Le doyen des juges Samba Sall sur l'affaire Khalifa Sall: "je suis quitte avec ma conscience"



 L’obligation de réserve, c’est ce qui est imposé aux magistrats. Pourtant, les critiques, les juges en font l’objet régulièrement. Mais les plus acerbes ont concerné le Doyen des juges d’instruction dans l’affaire de la ville de Dakar. Samba Sall a profité du séminaire organisé hier par l’Union des magistrats sénégalais sur le thème : «Détention provisoire et peines alternatives à l’incarcération», dans lequel il devait intervenir, surtout que la presse était invitée, de même que les avocats, dont certains étaient constitués dans le dossier Khalifa Sall pour dire ses vérités. 
 
 
 
Le Doyen des juges a profité de la tribune offerte par le séminaire de l’Ums, hier, pour répondre à ses détracteurs. Samba Sall a très tôt annoncé la couleur, soutenant que dans certains dossiers mettant en cause certaines célébrités politiques, certains avocats demandent la parole, au moment de l’inculpation, alors que le Procureur a requis le mandat de dépôt et quand il s’agit d’une personne lambda, ces avocats ne se donnent pas cette peine. Cette remarque du juge est pour répondre à certains avocats de la défense, qui disaient face à la presse que la parole leur a été refusée par le Doyen des juges. Selon toujours le juge Samba Sall, en France, il y a l’article 145 du code de procédure pénale qui tranche cette question et le juge a deux formats de papier et dans l’un, il est mentionné «procès-verbal de première comparution, détention envisagée». 
L’article qui permet aux avocats de plaider en France, c’est l’article 185 de leur code de procédure pénale, qui n’existe pas au Sénégal. Et donc, dans ces conditions, pour Samba Sall, vouloir obliger le juge d’instruction à prendre note des plaidoiries de plusieurs avocats, est anormal, «surtout que pour certains chefs d’inculpation, le mandat de dépôt est obligatoire, par exemple en matière de détournement de deniers publics», précise-t-il. «Le règlement 5 de l’Uemoa ne peut pas s’appliquer devant le juge d’instruction. Il faut des textes complémentaires insérés dans des procédures pénales. Le règlement de l’Uemoa est une extension de l’article 101 du code de procédure pénale», a pesté encore le Doyen des juges. 
A l’en croire, la simple «présence du greffer suffit pour renforcer les droits de l’inculpé». Car, selon lui, le juge d’instruction ne va pas faire mentionner des propos non tenus pas l’inculpé, car le greffier ne va pas l’accepter. Mieux, pour le Doyen des juges, l’avocat ne peut même pas poser des questions et il ne doit s’en plaindre non pas au juge d’instruction, mais plutôt au législateur. 
 
 
 
«Je suis quitte avec ma conscience»
 
 
 
L’affaire Khalifa Sall est en fait revenue à plusieurs reprises dans les interventions du juge Samba Sall, comme s’il en voulait vraiment aux avocats. Et toujours dans sa dynamique de réhabilitation de la vérité ou plutôt de répondre aux avocats de l’ex-maire de Dakar, le Doyen des juges est aussi revenu sur le cautionnement en des immeubles proposé par Khalifa Sall et qu’il avait refusé. Selon lui, l’article 134 du code de procédure pénale dit que le cautionnement doit être fait «en espèces». «Moi je suis très conservateur et je m’en limite aux textes», dira-t-il avant de préciser à l’attention de tous : «je suis quitte avec ma conscience». 
 
 
Célérité du dossier de Khalifa : les témoins sont là, le dépôt des rapports, l’expertise etc. et qu’on ne parle pas de témoins fantaisistes
 
Enfin, un dernier point sur lequel Samba Sall est revenu, c’est la célérité dans la gestion du dossier. Cela s’explique, à ses yeux, par le simple fait «qu’il n’y avait plus d’actes extérieurs à faire». «Les témoins sont là, le dépôt des rapports, l’expertise etc. et qu’on ne parle pas de témoins fantaisistes». Le juge qualifie de fantaisiste le fait de vouloir convoquer une personne juste pour lui demander s’il a commis les mêmes faits et s’il a été poursuivi après. 
 
 
 
Le juge du 4ecabinet Cheikh Bâ prend le contrepied de Samba Sall
 
 
Cependant, si le Doyen des juges a campé sur sa position par rapport aux avocats qui doivent assister leur client, Me Bamba Cissé a pris son contrepied, mais également certains de ses collègues qui estiment que l’avocat doit plaider au moment de l’inculpation. «Je ne savais pas que cela ne se faisait pas», s’étonne le juge Cheikh Bâ, qui a en charge le quatrième cabinet d’instruction de Dakar. Pour lui, c’est pour le principe de l’égalité des armes.
 
 
Alassane DRAME
 

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