Le milliardaire Ahmet Amar raconté par les siens: aux début, une vieille R5



Depuis la disparition du Président-directeur général de Nma Sanders, Ameth Amar, les témoignages, notamment de ses collègues du secteur privé national, sont unanimes sur les qualités humaines de ce capitaine d’industrie, parti de rien pour arriver au sommet de l’industrie sénégalaise.  
  
Le secteur privé national est consterné par le décès du Président-directeur général de la Nouvelle minoterie africaine (Nma Sanders), Ameth Amar, survenu avant-hier lundi à Paris. En effet, depuis l’annonce de la triste nouvelle, les témoignages fusent pour magnifier les qualités humaines et retracer le parcours atypique de l’homme d’affaires qu’il fut. Dans cet élan, son proche collaborateur Déthié Fall, Directeur industriel de Nma Sanders, encore sous le choc de cette disparition brutale, est revenu, avec le trémolo dans la voix, sur les 17 années passées aux côtés du défunt. «C’était un travailleur hors-pair, un grand patriote, un homme d’une extrême générosité, un homme très pieux, un fervent Mouride», indique-t-il d’emblée, avant de poursuivre : «en 2002, quand on venait de se connaitre, il a très tôt fait confiance à l’expertise sénégalaise. Avant moi, il avait un directeur français qu’il a libéré trois mois après mon intégration dans l’entreprise. Il m’a confié la Direction industrielle de Nma Sanders en disant qu’ensemble, on allait pouvoir faire de très belles choses, qu’on allait pouvoir repousser les limites, qu’on allait pouvoir se positionner dans ce secteur qui était jusqu’ici entre les mains d’étrangers. Peu de gens croyaient à ce projet. Peu de gens croyaient à cette réussite. Mais par la force de son abnégation, par la force de sa conviction, par la force de son génie et par le talent que tout le monde lui connaissait en affaires, il est parvenu à monter un empire industriel qui, aujourd’hui, s’évalue à plus de 75 milliards de chiffre d’affaires annuel», révèle le numéro 2 du parti Rewmi.
 
Son plus grand projet : l’hôpital de Dakar
 
En effet, parti de rien, selon Déthié Fall, Ameth Amar est parvenu à s’imposer dans le milieu industriel pour devenir un capitaine d’industrie respecté dans son pays, en Afrique et dans le monde. Le Directeur industriel en veut pour preuve les nombreuses distinctions reçues par le patron de Nma Sanders des mains du chef de l’Etat, mais également à travers le monde. En tout cas, cette réussite, ajoute Déthié Fall, a permis à l’ancien comptable qui a troqué sa profession et son véhicule R5 pour les affaires, de renforcer le groupe Nma Sanders avec l’acquisition des Moulins Sentenac en 2015 et de Pastami, avant cette date. Ameth Amar était aussi un travailleur infatigable. «Il était toujours présent à l’usine jusqu’à 3 heures du matin quand on avait des chantiers. Il nous poussait à battre les records», confie son collaborateur. Cependant, cette belle symphonie aura un goût d’inachevé. En effet, le milliardaire ne verra pas le dernier grand projet qui lui tenait à cœur. «Le dernier grand projet qui lui tenait à cœur, c’est la mise en œuvre de l’hôpital international de Dakar». Un projet qu’il pilotait avec d’autres médecins spécialistes sénégalais, pour disposer ici à Dakar d’un plateau médical relevé permettant la prise en charge de toutes les maladies et éviter à nos compatriotes de se faire soigner à l’étranger», regrette Déthié Fall, qui fait remarquer que le défunt était un grand mécène, qui a distribué de nombreuses ambulances aux hôpitaux et aux familles religieuses, qui a aussi contribué à endiguer la pauvreté à travers la création d’emplois.
 
Abdoul Mbaye : «Sa vraie histoire commence avec une vieille voiture R5 qu’il possède»
 
