Un bras de fer acharné se poursuit toujours entre les avocats de la défense et ceux de l’Etat du Sénégal. Une batterie d’exceptions a été soulevée, hier, par Me François Sarr et Cie pour demander l’annulation de la procédure et la libération de Khalifa Sall et Cie. Mais, c’était sans compter avec l’agent judiciaire et ses avocats, qui ont démonté les arguments de la défense, demandant ainsi au juge de déclarer irrecevables toutes les exceptions. Le règlement 5 de l’Uemoa, qui semble incontournable pour la défense, ne peut être brandi, puisque déjà, selon Me Samba Bitèye, la défense s’est trompée de procès-verbal. Et s’agissant de la constitution de partie civile de la ville de Dakar, l’avocat considère que la mairie est venue en retard.
Jusqu’à présent, le fond du dossier dans l’affaire qui oppose Khalifa Sall au ministère public n’est pas encore entamé. Les questions de forme font toujours l’objet des débats et pour cause, les avocats de la défense persistent toujours sur les vices de procédure qui entachent le dossier et qui doivent entraîner la nullité de la procédure et par voie de conséquence, la libération de Khalifa Sall, Mbaye Touré et Yaya Bodian, les seuls actuellement à subir les rigueurs de la prison. Hier, encore, la défense a persisté sur les exceptions portant sur plusieurs défaillances de la procédure, mais surtout sur l’inobservation du droit à l’assistance d’un conseil de la personne dès l’interpellation.
En réplique aux requêtes des conseils de la défense, l’agent judiciaire et ses avocats ont dégagé en touche. Ils ont demandé tout bonnement au juge de déclarer toutes les exceptions soulevées irrecevables. Avocat français constitué du côté de l’agent judiciaire, Me Thomas D’Amico a soutenu qu’il y a le statut de «suspect libre» et de «témoin libre». Et donc, pour lui, au moment de leur audition, Khalifa Sall et Cie revêtaient la qualité de témoin libre. «A ce stade, personne n’est suspect. Le maire a été entendu comme témoin. Il était entendu sur un rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige)», plaide-t-il.
Même son de cloche du côté de Me Baboucar Cissé. Selon la robe noire, le maire de Dakar tout comme les autres prévenus, n’était pas en interpellation au moment de son audition. «Ils ont été entendus pour fournir des renseignements par rapport au rapport de l’Ige. Je dirais donc qu’ils étaient entendus à simple titre de renseignement. La preuve, ils sont rentrés librement. Ils n’ont pas été interpellés ni gardés à vue, ni déférés».
Khalifa Sall et Cie étaient entendus en qualité de témoins
Par rapport à l’exception tirée du non-respect du droit à l’assistance fondée sur le règlement 5 de l’Uemoa et sur l’article 55 du Code de procédure pénale, Me Samba Bitèye, conseil de l’Etat, souligne que les avocats de la défense se sont trompés de procès-verbal. A l’en croire, ils ont toujours visé le procès-verbal d’enquête du 7 février 2017, alors que le procès-verbal visé par le procureur de la République dans son réquisitoire est le procès-verbal n°146 du 2 mars 2017. Toujours selon Me Bitèye, son confrère Me Doudou Ndoye a tenté de rectifier dans ses conclusions en «glissant» le PV visé, en demandant son annulation, mais cela ne saurait prospérer. «On est saisi d’un appel qui fixe et délimite les frontières de la saisine», précise l’avocat.
Sur cet aspect, Me Baboucar Cissé a précisé qu’on est devant la Cour d’appel de Dakar. A l’en croire, cette Cour d’appel a statué en Chambre d’accusation et rendu son arrêt par rapport au droit à l’assistance d’un conseil. «Cette décision de la Chambre d’accusation n’est pas un acte d’instruction, contrairement à ce que dit la défense, mais plutôt une décision juridictionnelle», argue la robe noire. Et cela a acquis l’autorité de la chose jugée. La défense ne peut pas, selon lui, venir devant la Cour d’appel statuant en matière correctionnelle pour demander ce qui a été déjà tranché.
Pour sa part, l’agent judiciaire de l’Etat a précisé que toutes les exceptions soulevées par la défense l’ont déjà été pour certaines ou alors qu’au moment de leur évocation, les conseils de la défense ont parlé du fond du dossier. Ce qui doit nécessairement entraîner l’irrecevabilité de toutes les exceptions.
La ville de Dakar est venue trop tard
Outre ces exceptions de la défense, Me Samba Bitèye a soulevé une autre exception de l’Etat, évoquant l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de la ville de Dakar. Selon lui, même si les conseils de la ville de Dakar ont produit une délibération, cette fois-ci, «corrigée», du conseil municipal, pour fonder leur constitution de partie civile, pour lui, «ils sont arrivés trop tard». «Ce qui est dévolu, c’est le jugement du 30 mars et l’irrecevabilité est une irrecevabilité de pure forme, elle doit être jugée sans être jointe au fond», a plaidé la robe noire. Les débats se poursuivent aujourd’hui.
Alassane DRAME