Présidente des femmes Khalifistes dans le département de Dakar, Aïssatou Fall ne cache sa déception de voir le candidat de son mentor recalé à la faveur des élections présidentielles de février dernier. Dans cet entretien-bilan avec «Les Échos», la patronne de femmes vide son cœur. Elle dit d’ailleurs ne toujours pas comprendre pourquoi ses camarades de la coalition Taxawu Senegaal ont refusé de porter la candidature d’Idrissa Seck, alors que ce dernier leur avait tout donné. Aïssatou Fall dit aussi qu’à l’élargissement de Khalifa Sall, elle ne serait pas favorable au retour de ceux qui les avaient lâchés pour aller avec le camp présidentiel.
Le Sénégal a bouclé la présidentielle avec les résultats que nous savons. Globalement, comment les appréciez-vous ?
Le regard que j’ai de cette élection, c’est d’abord un regard en tant que Khalifiste. De dire que nous avons fait tout ce que nous devions faire pour faire gagner notre candidat. Après le mot d’ordre qui nous a été donné, nous avons fait ce que nous devions faire. C’est-à-dire battre campagne. Au niveau de Dakar, si nous n’avions pas fait de caravane avec Barthélemy Dias, Cheikh Guèye et les autres, peut-être que nous n’aurions pas eu les résultats que nous avons à Dakar. La coalition Idy 2019, non plus. L’autre analyse est que, malgré le mot d’ordre donné par Khalifa, l’élection présidentielle, c’est le rendez-vous d’un homme avec son peuple. Quelle que soit l’engagement, le degré de mobilisation, il y aura toujours des réticences. A notre niveau, au niveau des souteneurs de Khalifa Sall, il y en a qui sont partis voter Sonko. D’autres, des sympathisants d’un nombre plus important, puisque que ce n’est pas Khalifa Sall qui competissait directement, ont porté leurs suffrages ailleurs. Pour vous dire qu’en tant que Khalifistes, nous n’avons pas perdu Dakar. «Taxawu Senegaal n’a pas perdu Dakar. C’est juste que Khalifa n’était pas candidat» et c’est peut-être ce qui explique le score. Nous sommes d’ailleurs réconfortée, en entendant Moustapha Cissé Lô. On comprend maintenant pourquoi Khalifa Sall ne devait pas être de la course. Cissé Lô a vu juste pour dire que si Karim Wade et Khalifa Sall étaient de la course, le second tour allait avoir lieu. Que Macky irait au deuxième tour ; il n’y a pas plus vrai que cette déclaration de Moustapha Cissé Lô. Tout ce qui devait être fait a été fait. Nous avons fait une excellente campagne, malgré le manque de moyens. C’est l’occasion pour moi de féliciter tout le monde. Barthélemy Dias et tous les autres qui se sont battus pour le triomphe des instructions de Khalifa Sall.
Certains vous accusent pourtant de ne vous être pas suffisamment investis pour Idy ; de ne pas avoir mouillé le maillot…
C’est vrai, certains peuvent s’exprimer ainsi, parce qu’effectivement, il y a des responsables à un certain niveau qui n’ont pas mouillé le maillot. Si tout le monde s’était investi, avait respecté le mot d’ordre… je ne peux pas comprendre que l’on puisse dire que c’est tel mon leader et quand il vous donne des instructions, que les gens puissent faire autre chose. Personnellement, je ne comprends toujours pas.
Vous pensez que s’ils s’étaient suffisamment investis Idy allait avoir plus que ce qu’il a eu à Dakar ?
C’est mon intime conviction. Parce que Khalifa est aimé des Sénégalais, pour ne pas dire des Dakarois. Si tout le monde était sorti, si tous les responsables avaient mouillé le maillot, à tous les niveaux, à la base, on aurait pu avoir plus que les résultats obtenus à Dakar. Mais c’est vraiment dommage.
Le débat agité aujourd’hui, c’est une amnistie pour Khalifa Sall et Karim Wade. Etes-vous pour, puisque vous avez toujours défendu que Khalifa Sall n’a rien fait ?
