LE CHEF DE L’ÉTAT CONVOQUE L’ASSEMBLÉE POUR ÉVITER LA MOTION DE CENSURE : Comment Diomaye Faye compte prendre de vitesse le groupe Benno Bokk Yakaar et sauver la tête de Sonko




 
 
 
Coup de théâtre à l’Assemblée nationale. Alors que tout le monde attendait la motion de censure, Diomaye a sorti une astuce de sa poche. Il a coupé l’herbe sous les pieds du législatif en convoquant à son tour une session extraordinaire avec comme ordre du jour : l’examen du projet de loi de réglemnt pour la gestion de 2022, un projet de loi autorisant le Président de la République à ratifier la Convention de l’Union africaine sur la coopération transfrontalière, le projet de loi relatif à la Commission nationale des Droits de l’homme et enfin… la Déclaration de politique générale (Dpg).
 
 
 
Alors que la situation politique est de plus en plus tendue, le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé hier, lors d’une rencontre avec le personnel de la Primature, le limogeage prochain par décrets présidentiels des présidents du Conseil économique social et environnemental (Cese) et du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct). Une annonce qui se concrétisera quelques heures après, quand le président de la République Bassirou Diomaye Faye, actuellement en déplacement en Chine, a mis fin aux fonctions de Aminata Mbengue Ndiaye et de Abdoulaye Daouda Diallo, respectivement présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) et président du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Lors de la même rencontre qui a été diffusée sur sa page Facebook, Ousmane Sonko a assuré à qui veut le croire qu’il n’y aura pas de motion de censure, disant qu’aucune motion de censure ne pourra être déposée avant le 12 septembre. Cette annonce intervient alors que le groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar (Bby) multiplie les tentatives pour renverser le gouvernement. Malgré ces efforts, le Premier ministre a exprimé sa sérénité, soulignant que les députés auront bientôt d’autres préoccupations que leur présence à l’Assemblée nationale.
« Je peux vous assurer qu’il n’y a pas de motion de censure, parce que d’ici le 12 [septembre], ces gens-là auront autre chose à faire que d’être députés à l’Assemblée nationale », a-t-il déclaré, réaffirmant sa détermination à mener à bien les réformes nécessaires pour le Sénégal. Selon lui, cette décision, marquée par une volonté de renouveler la confiance du peuple dans les institutions, s’inscrit dans une démarche visant à renforcer la stabilité politique du pays. Par cette déclaration, le Premier ministre laisse entendre que l’Assemblée nationale sera dissoute très prochainement.
C’est pourquoi, quelques heures après cette déclaration du Premier ministre, quand les membres du bureau de l’Assemblée nationale ont été convoqués pour une réunion à 17h30, tout le monde avait alors pensé qu’il s’agissait d’une réplique à Ousmane Sonko de Benno Bokk Yakaar qui dirige la deuxième institution.
 
 
La la Déclaration de politique générale en dernière priorité
 
Mais la vérité est tout autre. En effet, la convocation du bureau de l'Assemblée nationale relève d’une initiative de l’exécutif. C’est le président de la République Bassirou Diomaye Faye qui a saisi l’Assemblée nationale pour demander l’ouverture d’une session extraordinaire. Selon nos informations, cette session extraordinaire, la troisième de l’année, aura comme ordre du jour : la Loi de règlement pour la gestion de 2022 (La loi de règlement constate les résultats financiers de chaque année civile et approuve les différences entre les résultats et les prévisions de la loi de finances de l'année, complétée, le cas échéant, par ses lois rectificatives), un projet de loi autorisant le Président de la République à ratifier la Convention de l’Union africaine sur la coopération transfrontalière, le projet de loi relatif à la Commission nationale des Droits de l’homme et enfin la Déclaration de politique générale (Dpg) du Premier ministre Ousmane Sonko.
Dès lors, on se demande quelles sont les vraies motivations du président de la République en décidant de faire convoquer l’Assemblée nationale pour évoquer la Déclaration de politique générale (Dpg) du Premier ministre Ousmane Sonko. Surtout, si on sait que le chef de l’Etat a manœuvré pour éviter que le Premier ministre fasse sa Dpg sous cette 14e législature dominée par l’opposition à travers la coalition Benno Bokk Yakaar.
Selon certains observateurs, le président de la République, à travers cette décision, cherche à gagner du temps pour pouvoir dissoudre l’Assemblée nationale. En effet, par ce geste, Diomaye Faye coupe l’herbe sous les pieds du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar qui a annoncé une motion de censure pour faire tomber le gouvernement de Ousmane Sonko.
En effet, les demandes du président de la République étant prioritaires, l’Assemblée nationale devra d’abord se pencher sur la demande du chef de l’Etat de convoquer une session extraordinaire avant de s’attaquer à la motion de censure de Benno Bokk Yakaar. Seulement, quand les députés finiront de se pencher sur la demande du président de la République, le délai de deux années de mandature qu’attendait le chef de l’État pour la dissoudre sera effectif. En effet, après l’ouverture de la session, le Premier ministre a un délai de huit jours pour répondre aux députés. Ce délai de huit jours, c’est exactement ce qu’il faut pour avoir les deux ans nécessaires pour permettre au président de la République de dissoudre la deuxième institution du pays.
 
 
Juste pour gagner du temps ?




Cependant, ce subterfuge politique, s’il passe, risque d’être vu comme un manque d’élégance et une manœuvre malsaine du numéro 1 sénégalais qui aura convoqué l’Assemblée pour reconnaître au dernier moment qu’il voulait gagner du temps pour être dans les délais pour la dissoudre. Le pouvoir pourra alors répliquer que les procédures ont été respectées et que ce ne sont pas eux qui ont fait les lois. C’est sans doute ce qu’a essayé de dire le député de Pastef Amadou Ba dans un post sur Facebook hier. «Macky Sall a fait adopter, lors du référendum de 2016, une constitution qui permet au président de la République de faire face à toutes les situations avec ou sans majorité. Agitations et gesticulations seulement, sinon rien à signaler», a noté le député de Thiès.
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
LES ECHOS

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