LEVÉE DU CORPS DE MAME LESS CAMARA: Une pluie de témoignages au pionnier des combats pour la liberté de la presse au Sénégal




 
 
 
Mame Less Camara n’est plus. «Abou Sow» est parti à la pointe des pieds. A l’occasion de la levée de corps du défunt, les témoignages sont unanimes et convergent dans le même sens : humilité, simplicité, vie effacée, rigueur, respect…
 
 
 
 
 
«Mame Less Camara est un grand journaliste. C'est quelqu'un qui veut être et rester journaliste. Mame Less est un journaliste jusqu'ici ce jour de son rappel à Dieu. Il respectait qui est journaliste. Il respectait tout. Il n'avait pas de distinction entre le riche et le pauvre. Le respect qu'il avait pour un enfant, c'est le même qu'il avait pour les adultes. Il me disait qu'il y a une étincelle en toi, il faut qu'on l'allume. Parce que tu fais partie du journalisme. Un jour, il m’a trouvé dans la salle de rédaction et m’a remis le journal. Il me dit, c’est toi qui présente le journal en wolof. C’est Mamadou Ibra Kane qui avait fini de faire le journal en français. J’ai tiqué, mais il m’a ragaillardi et m’a donné les forces de le faire. Mais c'est lui qui m'a tout donné. Personne ne m'a enseigné. C'est lui qui me donnait des reportages, des présentations. Un homme comme Mame Less, je ne l'ai jamais vu. Pour moi c'est le meilleur journaliste du Sénégal ».
 
Amsatou Sow Sidibé: «ce qu’il a eu à enseigner aux journalistes, je les invite à s’en procurer»
 
 
 
«Mame Less Camara était un frère, un ami. Nous nous sommes croisés à une rencontre des droits de l’homme. À l’époque où j’étais Directrice de l’Institut des Droits de l’Homme et de la Paix de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. On organisait des rencontres, des discussions au niveau de Saint-Louis et aussi avec Rahma Almamy Mateuw Fall. On discutait des questions fondamentales. Et souvent, il modérait les débats en apportant des idées pertinentes. Donc, intellectuellement, ce qu’il a offert à ce pays est énorme. Un homme de vérité. Au vu de ce qu’il a enseigné au Cesti, Mame Less était un philosophe. Il avait le savoir. Ce qu’il a eu à enseigner aux journalistes, je les invite à s’en procurer. S’ils le font, ce sera une bonne chose».
 
 
 
Abdoulaye Ndiaye : «c’est toute la presse qui devient orpheline»
 
«C’est quelqu’un qui a partagé le journalisme de rigueur, de culture. C’était une personne très généreuse. J’ai toujours retenu de cet homme l’abnégation et la disponibilité qu’il partageait. Nous avons partagé la Rts depuis ses débuts, nous appartenons à la même ville, Rufisque. Il était resté intact dans sa culture et dans ce qui le caractérisait. Nous ne pouvons que nous soumettre à la décision divine. Nous avons perdu un grand homme. C’est toute la presse qui devient orpheline.»
 
 
 
Mamadou Ndiaye, Directeur Cesti : «il a participé à plusieurs dialogues d’intérêt national»
 
«C’est quelqu’un qui était toujours au service des étudiants. Il les accompagne, il les orientait une fois le diplôme du Cesti obtenu. C’est une lourde perte pour la presse et au-delà du milieu de la presse parce qu’il a participé à plusieurs dialogues d’intérêt national. Son legs nous sommes dans l’obligation de le préserver et de l’enseigner aux jeunes générations».
 
 
 
Makhtar Sylla, ancien Dg de la Rts : « quand j’ai eu l’honneur à diriger la Rts, il était la première personne que j’avais sollicitée »
 
« Tout ceux qui ont eu à l’écouter, à le lire ou à le regarder ont reconnu qu’il était un professionnel de haut rang et un intellectuel de haut volet. Il avait des valeurs humaines extrêmement ancrées et fortes. C’était un homme convivial, discret, à la limite, effacé. Quand j’ai eu l’honneur à diriger la Rts, il était la première personne que j’avais sollicitée pour occuper l’une des directions. Mais pour des raisons qui lui sont propres et que je respecte, qui sont à l’image de l’homme, il n’a pas pu rejoindre cette équipe. Mais nous sommes restés en contact permanent. Le cousinage à plaisanterie régnait entre nous. Lui un Camara et moi un Sylla … »
 
 
 
Mamadou Diop Decroix : « je n’oublierai jamais l’hommage qu’il m’a rendu dans la presse … »
 
« Nous perdons tous un prince parce qu’il avait beaucoup de qualités. Il était un grand intellectuel. Il avait une pensée critique et des points de vue très pointues sur sa société et sur le fonctionnement de la politique dans ce pays. Il avait aussi des qualités humaines. Le Sénégal a perdu un homme. Dans ces moments au-delà des émotions, les qualités humaines des gens qui partent doivent retenir notre attention. Je n’oublierai jamais l’hommage qu’il m’a rendu dans la presse. Il avait écrit : ‘’il faut sauver le soldat Mamadou Diop Decroix’’, il rappelait les péripéties de ma vie militante. »
 
 
 
Ass Mademba Ndiaye, ami intime : « ce qui me pose problème, c’est d’imaginer que Mame Less Camara est décédé »
 
 
 