Ce que je crois est que Khalifa Sall a été arrêté pour l’empêcher de participer à ces élections. Karim Wade aussi. Je pense donc, puisque les élections sont terminées, il revient à Macky Sall d’user des mêmes subterfuges pour les sortir de prison. Puisque c’est lui qui avait trouvé des subterfuges pour les arrêter, qu’il fasse la même chose. Il peut le faire, s’il veut.
Vous êtes donc pour qu’il soit gracié ?
Non, par voie de grâce, je ne suis pas d’accord. Par contre, je suis pour qu’ils soient amnistiés, bien que nous ne lui demandons rien. Je précise que nous ne sommes pas demandeurs. Mais c’est une obligation pour Macky Sall, du point de vue de tout le mal qu’il a fait à Khalifa Sall de l’amnistier, malgré que Khalifa Sall ne lui demandera jamais une grâce ou à être amnistié.
Justement, certains de vos camarades pensent que vous devez aller à la table du dialogue pour défendre vos positions sur bien des questions. Etes-vous pour ?
Je pense que la coalition à laquelle nous appartenons, celle pour qui nous avons battu campagne, n’a pas le droit d’aller répondre à l’invite de Macky Sall. Pour qu’il ait un dialogue, il y a des préalables à régler. Parmi les préalables, c’est que Khalifa Sall doit d’abord être libéré. On ne peut dialoguer en sachant notre leader en prison depuis deux ans. Pour le dialogue, il faut être radical et c’est ce que nous demandons à la coalition. D’être solidaire de Khalifa Sall. Pas de dialogue sans Khalifa Sall. Qu’il soit libéré, c’est tout ce que nous disons.
Avant l’arrestation de Khalifa Sall, la coalition Taxawu Senegaal était forte de plusieurs personnalités de renom. Que vous inspire le départ de tous ces gens ? Accepteriez-vous qu’à la sortie de Khalifa Sall qu’ils puissent revenir ?
Pour cette affaire que vous évoquez, on s’y attendait. Khalifa Sall, avant d’aller en prison, nous avait prévenus, en nous disant que le chemin sera très difficile et avant d’atteindre notre objectif, beaucoup se lasseront et nous lâcheront en cours de route. Personnellement, je dis que c’est une bonne chose que ces gens aient décidé de quitter le navire avant l’heure. S’ils étaient encore parmi nous, personne ne saurait qui ils sont réellement. Ils continueront à être du groupe et peut-être qu’on ne saura jamais leur vraie nature. Aujourd’hui, nous le savons. C’est bien donc qu’ils soient partis. Leur départ d’ailleurs n’enlèvera en rien l’amour que les Sénégalais ont pour Khalifa Sall. La sympathie que les Sénégalais ont pour Khalifa Sall. J’en profite pour dire d’ailleurs que demain, s’ils envisagent de revenir, qu’ils sachent que nous ne l’accepterons pas. Ce n’est pas possible ! On ne peut pas travailler avec des traitres, même si, en politique, il faut toujours additionner. On ne peut travailler avec des gens qui, à la première occasion, vous plantent un couteau dans le dos. Ça a été fait une fois, nous n’accepterons pas qu’ils puissent poignarder Khalifa Sall une seconde fois.
Au niveau de la ville de Dakar, beaucoup se posent des questions sur la position de Soham Wardini, de son manque d’engagement à la cause de Khalifa Sall. Quelles sont justement vos relations, vous les femmes de Khalifa et elle, maire de la ville de Dakar, mais membre de l’Afp, du camp du pouvoir?
On a les meilleures relations avec elle. Peut-être que ce sont les gens qui ne savent pas, mais Soham, Mme le maire, est toujours à nos côtés. Dans tous les combats. Elle nous aide énormément. C’est quelqu’un de très loyal, de véridique ; très constante aussi dans son engagement. Nous ne pouvons manquer de la féliciter. Elle est très engagée dans le combat, franchement. C’est moi qui coordonne les actions des femmes Khalifistes et je peux vous assurer qu’elle est loin de ce qui est raconté ça et là. C’est vrai que nous l’avons laissée gérer la mairie, mais tout ce que nous organisons, elle est en plein dedans. Toujours présente à nos côtés. Partout aussi où nous sommes invitées, dans le cadre des manifestations des femmes de l’opposition, elle est avec nous. Même pour les présidentielles passées. Toujours dans le combat, pour dire la vérité, rien que la vérité.