Cependant, pour mettre en place cet empire industriel, l’ancien Premier ministre et banquier Abdoul Mbaye y a été d’un grand apport, pour avoir été le seul banquier à croire au projet de Ameth Amar. «Avoir été le seul banquier ayant osé financer son industrie meunière nous a davantage rapprochés. Il avait trouvé mon attitude courageuse, face au refus de mes collègues. Nous sommes devenus des amis très proches. Le courage était le sien. Son projet était presque fou, il l’a réussi», a écrit l’ancien Pm sur sa page Facebook, lui aussi attristé par cette triste nouvelle. «Sa réussite était connue. Son parcours bien moins. Il était sans aucun doute ce que sa discrétion cachait : l’un des rares et vrais capitaines d’industrie sénégalais, dirigeant l’un des groupes majeurs dans le secteur alimentaire de l’Afrique de l’Ouest. Il a bâti son groupe à la force de l’intelligence, sachant saisir les opportunités, qu’elles fussent immédiates ou futures. Mais il était aussi courageux, rigoureux et pragmatique. Sa vraie histoire commence avec une vieille voiture R5 qu’il possède, mais préfère vendre pour acheter un petit bateau lui permettant de ravitailler des navires restés au large du port de Dakar. Puis, il a l’art de faire grandir et bien grandir», souligne Abdoul Mbaye peiné par cette disparition.  
 
Serigne Mboup Ccbm : «Le Sénégal perd un valeureux fils»
 
Le patron de Ccbm, Serigne Mboup, s’est inscrit dans cette dynamique. «C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris, de l’étranger où je me trouve, le décès de Ameth Amar, une des figures dynamiques du secteur privé national. Avec son décès, le Sénégal vient de perdre un de ses valeureux fils qui s’est toujours investi avec foi et conviction pour la communauté mouride à laquelle il appartenait, mais aussi pour le renforcement et le rayonnement du secteur privé national», confie le président de la Chambre de commerce de Kaolack, qui s’est dit peiné et attristé par la mort de ce géant de l’industrie. «Avec la disparition de notre frère, notre ami et compagnon de route Ameth Amar, nous avons perdu un grand capitaine d'industrie, un bâtisseur de rêves et d'espérances, mais aussi de belles et solides structures qui font la fierté du secteur privé national», fait d’emblée remarquer Babacar Ngom, président du Club des investisseurs du Sénégal et patron de la Sedima.
 
Babacar Ngom : «la modestie et l’humilité, ça aussi, c’était du Ameth Amar»
 
A l’en croire, avec la disparition de Ameth Amar, «c'est un valeureux champion qui vient de s'éteindre. Mais nous savons que jamais ne s'éteindra cette flamme qui brillait en lui et qui lui a donné la force de réaliser ce qu'il a réalisé, sans tambour ni trompette, dans la modestie, et je dirai même dans l'effacement. La modestie et l'humilité, ça aussi, c'était du Ameth Amar», relève-t-il, avant d’ajouter : «ses rêves, sa foi, son courage, sa ténacité, sa vivacité d'esprit et son sens élevé du patriotisme ont contribué à donner des ailes au secteur privé» qui était, pour lui et pour nous tous, nous ses compagnons, la voie royale pour l'émergence et la dignité recouvrée de notre économie nationale, sous-régionale et continentale. Sa vie, pour brève qu'elle fût, n'en a pas moins été riche et fondamentalement utile. C'est un chemin qu'il a tracé, c'est une voie qu'il a montrée, c'est une semence d'une puissante vitalité qu'il nous a laissée», indique Babacar Ngom.
 
Il avait donné 5 millions pour évacuer un étudiant gravement malade
 
Avec la disparition du patron de Nma Sanders, c’est l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar qui perd un mécène, un bienfaiteur, qui a toujours contribué à alléger la souffrance des étudiants. Ainsi, ces actes de haute portée sociale à l’endroit de l’Ucad ont été salués par le recteur de l’université, le professeur Ibrahima Thioub. «C’est quelqu’un qui a travaillé avec l’université, qui a exprimé un amour profond de l’enseignement supérieur. Il était membre du Conseil d’administration de la Fondation Ucad et était présent à toutes nos réunions en dépit de son agenda très chargé», indique M. Thioub, qui révèle que le défunt contribuait massivement à résoudre les problèmes d’enseignement, de recherche et de résolution de conflits et d’anticipation sur les conflits. Il en veut pour preuve les cinq millions récemment décaissés par Ameth Amar pour financer l’évacuation d’un étudiant malade à l’étranger. Même si, par la suite, l’étudiant n’a malheureusement pas survécu. Outre cette action sociale, Ameth Amar, révèle M. Thioub, a offert un bus à l’Ucad, avec une contribution de 10 millions de francs Cfa pour les étudiants handicapés physiques de l’université pour leur transport. «C’est cet homme qui nous a quittés. L’université est en pleurs parce que nous sommes sûrs que cet homme est irremplaçable», renchérit le professeur Thioub, qui n’a pas manqué de formuler de prières pour le défunt.
Moussa CISS

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