Le juge condamne Khalifa Sall à 5 ans et l’écarte de la course à la présidentielle ; Fatou Traoré, Yatma Diaw et Amadou Diop libres ; l’Etat débouté




5 ans de prison ferme, c’est la peine prononcée hier par le juge Malick Lamotte à l’encontre de Khalifa Sall, Mbaye Touré et Yaya Bodian. Cette décision infligée au maire de Dakar l’écarte totalement de la course à l’élection présidentielle de 2019. Tous les trois vont chacun payer au Trésor public 5 millions de francs. Fatou Traoré, Ibrahima Yatma Diaw et Amadou Moctar Diop vont, quant à eux, humer l’air de la liberté pour avoir couvert leurs peines infligées. Par ailleurs, l’Etat a été débouté de sa demande de 6,830 milliards de francs.
 
 
Si les manœuvres de Macky Sall étaient d’éliminer un potentiel adversaire politique à l’élection présidentielle de février 2019, c’est réussi, à moins qu’une décision de la Cour d’appel ne vienne changer la donne. En effet, le juge Malick Lamotte a condamné Khalifa Sall à 5 ans de prison ferme. Khalifa Sall a été condamné en même temps que Mbaye Touré et Yaya Bodian à 5 ans de prison ferme et 5 millions de francs d’amende ferme, pour les délits de faux et usage de faux en écritures de commerce, faux et usage de faux dans un document administratif et escroquerie portant sur des deniers publics. Malick Lamotte a noté 110 fausses factures établies durant la période incriminée, de 2011 à 2015. Yaya Bodian est inscrit dans ce lot pour avoir confectionné des factures de riz et de mil, usé de papier en-tête et cachet du Gie Tabbar. Pire, il a utilisé l’identité d’une autre personne à savoir Ibrahima Touré. D’où l’intention manifeste, selon le juge. Par ailleurs, le magistrat a réajusté le préjudice à 1,650 milliard au lieu de 1,830 soutenu par l’accusation. La sentence a été dure pour les Khalifistes qui étaient dans la salle et qui se sont levés immédiatement pour s’en prendre à Macky Sall et même au juge Lamotte qui n’était plus écouté dans sa lecture. Mais, il continuait sa lecture de la décision. Le brouhaha avait fini d’installer un désordre indescriptible et incontrôlable, même pour les gendarmes qui s’étaient automatiquement érigés en boucliers. Car, certains proches de Khalifa Sall, gagnés par la colère, avançaient même vers le juge. Le juge a tout de même terminé sa lecture, salué quelques avocats avant de sortir de la salle, suivi de ses assesseurs et du procureur de la République.
 
Yatma Diaw, Amadou Moctar Diop et Fatou Traoré sortent de prison
S’agissant d’Ibrahima Yatma Diaw, Amadou Moctar Diop et Fatou Traoré, ils vont sortir de prison. En effet, Fatou Traoré a été condamnée à 2 ans dont 6 mois ferme alors que les deux autres ont pris chacun 2 ans dont un an ferme. Pour avoir couvert leur peine tous les trois, ils vont ainsi humer l’air de la liberté. Le président Lamotte a relaxé tout le monde du délit d’association de malfaiteurs, de blanchiment de capitaux et de détournement de deniers publics. Pour cette dernière infraction, le juge a estimé que Khalifa Sall et Mbaye Touré ont été condamnés du délit d’escroquerie portant sur des derniers publics et donc par le principe de non cumul de qualification, il ne peut pas en même temps retenir le délit de détournement de deniers publics.
 
Les percepteurs relaxés
 
Ils ne sont pas les seuls à retrouver le sourire, car Mamadou Oumar Bocoum et Ibrahima Touré ont été relaxés, comme l’avait requis le procureur de la République. Le président Lamotte considère que leur seule négligence et donc le fait de ne pas être regardant sur les signatures et sur la même commande de riz et de mil pendant des années, ne constituent pas un délit.
 
La constitution de la mairie de Dakar écartée ; celle de l’Etat retenue, mais l’Etat est débouté de sa demande
 
Quid des constitutions de partie civile de l’Etat du Sénégal et de la ville de Dakar ? Dans son exposé des motifs, le président Lamotte a écarté la constitution de partie civile de la mairie de Dakar, au prétexte que la délibération, qui donne mandat à Moussa Sow de se constituer et donc de trouver des avocats pour la mairie, a été suivie d’un arrêté du préfet de Dakar qui avait demandé une seconde lecture. Selon le juge, cet acte du préfet suspend le caractère exécutoire de la délibération. Il dira que la mairie n’a pas prouvé par pièce qu’il y a eu cette seconde lecture. Du coup, il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la ville de Dakar. S’agissant de l’Etat du Sénégal, le juge a admis sa constitution de partie civile, mais il estime que les fonds sont inscrits dans le budget de fonctionnement de la collectivité et que donc, ces fonds de concours sont des fonds dédiés. L’Etat ne peut, en outre, se prévaloir des factures de la Senelec qu’il a payées pour demander réparation, selon le président Lamotte. Le juge a ainsi débouté l’Etat de sa demande en réparation. Le préjudice moral évoqué par les avocats de l’Etat a été également rejeté. Le juge a considéré qu’il existe bien une escroquerie portant sur des deniers publics, mais qu’il s’agit de l’argent de la mairie.
 
Les exceptions rejetées. Les parties vont faire appel
 
Auparavant, le juge qui avait rejeté toutes les exceptions de nullité soulevées par les avocats de la défense. Il s’est fondé sur l’arrêt de la Chambre d’accusation qui avait rejeté ces exceptions. Et selon lui, lorsqu’ils sont allés à la Cour suprême, Khalifa Sall et Cie ont été déchus. Malick Lamotte conclut qu’il y a l’autorité de la chose jugée.
Cette décision n’agrée personne ; ainsi, toutes les parties se sont donné rendez-vous à la Cour d’appel de Dakar. Les recours vont être bientôt déposés.
Alassane DRAME

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