LES POINTS SAILLANTS DU RAPPORT DES ASSISES DE LA JUSTICE : Des maux, des chiffres qui font peur, …la justice mal au point




 
 
 
 
 
 
La «Justice» est l’un des sujets les plus discutés ces deux dernières décennies au Sénégal. Et en parcourant le document des assises de la justice sénégalaise, force est de constater que les maux ne manquent pas et qu’un bon traitement du dossier de la justice sénégalaise est plus que jamais nécessaire.
 
Pendant une semaine d’échanges intenses (28 mai-4 juin 2024), près de quatre-cents (400) personnes réunies au Centre international de Conférence Abdou Diouf (Cicad), à Diamniadio, ont réfléchi sur les voies et moyens de réformer la justice sénégalaise. Ces échanges ont abouti à une production d’un document de 87 pages remis au président de la République. En parcourant le document, un diagnostic presque parfait de la justice a été effectuée. «En tant que politique publique, la Justice demeure particulièrement mal lotie. Tout, en effet, prouve son dénuement : l’extrême faiblesse de la dotation budgétaire de ce ministère de souveraineté (moins de 1.7% du budget national en 2024), l’absence de siège propre, la dispersion de ses services centraux, le recours à des contrats de location pour abriter certaines juridictions. Cette faible capacité infrastructurelle n’a d’égale que la saisissante étroitesse numérique des professions qui œuvrent dans le service public de la Justice (magistrats, greffiers, avocats, notaires, huissiers de Justice, commissaires-priseurs, inspecteurs de l’éducation surveillée et de la protection sociale, éducateurs spécialisés, interprètes judiciaires, assistants des greffes et parquets, experts judiciaires etc.)», lit-on dans le rapport.
 
1 magistrat pour 100.000 habitants…
 
Plus grave, ce sont les chiffres avancés sur les hommes qui font fonctionner la justice sénégalaise qui «rendent littéralement utopique la consolidation d’un État de droit au Sénégal». En effet, le document souligne qu’il y a un magistrat pour 100.000 habitants et plus de magistrats (530) que de greffiers (472) et d’avocats (439). «Dans ce contexte, toute réflexion sur le bon fonctionnement de la Justice et le respect des droits des justiciables reste pure abstraction», révèle le rapport.
 
75% n’ont pas confiance à la justice sénégalaise, 63% n’ont pas compris les motivations du juge
 
Autres points diagnostiqués dans le rapport, ce sont les violences subies au quotidien par les usagers pour l’obtention des actes et services usuels, la petite et grande corruption qui affecte la Justice, l’hyper-répression dont elle fait montre (le nombre de détentions provisoires est aussi élevé que les aménagements de peines sont bas) et les conditions indignes, déshumanisantes et dégradantes de la plupart des lieux de privation de liberté. «Ces pratiques sont sanctionnées en retour par un désenchantement populaire et une perception des plus négatives : 75% des contributeurs de la plateforme Jubbanti ne font pas ou ont peu confiance en la justice sénégalaise ; 65% ne sont pas satisfaits des services qu’elle rend, 63% n’ont pas compris la motivation du juge dans le traitement de leur dossier», note le document.
 
Des points d’accord consensuels…
 
Les échanges ont abouti à des consensus sur certains points comme la transformation du Conseil constitutionnel en une Cour constitutionnelle qui serait la juridiction suprême du pays ;  la création d’une Haute Autorité de la Justice c’est-à-dire une institution constitutionnelle au sein de laquelle acteurs et usagers vont désormais assurer un contrôle du bon fonctionnement du système judiciaire ;  l’instauration d’un Juge des libertés et de la détention en vue de garantir le respect des droits des personnes arrêtées dans le cadre d’une procédure pénale et présentées devant la justice ; l’effectivité d’un véritable service d’exécution des peines et de l’aménagement des peines avec une autonomisation des fonctions du juge de l’application des peines (Jap)….
Comme point de désaccord, d’ailleurs, qui a retenu l’attention de l’ensemble des Sénégalais, c’est la présence ou non du président de la République et de son ministre de la Justice au Conseil supérieur de la magistrature.
 
Samba THIAM
 
LES ECHOS

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