Il n’y a pas un seul responsable ou militant sincère de Taxawu qui se soit réjoui de sa situation, ni de son départ. Nous avons mené ce combat ensemble, dans l’unité.
Son désir de se présenter à la Présidentielle de 2029 est un secret de polichinelles, Khalifa accepterait-il de lui confier les rênes de Taxawu ?
Taxawu n’est ni un bien personnel, ni un héritage à transmettre. C’est un projet politique collectif, organisé autour d’instances légitimes et guidé par des principes démocratiques clairs. Il ne s’agit donc ni d’un pouvoir à déléguer, ni d’une faveur à accorder.
Khalifa Ababacar Sall, fidèle à ses convictions, n’imposera jamais un candidat. Le choix de celui ou celle qui portera notre projet en 2029 se fera dans le respect des règles internes, avec la base, à travers un débat transparent et démocratique.
Comme je l’ai souvent dit, Barthélemy Dias avait toutes les cartes en main pour conquérir l’appareil de Taxawu de l’intérieur, en s’appuyant sur la base, en consolidant le mouvement. Il aurait pu naturellement s’imposer. Mais cela exigeait un travail politique patient et structuré, au sein même des instances. Et c’est précisément cela qui fait la force de Taxawu : une organisation vivante, autonome, et fidèle à ses principes.
Nd. Kh. D. F
Certains pensent que le départ de Barthelemy Dias va porter un coup dur à Taxawu…
Le départ de Barthélemy Dias est évidemment un moment fort. C’est un leader qui a marqué notre parcours, et son absence laissera une empreinte. Mais Taxawu Sénégal a déjà traversé bien des tempêtes. En 2017, nous avons vécu l’épreuve de l’incarcération injuste de Khalifa Ababacar Sall, et subi de nombreux départs. En 2019, notre choix de soutenir la candidature d’Idrissa Seck a aussi provoqué des ruptures. Après la présidentielle de 2024, d’autres sont partis. Et pourtant, Taxawu est toujours là. Parce que ce mouvement repose sur des convictions, pas sur des circonstances. Ceux qui croient au projet, ceux qui croient en l’idéal que nous portons, sont restés. Et ils sont toujours là. Taxawu, ce n’est pas un homme. C’est une idée. Et les idées ne démissionnent pas.
Avec le départ de Barth, qui était le principal protagoniste du régime, pensez-vous que vos rapports avec Pastef vont s’améliorer ?
Les rapports entre mouvements politiques ne doivent pas dépendre des individus, mais des idées, des principes et de la vision que l’on porte pour le pays. Barthélemy Dias a incarné une ligne, un style d’opposition. Son départ ouvre une nouvelle phase, mais cela ne signifie pas automatiquement rapprochement ou rupture. Aujourd’hui, notre priorité, c’est de reconstruire Taxawu Sénégal, de renforcer notre organisation, d’élargir notre base et de structurer durablement notre mouvement. Nous sommes pleinement dans l’opposition. Et à ce titre, Khalifa Ababacar Sall joue un rôle central dans l’unité et la coordination des forces d’opposition à travers le Front pour la Démocratie et la République (FDR), la plus large plateforme de l’opposition sénégalaise. Si des passerelles doivent s’ouvrir avec Pastef ou d’autres forces, elles devront se bâtir sur des bases claires : respect, confiance, et vision partagée. Mais nous n’en sommes pas encore là. Taxawu avance selon son propre rythme, sa propre ligne. Ce qui compte, c’est de travailler à une opposition crédible, forte et unie. Et nous laissons l’avenir faire le reste.