Défendre son client, préserver ses droits, tout en respectant les mesures barrières et éviter la propagation du virus, c’est le défi auquel sont confrontés les avocats. Pour Me Papa Laïty Ndiaye, il est possible de relever ce défi, mais cela nécessite certaines conditions. Dans une note sur fond de contribution, intitulée «Les droits des détenu(e)s à l’épreuve de la Covid-19 : Défendre les clients détenus en période de pandémie : Un défi pour les avocats», le bâtonnier de l’Ordre des avocats applaudit certaines mesures prises par les autorités. Il dénonce également quelques manquements et soutient les procès en visioconférence.
Pour défendre son client, il ne suffit pas seulement pour l’avocat de se mettre devant le prétoire et se lancer dans sa plaidoirie, ni même rester dans son cabinet et écrire ses conclusions ; il faudra aussi s’approcher du client même s’il est en prison afin de pouvoir échanger avec lui. Et cela expose tous les deux au Covid-19. Le détenu qui est extrait pour comparaître sans masque constitue également un danger pour les autres. Pourtant, il doit être défendu correctement dans le respect de ses droits. Des mesures ont été prises jusque-là par les autorités judiciaires ou l’Administration pénitentiaire, pour éviter la propagation de la pandémie, comme le port de masques par les détenus qui se présentent aux audiences ; il s’en réjouit, mais cela ne suffit toujours pas. Le risque est toujours réel pour les avocats, mais aussi pour les clients détenus. Et de l’autre côté, les droits de la défense sont parfois bafoués. C’est tout au moins le constat du bâtonnier de l’Ordre des avocats.
Le bâtonnier contre les visites d’avocats se font aux parloirs
Me Papa Laïty Ndiaye n’est pas du tout favorable, par exemple, à l’échange entre l’avocat et le client à travers le parloir, comme c’est la pratique dans certains lieux de détention. «Au titre de l’organisation de la défense dans certaines maisons d’arrêt, les visites d’avocats se font aux parloirs qui abritaient jusqu’ici les visites des familles de détenus. Or, si les mesures barrières sont scrupuleusement respectées, rien n’oblige l’Administration pénitentiaire à soumettre les avocats à cet exercice pénible de devoir s’entretenir avec leurs clients au moyen d’un interphone qui n’offre guère le confort d’un échange efficient. Il urge de trouver une solution à ce niveau et de revenir à l’ancien système de réception, avec des mesures barrières, pour casser la chaîne de transmission du virus, sans porter atteinte au libre exercice de la défense pénale», préconise le bâtonnier, dans sa note.
Diminution des mandats de dépôt : le bâtonnier applaudit
Par ailleurs, l’avocat qui se félicite de la circulaire émise le 19 mars par le ministre de la Justice et dans laquelle il invitait les magistrats à «reconsidérer certaines règles de notre politique pénale en poursuivant certaines infractions sans recourir à la détention provisoire», souligne qu’il s’agit de «rester sur cette dynamique qui est la voie royale pour éviter la propagation du virus dans les lieux de détention». Car, pour lui, «la surpopulation carcérale et l’engorgement des tribunaux sont la conséquence d’une politique pénale quelquefois inutilement répressive et du non-respect des principes majeurs de la procédure pénale, dont le socle est le droit à la liberté et le respect de la dignité humaine». Poursuivant, Me Papa Laïty Ndiaye de marteler : «la justice ne peut rester sourde, ni aux cris de détresse des personnes détenues ni aux appels techniques des avocats dont les demandes de mise en liberté provisoire sont, hélas, trop souvent rejetées, alors que les mandats de dépôt se multiplient».
Refuse de certaines Chambres d’accusation de la présence physique des avocats aux audiences : Le bâtonnier dénonce une rupture de l’égalité des armes
Et ce n’est pas tout, sur le plan juridictionnel également, des impairs sont à souligner. «En effet, certaines Chambres d’accusation n’ont pas admis la présence physique des avocats aux audiences. Cela constitue une rupture de l’égalité des armes, puisque même s’il est admis que les avocats peuvent déposer des mémoires en réponse à l’avis du Parquet général, leur absence, aux audiences, alors que le Parquet général y est bel et bien présent, remet en cause le principe de l’égalité des armes», s’insurge le bâtonnier de l’Ordre des avocats.
Procès en visioconférence
Me Ndiaye souhaite en outre que les détenus puissent être jugés dans un délai raisonnable. «Apprendre à vivre avec la Covid-19, c’est également transformer notre système judiciaire afin de promouvoir le respect des droits de la défense tout en préservant la santé de tous les acteurs : avocats, magistrats, huissiers, notaires, greffiers, agents de l’Administration pénitentiaire, personnel de sécurité, etc.», soutient le bâtonnier avant de renchérir : «c’est pourquoi l’Ordre des avocats a soutenu et accompagné le projet de mise en œuvre des procès en visioconférence, proposé par le président du Tribunal de Grande Instance de Thiès», comme pour dire qu’il est partant pour les procès en visioconférence. Une sorte de réforme pour lui qui doit s’accompagner de la «modernisation de nos lieux de détention».
Alassane DRAME