Connu pour sa fidélité au chef de l’Etat et sa propension à le défendre contre vents et marrées, l’ancien Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne, disparu de la vie publique depuis plusieurs mois, est sorti hier de sa retraite. Dans une interview accordée à la Rfm, il est revenu sur sa relation avec le chef de l’Etat, les récents événements qui ont endeuillé le pays, son passage à la primature, la radiation de Sonko…
Disparu de la circulation étatique depuis le dernier remaniement gouvernemental, l’ancien Premier ministre s’est rappelé hier à nos bons souvenirs. Et Mahammed Boun Abdallah Dionne n’a pas dérogé à sa règle : défendre son mentor Macky Sall à tous les coups. «Tu m’as demandé où j’étais pendant la crise. Même quand tu ne me vois pas, je suis toujours aux côtés de mon patron, moralement, de cœur, d’esprit et tout…», révèle-t-il. Et à la question à savoir s’il a été surpris par son départ de son poste de secrétaire général de la Présidence de la République, il botte en touche. «Ça ne m’a pas du tout surpris. Mais je n’entrerai pas dans les détails. Est-ce que tu sais si c’est lui ou moi qui l’a demandé?», précise-t-il. Et d’ajouter : «d’abord, il est sain dans une République qu’il y ait des renouvellements, sinon, on finit par croire que les postes nous appartiennent».
Silence total sur le 3ème mandat
Interpellé sur la question du 3ème mandat, l’ancien Premier ministre rentre dans sa coquille, refusant d’en piper mot. «Quand je parle du peuple, je ne parle pas des rendez-vous avec le peuple. C’est différent. L’élection (présidentielle) prochaine, c’est dans 1000 jours. Il ya des urgences nationales qui doivent nous mobiliser. Pour le reste, je ne me prononcerai pas dessus», explique-t-il fermement.
«Je connais le président de la République, il va encore surprendre les Sénégalais»
Revenant sur les événements violents qui ont endeuillé le Sénégal la semaine dernière, Mahammed Boun Abdallah Dionne approuve la réaction du chef de l’Etat. «Le président de la République a écouté le peuple. Il a eu le langage de vérité. Et il a compris. Il a alors pris la décision qu’il fallait. Les jeunes que j’ai écoutés, il y a un cri de colère. Le Président l’a qualifié: il dit la colère des banlieues, ‘’je comprends votre mal vivre’’. Je connais le président de la République, je sais qu’il va encore surprendre les Sénégalais», dit-il.
Boun Dionne refuse la qualification de «terroristes» et met en avant les problèmes économiques et sociaux
Ce qu’il apprécie sans doute moins, ce sont les qualificatifs donnés par certains ministres (terroristes, djihadistes) aux manifestants. «Savoir tout et dire tout, ça ne se fait pas. Mais la crise peut avoir d’autres dimensions. Seulement, ici, ce n’est pas le lieu indiqué pour en parler», soutient-il. Et de poursuivre : «moi je parle des aspects économiques. Le gosse dont je parle, à la place de l’Obélisque, il n’est pas un terroriste. Il faut dire la vérité…Les gosses qui sont à Mandat Douane, ils ont des difficultés locales. Il peut y avoir autre chose derrière. Mais je n’ai pas le niveau d’information qui mepermet de dire que c’est tel ou tel». A la question de savoir s’il n’était pas en train de démentir le ministre de l’Intérieur, l’ancien patron du gouvernement assume sa position.«Jene démens personne. Je ne suis pas ministre. C’est un citoyen qui parle. Si tu veux, tu peux affirmer que Boun Abdallah Dionne contredit Antoine Diome. Si je dois être contre lui, je le ferai. Je donne mon point de vue. J’étais dans le gouvernement. Je vais me solidariser d’abord avec le gouvernement, mais dans la vérité», assène-t-il. Non sans ajouter : «si je dois lui (Antoine Diome) dire quelque chose, je prends mon téléphone et je le lui dis. C’est mon ami et mon jeune frère».
Zemmour : «c’est du pipeau…ce qu’il a dit n’est pas vrai»
Sur la supposée pression exercée sur le Président Macky Sall par son homologue français afin que Sonko soit libéré, l’ancien collaborateur du chef de l’Etat dégage en touche. «Ce que Zemmour a dit n’est pas vrai. Un pays ne marche pas comme ça. Dire que la France voulait envoyer sa marine…Quelle marine va-t-elle envoyer? Si ça devait se passer ainsi, il faudrait d’abord que les accords de coopération le prévoient», martèle l’ancien chef du gouvernement. Qui ne rate pas le chroniqueur français : «tout ce qu’il a dit, c’est du pipeau. Zemmour est un raciste que tout le monde connait. Il est de l’extrême droite…».
«Je suis content et fier de tout ce que j’ai fait en tant que Premier ministre»
Interpellé sur son passage à la tête du gouvernementet ses remords éventuels, comme par exemple le renvoi d’Ousmane Sonko de la fonction publique, Mahammed Boun Abdallah Dionne n’est pas loin de bomber le torse. «Je suis content et fier de tout ce que j’ai fait en tant que Premier ministre. Ça me ferait mal si on m’avait dit que j’avais volé 10 milliards quand j’étais Premier ministre. Si on m’avait dit que j’avais fait un scandale, ça allait me faire mal. Mais mon action, je l’ai accomplie comme me l’avait demandé le Président. Il m’avait dit : ‘’ au travail’’. Et j’y ai mis toute ma volonté et toutes mes forces pour l’intérêt du Sénégal», affirme-t-il. Et à propos de Sonko, devenu opposant radical après sa radiation de la fonction publique, l’ancien chef du gouvernement refuse de s’attarder sur lui. «Tu es dans les détails ; parce que le Sénégal transcende la personne que tu cites. Combien de fonctionnaires ont été radiés? Combien de fonctionnaires ont été recrutés ?», souligne-t-il.Et d’ajouter que «opposant radical ou pas, il (Sonko) fait partie du jeu politique». Et lui, il préfère croire «au dialogue que prône le Président Macky Sall». Parce que, pour lui, «la radicalisation ne doit pas être une attitude permanente» et qu’on peut être radical aujourd’hui et ne pas l’être demain et vice-versa. «La radicalisation n’est pas affichée sur le front éternellement. Ce sont des situations concrètes qui déterminent des positions concrètes», conclut-il.
Mbaye THIANDOUM