LETTRE POSTHUME DE MATAR DIAGNE, QUI S’EST SUICIDE A L’UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT LOUIS : L’étudiant ne supportait plus les jugements sur sa personne, combinés à la souffrance de sa maladie




 
Son décès a été annoncé sur Facebook dans la nuit du lundi 10 février. Alors que les supputations allaient bon train sur les conditions dans lesquelles le jeune Matar Diagne, étudiant en master 1 en droit public, est décédé, la commission sociale de ladite université a exhorté la communauté estudiantine à éviter de distiller des rumeurs pouvant porter atteinte au déroulement de l’enquête. Mais le défunt avait prévu son coup d’avance : une lettre posthume dont la publication sur Facebook a été programmée après sa mort. Matar a expliqué dans sa missive les raisons qui l’ont poussé à quitter ce bas-monde prématurément. Regrettant les jugements contre sa personnes et un manque d’assistance, l’étudiant demande aux uns et aux autres de ne pas juger son acte.
 
L’Université Gaston Berger a été le théâtre d’un drame ce lundi 10 février, Matar Diagne, étudiant en master 1 en droit public, s’est donné la mort dans sa chambre, provoquant l’émoi sur le campus sociale, mais aussi sur Facebook où l’information est devenue virale hier matin. Ce qui a provoqué beaucoup de questionnements sur les motifs qui ont poussé Matar à se suicider. La réponse de Matar n’a pas tardé à se révéler. Le défunt avait en effet programmé sur sa page Facebook, une publication qui détaille la souffrance qu’il a endurée durant de longues années. « Je ne serai plus vivant quand vous lirez ce texte. J’ai décidé de mourir dans la dignité plutôt que de vivre dans le déshonneur », a-t-il écrit d’emblée.
Rappelant son riche parcours scolaire qui s’est soldé en 2020 par l’obtention du Baccalauréat en étant premier au centre, Matar révèle qu’il a malheureusement été atteint par une grave maladie qui «  persiste jusqu’à maintenant ». Poursuivant, Matar souligne que bien qu’il ait toujours été une personne réservée dont l’intégration était quelque peu pénible, il avait commencé pendant cette période à s’intégrer socialement, mais à cause de la maladie, il a recommencé à s’isoler. « Malgré tout, j’ai décidé d’aller à l’université et de poursuivre mes études, et là, je vis entre l’Ufr et ma chambre. Mais certaines personnes ne voient pas cela d’un bon œil. ‘’Ki dafa bonn, dou dem thi nitt yi. Beugoul nitt yi.’’ disent-ils. Cela m’a davantage isolé Pourtant, il aurait été facile pour eux de comprendre que c’est ma situation qui me pousse à m’isoler. Certaines personnes sont très intelligentes, mais elles peuvent se révéler être des cons quand il s’agit de comprendre la situation de leurs semblables », fulmine-t-il dans sa lettre avant d’ajouter : « (…) Je ressens une tristesse intense. Il y a une tempête dans mon cœur. La fois où j’ai eu à me confesser, mes confessions ont été exposées en public. La conséquence en est que je me méfie, je n’ose même pas en parler avec des amis. Face à cette situation, je m’emmure dans mon silence, comme je sais si bien le faire depuis que je fus enfant. Et ce qui est triste, c’est qu’il y a des personnes qui s’adonnent aux moqueries avec joie, sans mesurer les conséquences de leurs actes ».
 
« N’isolez personne, n’ignorez personne, ne vous moquez de personne et ne fuyez personne »
 
Matar dit espérer que sa « mort ouvrira les yeux à certains étudiants et certaines familles. N’isolez personne, n’ignorez personne, ne vous moquez de personne et ne fuyez personne. Rapprochez-vous des gens qui s’isolent, parlez leur et essayez de les comprendre, sans les juger. Cet acte, je l’ai fait en quelque sorte en guise de sacrifice pour que ‘’géne bayi xell’’ les autres qui ont des soucis. Ne jugez jamais avant de connaître toute l’histoire ».
Toujours dans sa lettre postée sur Facebook, le jeune étudiant dit se sentir oppressé «  (…) la maladie  seule aurait été très douce pour moi, mais les mauvaises choses qui circulent sur moi, et que je nie jusqu’à la dernière énergie, ces bobards ont fait de moi une autre personne. Quand des gens qui ne vous connaissent pas vous haïssent, alors sachez que ce sont certainement vos détracteurs qui sont passés par là pour vous salir. J’espère que ceux qui ont fait cela auront la conscience tranquille. Le plus triste, c’est que ce seront ces mêmes personnes qui seront les premières à faire de bons témoignages sur moi », regrette-t-il.
 
« Cet acte, je l’ai fait en quelque sorte en guise de sacrifice pour… »
 
« Il m’est préférable de mourir dans l’honneur que de vivre dans le déshonneur. Je demande pardon à mon père et à ma mère (…) Ne m’oubliez jamais dans vos prières. (…) Si j’ai tenu jusqu’ici, c’est pour ma mère. ‘’Sama yaye rek la khamoul nouma kay def’’. Depuis 2011, elle est paralysée par un AVC. Mais à quoi lui servirais-je étant ainsi malade, délabré et rompu ? Je refuse d’être une charge supplémentaire. ‘’Yaye khamnani dina tass sa yakar, wayé dénke nala Yalla. Dénke nala Yalla’’ », a-t-il écrit demandant pardon aux membres de sa famille et ses amis à qui il demande de ne pas le pleurer mais plutôt de prier pour le repos de son âme.
 
« Aidez-moi à publier mon roman car… »
 
Pape Matar Diagne qui souhaiterait que son roman intitulé « la fuite des indésirables », dans lequel il évoque la question de l’émigration clandestine, soit publié : « Je l’ai envoyé à la maison d’édition Harmattan-Sénégal(...) Aidez-moi à le publier, c’est sans doute la seule trace que je laisserai sur terre. Je souhaite que les retombées de ce livre, même si c’est un seul exemplaire vendu, soient dédiées à la prise en charge de l’AVC de ma mère ».
 
« Ne jugez pas mon acte. Laissez Allah en disposer, car Allah est miséricordieux »
 
Poursuivant ses explications, le défunt soutient : « j’ai écrit ce texte pour anticiper les propos de ceux qui tenteront de salir ma mémoire. Je ne suis pas une personne parfaite, et je commets des erreurs comme tout le monde. Mais toute ma vie durant, j’ai fait de telle sorte à ne pas nuire mes semblables. Je me suis toujours gardé de dire du mal des autres. J’ai fait de telle sorte à respecter les préceptes de ma religion, et à réserver une bonne partie de ma vie à l’adoration d’Allah. Toutefois, les personnes comme moi, je le pense bien, qui sont incapables de faire du mal aux autres, qui aiment le juste et qui sont véridiques, n’ont pas leur place dans ce monde, car ce sont toujours ces mêmes personnes qui, aux yeux des autres, sont les monstres », dit-il avant d’assurer son pardon à tous ceux qui lui ont causé du tort. Pour conclure, il implore le pardon de Dieu et demande aux gens de ne pas le juger : « Ne jugez pas mon acte. Laissez Allah en disposer, car Allah est miséricordieux ! ».
Ndeye Khady D. FALL
 
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