MAJOR KANDJI ET COMMISSAIRE KEITA SUR LE CAPITAINE TOURE «Il sait qu’il encourt des sanctions lourdes et il a pris les devants»



 
 
Le capitaine Touré qui a démissionné de la gendarmerie après avoir dirigé les auditions dans l’affaire Ousmane Sonko-AdjiSarr, dont le procès-verbal s’est retrouvé dans la rue, «a fauté» et sait que cela ne restera pas impuni, eu égard à son contrat avec son corps et aux règles qui régissent son travail. C’est l’avis de major Kandji et commissaire Keïta. Pour eux,c’est pour anticiper sur les sanctions qu’il encourt que l’officier de gendarmerie multiplie les déclarations, pour se donner une porte de sortie honorable.
 
 
 
 
Officier de gendarmerie à la retraite, le major Kandji n’y va pas par quatre chemins pour fustiger l’attitude du capitaine Touré, démissionnaire, après avoir géré le dossier Sonko-AdjiSarr. «Il a fauté et il a voulu anticiper pour prendre sa propre défense à lui. Il a pris conscience de la gravité de son acte. Il sait qu’il encourt des sanctions lourdes et il a anticipé, en quittant vite les rangs, pour dire qu’il a démissionné». Une démission qui ne saurait prospérer, si l’on en croit l’officier à la retraite. «En matière militaire, on ne démissionne pas comme ça. D’abord il a signé un engagement décennal. Nonobstant cela, pour démissionner de la gendarmerie, tu déposes ta démission et tu continues ton travail. Mais lui, pourquoi il abandonne son poste et il se barre ?». Et quand Touré déplore le fait qu’il soit surveillé, major Kandji trouve que c’est en toute légalité et logique que cela se fait. «Il n’a rien à expliquer. S’il dit qu’il est surveillé, c’est normal. S’il y a un dossier aussi important qui a fuité, le commandement commence à faire des enquêtes et à surveiller les intervenants pour voir d’où est partie la fuite. C’est normal, ça se fait. Nous mettons un dispositif de sécurisation de ce que nous faisons», explique le spécialiste en police technique et scientifique (identification surtout). Qui ajoute que «le Pv n’a pas été au quartier (général), parce qu’il n’a pas été déchargé. Donc ça a été fuité à son niveau».
 
«Si les Pv ont fuité, lui qui est directeur d’enquête ne peut pas être hors de cause»
 
Sur ces aspects, le commissaire Cheikhouna Keïta rejoint le major Kandji. «Je pense que le capitaine, après avoir géré ce dossier là, avec tout ce qu’il y a eu de manquements par rapport à la déontologie, aux règles du secret professionnel et du secret de l’enquête, avectout ce qui lui est reproché et que la gendarmerie n’a pas divulgué, il fait une fuite en avant, pour se trouver une sortie honorable, étant entendu qu’il a commis des fautes par rapport à son métier, à son contrat avec la gendarmerie», explique l’ancien patron de l’Ocrtis. En effet, pour l’officier de police, dans cette enquête, «si les Pv ont fuité, lui qui est directeur d’enquête ne peut pas être hors de cause». Or, précise-t-il, tout le monde est témoin du fait que les Pv ont bel et bien fuité.«Qu’il l’ait, lui, organisé ou que ça ait été l’acte de quelqu’un d’autre sous son commandement, c’est la même chose : il a fauté. Donc en tant qu’officier, il ne peut pas se démettre de sa responsabilité en déclarant qu’il a démissionné et en se mettant à se livrer à ce jeu de communication, sur Internet, dans la presse…», souligne le commissaire à la retraite. Qui ajoute qu’en tant que gendarme, lié au corps par «un contrat de carrière», le capitaine Touré «sait très bien qu’il est astreint à une discipline, à une déontologie et qu’il doit respecter la loi en tant que procédurier». En définitive, le commissaire Keïta «pense que le capitaine Touré a raté son travail et tout ce qu’il dit sur le dossier ne repose sur absolument rien d’autre que son  implication sur ce qui s’est passé et qu’il veut noyer dans un  discours obscur». Et c’est ça que lui retient de cette histoire.
 
 
«Il est passible de sanctions allant jusqu’à la radiation»
 
 
S’agissant de ce que risque le capitaine Touré, le major Kandji souligne que la gendarmerie «gère la faute et pas l’infraction». Car précise-t-il, «en police militaire, il y a la faute, nonobstant l’infraction». Poursuivant, il note que «s’il y a désertion et s’il a fait fuiter volontairement le Pv, on pourra le poursuivre pour désertion et divulgation de secret professionnel», du fait que «c’est à la fois un manquement à la discipline militaire et à la loi pénale». Dès lors, pour lui, le capitaine «est passible de sanctions allant jusqu’à la radiation».
Concrètement, il note que dès que le capitaine se présentera, «il sera mis aux arrêts» et «sa procédure de révocation et/ou de traduction devant les tribunaux militaires pourra commencer».
 
 
«Il risque même de se retrouver en prison comme n’importe qui»
 
 
Le commissaire Keita abonde dans le même sens. «Il devra répondre. Passé le délai de 6 jours, après n’avoir pas répondu à l’appel, la gendarmerie va procéder à son arrestation. S’il répond dans ce délai-là, il va devoir faire face aux mesures disciplinaires qui l’attendent. C’est-à-dire, il peut être placé dans une situation d’arrêt quelque part dans une caserne pendant une période donnée. Ensuite, il peut être traduit devant le tribunal militaire, parce que s’il est avéré qu’il a déserté, il fera l’objetde sanctions qui peuvent aller jusqu’à sa radiation de la gendarmerie», explique-t-il. Et d’ajouter : «au-delà de ça, par rapport aux questions liées à la procédure, par rapport à ses manquements que la loi pénale poursuit, le tribunal militaire peut être aussi saisi. Il va devoir répondre de cette responsabilité. Et il risque même de se retrouver en prison comme n’importe qui». En définitive, il affirme : «vous verrez que la gendarmerie ne fera aucun bruit là-dessus, parce que ce qui lui est applicable est applicable à tous les gendarmes. C’est un gendarme, les règles qui lui sont applicables, il ne peut pas les éviter».
Dès lors, le commissaire Keïta «demande aux Sénégalais de faire preuve de discernement» par rapport au comportement du capitaine démissionnaire qui,dit-il, «n’honore pas du tout le métier d’enquêteur et la gendarmerie», et qui, ajoute-t-il, «voudrait  que les Sénégalais le suivent dans son jeu de diversion».
 
 
«Que les Sénégalais n’acceptent jamais que des militaires et policiers se permettent de s’immiscer dans des situations politiques»
 
 
C’est la même invite à la méfiance vis-à-vis du capitaine Touré que lance le Major Kandji, très dur sur l’homme. «C’est un mauvais militaire. C’est un élément infiltré de la gendarmerie. Il n’était pas prédestiné à ce corps. Il faut que les Sénégalais prennent acte et n’acceptent jamais que desmilitaires et policiers se permettent d’être versatiles à ce niveau, et dans le cadre de leurs fonctions et actions, de s’immiscer dans des situations politiques ou de faire valoir de quelconques accointances avec l’Etat ou avec un autre», assène-t-il.
 
Mbaye THIANDOUM
 
 
 

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