Couplages des locales avec les législatives. Quel commentaire vous inspire le débat ?
Nous ne sommes pas d’accord. Nous exigeons le respect du calendrier républicain. Ceux qui avaient été élus députés, qu’ils terminent leurs mandats. Les maires dont les mandats sont en cours, que ces derniers soient remplacés. C’est mon point de vue. Pas de couplage d’élections.
Comment avez-vous vécu les retrouvailles de Banda Diop, Moussa Sy, Aissata Tall Sall avec Ousmane Tanor Dieng…dans le cadre de la grande coalition au pouvoir ?
C’est un problème d’éthique qui se pose. Parce qu’Aissata, si vous vous souvenez, lors d’un grand meeting à la Médina, avec Barthélemy, Bamba Fall et tous les autres, c’est elle, Aïssata Tall Sall, qui poussait Khalifa Sall à être candidat. Quand Khalifa Sall a été arrêté et qu’on ne la sentait plus dans le combat, nous avons commencé à comprendre qu’elle était sur le point de nous lâcher. A dire vrai, son départ ne nous a pas surpris. En tout cas, nous, au Parti socialiste, on ne nous a pas appris qu’on peut vomir et après ravaler ses vomissures. Ce qu’on a appris, c’est l’éthique partout, en tout lieu et toute circonstance.
C’est pourquoi son comportement ne peut nous inspirer que de la honte. Surtout si, après tout ce qui s’est passé, tout ce qu’elle a dit dans le passé, au point de se faire expulser de son parti, elle doit encore partager un même cadre avec Ousmane Tanor Dieng.
On ne comprend vraiment pas sa position. Tanor Dieng doit même être en train de rire sous cape.
C’est dire donc que si Aissata Tall Sall devait revenir demain aux côtés de Khalifa Sall, vous vous opposeriez ?
En politique, on ne dit jamais non. Mais ma position à moi, est que je ne lui ferai plus confiance.
Pour cette élection, d’autres vous ont lâchés au moment où vous aviez le plus besoin d’eux. Papo Mbengue notamment…Quel est l’argument qu’ils vous sert. Surtout pour ne pas avoir à battre campagne pour Idy qui a été choisi par Khalifa Sall?
Il n’y a pas d’arguments solides. Aux législatives, Idy nous avait donné toutes ses voix ; aujourd’hui, au moment où notre leader nous dit que sa volonté, la consigne qu’il a donnée pour les élections est que nous soutenions Idrissa Seck, je n’ai vraiment pas compris la position de certains. Quel que soit ce qu’on peut lui reprocher, Idrissa Seck est un homme d’Etat, un homme vraiment de valeurs…c’est pourquoi quand Khalifa nous a dit de porter nos voix sur Idy, nous avons respecté le mot d’ordre. Khalifa, c’est toujours après réflexion qu’il parle. C’est quelqu’un qui connaît bien le pays et je peux affirmer qu’il ne fait pas de choix sous le coup de l’émotion. C’est froidement qu’il a analysé avant de faire son choix. Je sais que Khalifa a bien fait de choisir Idy et c’est incompréhensible que les gens aient refusé de porter la candidature de Idy.
Madou MBODJ
«Nous sommes d’ailleurs réconfortée, en entendant Moustapha Cissé Lô. On comprend maintenant pourquoi Khalifa Sall ne devait pas être de la course. Cissé Lô a vu juste pour dire que si Karim Wade et Khalifa Sall étaient de la course»
«Je pense que la coalition à laquelle nous appartenons, celle pour qui nous avons battu campagne, n’a pas le droit d’aller répondre à l’invite de Macky Sall»
«Taxawu Senegaal n’a pas perdu Dakar. C’est juste que Khalifa n’était pas candidat et c’est peut-être ce qui explique le score»
«Soham est toujours à nos côtés. Dans tous les combats. Elle nous aide énormément. C’est quelqu’un de très loyal, de véridique ; très constante aussi dans son engagement».
«Khalifa Sall est quelqu’un qui connaît bien le pays. C’est froidement qu’il a analysé avant de faire son choix. Je sais que Khalifa a bien fait de choisir Idy et c’est incompréhensible que les gens aient refusé de porter la candidature de Idy».