Journaliste à Canal+, Lilian Gatounes, c’est 25 ans de carrière avec comme faits majeurs 7 Coupe d’Afrique, 4000 matchs et 30 clasicos Barca-Real commentés. Une expérience partagée ce mardi lors d’un séminaire de formation de commentateur sportif organisée par la chaîne cryptée, en collaboration avec l’Association nationale de la presse sportive (Anps).
La recette du bon commentateur
« Il faut de l’émotion, la passion, des informations… Il faut savoir à qui on s’adresse. À chaque sport, sa musique, son rythme pour accompagner le téléspectateur, suivant le pays, le continent. Et ce n’est pas du tout le même tempo, c’est culturel. Si cela concerne pour le clasico Barca-Real Madrid, il faut être assez neutre, mais si c’est pour Barça TV, il faut s’adapter. L’essence du sport, ça reste le direct. Le commentateur est un artiste du direct. On dit souvent que les journalistes sportifs sont les rois du direct. Personne n’est habitué à faire ça mieux que nous. Par exemple, lors de l’effondrement du bâtiment du World Trade Center (États-Unis), après une heure de direct sur LCI, le responsable a demandé à ce que la direction Sport envoie un élément. Philippe Bruet a ainsi fait 4 heures de direct. Parce que c’est un habitué. Mais il faut bien se préparer. À force d’improviser, on va finir par avoir des problèmes pour meubler en cas d’impair. »
Le rythme d’un commentaire
« Ça dépend de chacun. Pour moi, cela a évolué. Je suis en perpétuelle mutation. Parfois, je me réécoute avec un regard critique, pour trouver mes forces et faiblesses. La façon dont les gens écoutent et consomment le foot ou la télé évoluent. Ils ont un peu plus de mal à être concentrés pendant 1h30. »
Le rôle du consultant
« Le journaliste décrit, le consultant décrypte. Ça change suivant les pays. En Angleterre ou en Allemagne, ils n’aiment pas trop. C’est un ou deux journalistes qui sont au micro. A Canal+, j’en ai formé plusieurs mais pour que ça marche, il faut qu’ils soient complémentaires. C’est comme un mariage. Deux journalistes, ce n’est pas la formule que je préfère. Sinon, on se marche dessus. Habib Bèye, à ses débuts, il était timide. Mais il est intelligent, il a su s’adapter. Car après tout, ce n’est pas un métier pour eux, c’est une reconversion. »
Les punchlines
« Ça dépend du style de chacun. À mes débuts, j’écrivais mon intervention sur des fiches. Souvent, je baissais la tête. À un moment, sur un direct, mon co-animateur a jeté mes fiches. Et je me suis mis à raconter ce que j’ai vu. Quand je parle, je fais comme si la caméra est un ami. Certains sont plus à l’aise dans l’impro. Il faut écrire juste deux trois idées et avoir ça en tête. »
Can 2021 : l’histoire des tirs au but
« Je me dis toujours que l’abonné est assis à côté. Et il faut qu’il en ait autant que comme s’il était au stade. Il faut que je l’embarque. La séance de tirs au but de la finale, on a l’impression que les Américains ont écrit le scénario. Avec Sadio Mané qui rate le pénalty en début de match, l’Égypte qui sort tout le monde en jouant avec un style défensif, Habib Bèye (ancien international sénégalais, consultant à Canal+ et entraîneur de Red Star) qui envoie des messages, El Hadj Diouf qui me fait des signes… Je me devais d’être à la hauteur. Sur les deux premiers tirs, je sens que mon consultant (Patrick Mboma) n’est pas dedans. Peut-être que c’est la fatigue après 120 minutes. Donc, je pars en solo car c’est un moment historique. Ça tombe sur le pénalty arrêté par Édouard Mendy. Je me suis levé en disant : “Allez Édu…”. Le commentateur numéro un est un peu le chef d’orchestre de la musique du match. Et je suis parti jusqu’à la fin. C’est un choix pour ne pas que le rythme baisse. Après, je déconseille de prendre parti. Mais Canal+ n’a pas d’abonnés en Égypte. Si l’adversaire était la Côte d’Ivoire, ce ne serait pas pareil. Je prends parti parce que je connais ma cible. »