« Je peux jurer que Mame Less Camara avec qui j’étais au département de philosophie en 1976 pouvait avoir tout dans ce bas monde. Mais il a préféré vivre dans la sobriété. Il était quelqu’un de très effacé. Je me disais qu’il pouvait devenir le président entrant ou sortant de la République. Il n’était intéressé que par le savoir et rien d'autre. Dans l’exercice du journalisme, je lui avais suggéré de faire le concours de Cesti parce qu’il avait sa place et pouvait véhiculer son message… Lorsqu’on créait Sud Fm, dans le souci du pluralisme alors qu’il était à la Rts, je lui ai dit que je vais démissionner de Sud Fm pour aller à Walfadjri. Je lui ai suggéré de faire de la chronique et Tidiane Kassé lui a donné le prête-nom Abou Sow. Je le dis, aucun article de journaliste n’a jamais eu d’impact sur la société que ses chroniques. D’aucuns achetaient le journal que pour lire ses chroniques. Il y a des gens qui ont passé leur vie à se demander qui est Abou Sow et j’ai passé tout mon temps à mentir pour dire que je ne connais pas Abou Sow. Ce qui me pose problème, c’est d’imaginer que Mame Less Camara est décédé. Dieu est avec Mame Less. Voir Mame Less Camara étendu (en regardant le cercueil, Ndlr) alors que je l’ai toujours vu debout, je n’en reviens pas. Si dans ce pays on est assez sérieux pour donner au savoir le statut qui doit être celui du savoir et que Mame Less Camara donnait au savoir, en principe, il devrait avoir des gens qui vont avoir pour travail de recueillir ses chroniques et d’en faire quelque chose d’accessible à tout le monde.  Il avait de l’humilité dans le sang c’est pourquoi il ne s’est pas soucié de rassembler les chroniques et d’en faire un livre. Il ne l’a pas fait parce qu’il s’est dit que je ne suis qu’un petit homme qui distribue un petit savoir à un grand peuple. C’est comme ça qu’il a toujours réfléchi. Personne ne connaissait ce qu’il voulait… »
 
 
 
 
Mamadou Ibra Kane, témoignant au nom de la presse : « je me demande avec sa mort, si le journalisme n’est pas mort parce qu’il était le journaliste intégral »
 
« Si je cite cette jeune génération que Mame Less a couvée et couverte de son immense professionnalisme, de sa grande générosité, de son humilité infinie, sa rigueur, de son intransigeance avec les faits, avec le travail bien fait, notre génération, quand on lançait Wal Fm, on était jeune, Mame Less fut un maître rigoureux, un père pour nous. Il nous a tout appris, le professionnalisme, le respect des faits, le respect de l’éthique et de la déontologie. Il était le journaliste. C’était le journalisme. Je me demande avec sa mort, si le journalisme n’est pas mort parce qu’il était le journaliste intégral. Il était attaché aux faits dont il respectait la sacralité, mais c’était un fin analyste, un redoutable intervieweur et me revient en mémoire l’émission culte ‘’Face à Face’’. Mais respectueux de ses invités. Mais combien d’hommes Mame Less a révélés dans ce pays et pourtant il est resté dans l’ombre, resté humble, n’a jamais bombé le torse. Il a vécu dans la discrétion et est parti dans la discrétion, dans la dignité et dans l’honneur. J’ai envie de dire que nous n’avons pas su rendre hommage à Mame Less Camara de son vivant. Il faut que nous apprenions davantage dans ce pays à rendre hommages aux filles et fils qui ont honoré le pays pendant qu’ils étaient en vie. J’ai juste envie de dire qu'on a raté le coche, mais Mame Less s’est rendu lui-même hommage. Mame Less entre au panthéon des immortels du journalisme. Il était un journaliste intégral et un combattant des libertés, de la démocratie, de la république, du développement du Sénégal. Retenons qu’il ne fut pas seulement un monument de la presse au Sénégal. Il le fut pour toute l’Afrique et pour tout le monde. »
 
 
 
Abdou Karim Fofana, ministre porte-parole du gouvernement : « Mame Less Camara demeurera une source d’inspiration et un phare en ces temps d’obscurantisme et d’incertitude »
 
 « Il est toujours difficile de trouver les mots justes lorsque l’un des nôtres nous quitte. L’exercice est encore plus compliqué quand la personne qui s’en va est de l’envergure de Mame Less Camara. Digne fils du Sénégal, Mame Less Camara avait une conscience inégalée de ses responsabilités et des enjeux de son époque. Son engagement était sans faille dans la recherche de la vérité, dans le combat pour éclairer le destin de son peuple en trempant la plume dans la plaie et en mettant sa voix au service des sans voix. Il était de ces bouches des malheurs qui n’ont point de bouche pour paraphraser le poète, à la Rts, à la BBC, à Walf, au Matin, au Cesti, dans le Synpics partout et tout le temps, Mame Less a porté l’intérêt général en bandoulière. Chez lui, le journalisme rimait avec rigueur, honnêteté, sobriété, intelligence mais aussi humour. Il incarnait un apport de qualité au service de la communauté en termes d’information, d’analyse, de formation de conscience élevée. Mame Less Camara demeurera dans nos cœurs et dans nos esprits une source d’inspiration et un phare en ces temps d’obscurantisme et d’incertitude. »
 
 
 
 
 
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