LEVÉE DE L’IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE DU MAIRE DE DAKAR: Le film d’une mascarade nocturne taillée sur mesure pour «exécuter» Khalifa Sall



 
Sous les huées de l’opposition, les députés de la majorité présidentielle ont voté samedi la levée de l’immunité parlementaire de leur collègue Khalifa Ababacar Sall, incarcéré depuis le 7 mars dernier. Retour sur le film d’une mascarade nocturne taillée sur mesure pour «exécuter» le maire de Dakar. 22h : Début de la lecture du rapport de la commission ad hoc C’est comme si tout a été réglé, tel un scénario d’un film. En effet, c’est à 22 h précises que le président de l’Assemblée nationale a appelé le député Seydou Diouf, rapporteur de la commission ad hoc, afin qu’il restitue les travaux de la commission. La lecture du rapport prendra 10 minutes. 10 bonnes minutes durant lesquelles Seydou Diouf a révélé des désaccords entre les membres de la commission. C’est le cas, par exemple, de la décision des commissaires de se désolidariser de la décision du président de la commission Aymérou Gningue d’envoyer directement une lettre à Khalifa Sall. À la fin de la lecture du rapport, Moustapha Niasse a voulu poursuivre les travaux. C’était sans compter avec la détermination des députés de l’opposition, qui ont décidé de ne pas le laisser faire. 22h20 : Début de la passe d’armes entre députés de l’opposition et Moustapha Niasse Démissionnaire de la commission ad hoc, Déthié Fall n’y croyait visiblement pas ses oreilles à la fin de la lecture du rapport qui, selon lui, a connu des rajouts à la dernière minute. Très en colère, le député rewmiste a aussitôt demandé l’ajournement, citant des dispositions du Règlement intérieur de l’institution. Il est aidé en cela par les autres députés de l’opposition parlementaire. «En tant que commissaire de la commission, je juge que le rapport qu’on vient de nous présenter n’est pas fidèle», tacle Déthié Fall, qui demande l’ajournement à titre subsidiaire.
Mais là aussi, Moustapha Niasse a été intransigeant : «Le règlement ne le permet pas», répondra-t-il à la demande du député, avant de trancher: «il n’y aura pas d’ajournement». Suffisant pour que pour les députés de l’opposition haussent le ton. Et tout le monde s’y est mis. Et avec Aida Mbodj, Ousmane Sonko et Mamadou Diop Decroix par-là, Modou Diagne Fada, Toussaint Manga et Cheikh Bamba Dièye par-ci, l’opposition parlementaire a tapé sur la table pour dénoncer une «injustice jamais connue dans l’histoire du Sénégal». Après cinq minutes de tiraillements, Moustapha Niasse finit par céder en donnant une première fois la parole à un des députés de l’opposition, Aida Mbodj. 22h25 : Aida Mbodj tacle, Aymérou Gningue attaque l’opposition Sa voix cassée ne l’a pas empêchée de défendre Khalifa Sall. Du haut de la tribune, Aida Mbodj réitère avec force la demande de ses collègues de l’opposition. «Khaliaf Sall n’a pas été entendu. Or, la commission doit impérativement l’entendre. Il n’y a pas de carence. Le ministre est là. Il devait, avec le procureur, trouver les moyens de faire entendre notre collègue», s’est indignée la députée, avant que Moustapha Niasse ne donne la parole au président de la commission Ad hoc, Aymérou Gningue. Pour le président du groupe parlementaire de la majorité, les députés de l’opposition, qui ont quitté la commission ad hoc, l’ont fait dans le seul but de politiser le dossier. «Ils ont demandé qu’on leur remette le document, ce qu’on ne pouvait pas prendre le risque pour que cela se retrouve dans la presse», a déclaré Aymérou Gningue. 22h35 : L’impossible intervention du ministre de la Justice Passé les députés, le président de l’Assemblée nationale a donné la parole au ministre de la Justice. Mais Ismaïla Madior Fall a eu tous les problèmes du monde pour se faire écouter. Cependant, malgré les perturbations des députés, le ministre a pu faire passer, difficilement, quelques phrases. Après être revenu sur les faits, le ministre de la Justice a avoué: «Khalifa Sall a une immunité parlementaire». Mais, dit-il, «il ne peut pas s’en prévaloir pour des actes antérieurs à son élection». 23h15 : Vote de la levée de l’immunité de Khalifa Sall, Déthié Fall et Ousmane Sonko quittent l’hémicycle Désigné par ses collègues de l’opposition pour faire une proposition d’un contre-projet, le député Cheikh Bamba Dièye a rappelé l’histoire, évoquant le cas Macky Sall en 2008. «Quand Macky Sall, alors député, faisait face à une telle situation, il m’a appelé dans son bureau pour me demander de le soutenir. Je l’ai fait et c’est avec cette même liberté que je viens vous demander de défendre notre collègue Khalifa Sall», a-t-il dit. Après le vote, les députés ont rejeté la motion proposée par l’ancien maire de Saint-Louis (2009-2014). Après cela, le président de la commission ad hoc est revenu pour demander aux députés de voter le rapport. Moment choisi par les députés non-inscrits Déthié Fall et Ousmane Sonko pour quitter l’hémicycle. Ce qui n’a pas empêché la majorité de voter, par 125 voix contre 23, la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, il était 23 heures 15 minutes. Recours auprès du Conseil constitutionnel Fait marquant et non moins indigne, au moment où le président de l’Assemblée nationale, prononçait la fameuse phrase «(…) Par conséquent, les conclusions de la commission ad hoc sont adoptées et l’immunité de notre collègue est levée», les députés de la majorité, visiblement enthousiasmés par la situation, ont lancé des applaudissements nourris, comme pour célébrer une victoire. De leur côté, les députés de l’opposition annoncent un recours auprès du Conseil constitutionnel.
Sidy Djimby NDAO

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